Mise en capsules
Mise en capsules.
Septième édition du festival Mise en capsules: soit seize pièces de trente minutes d’auteurs parfois connus comme Rafael Spregelburd ou Bruno Nuyten qui se succèdent en alternance pendant deux semaines à raison de cinq par soirée de 19 à 22 heures. Nous n’en avons pu voir que deux qui étaient d’un très bon niveau.
D’abord Garance et le docteur Q. d’Eloïse Lang, mise en scène par l’auteur: une jeune femme vient consulter un sexologue. Motif: sa vie sexuelle et sentimentale, dit-elle, n’est pas du tout épanouie. Les rendez-vous se succèdent sans beaucoup de résultat et Garance qui,s’est entre temps fait plaquer par son amoureux, se mettra même en colère quand le sexologue lui dira qu’il a un compagnon. C’est pour elle comme une sorte de trahison professionnelle… Jusqu’au moment où elle croisera dans l’escalier de son cabinet, un jeune homme venu consulter pour son homosexualité. Et Garance finira, enfin sauvée, par faire l’amour avec lui.
L’auteur sait mener rondement un dialogue bien ancré dans le réel, même s’il y a quelques facilités d’écriture… Et comme Camille Cottin et Christophe Corsand sont très crédibles et tiennent leur personnage avec une grande efficacité dès le début de la pièce, cette demi-heure passe très vite. Et, en plus, il y a un beau trompe-l’œil/photo de bibliothèque. Que demande le peuple?
La dernière demi-heure de Julien Chavannes, mise en scène par Salomé Lelouch, se passe au Q.G. de Pierre Lois, candidat au second tour des Présidentielles. Trois grandes affiches de campagne, une table couverte de livres des derniers présidents auxquels il va peut-être succéder, et quelques chaises. Son assistante, sûre d’elle et autoritaire, pianotant sur son portable, ne cesse de l’abreuver des derniers pronostics… tous en dessous des 50%! Et les derniers flashs radio ne sont guère rassurants. Bref, il n’en mène pas large et cette demi-heure est du genre tendu! Arrive alors-on ne sait comment-très statue du commandeur, un homme aux cheveux blancs, à l’allure mitterrandienne: c’est l’actuel président de la République, l’autre candidat du second tour!
Rêve ou réalité? En tout cas, Pierre Lois, mal à l’aise va quand même devoir faire avec; le Président qui a l’expérience du poste, l’accable d’une certaine condescendance et lui impose même de refaire le débat télévisé qui a eu lieu entre eux il y a quelques jours… Dialogue là aussi, précis et ciselé; les deux personnages ont tout à fait crédibles, même si on est très loin de la réalité puisque les états-majors, comme le candidat, connaissent déjà les résultats plusieurs heures avant grâce aux puissants ordinateurs et aux médias étrangers qui ne se privent pas de diffuser les résultats bien avant huit heures. Mais on situera cette dernière demi-heure pour des Présidentielles, avant le règne d’Internet…
Comme c’est très bien dirigé par Salomé Lelouch et impeccablement joué par Hervé Dubourjeal, Bertrand Combes et Ludivine de Chastenet, on se laisse vite prendre par cette fiction. La salle est bourrée d’un public très jeune, assez surchauffé, bref un public de rêve, attentif, complice malgré la chaleur équatoriale et qui sort ravi. Mais il faudrait que le Ciné-13 Théâtre respecte les consignes de sécurité et ne place pas des tabourets un peu partout dans les passages.
Par ailleurs, l’idée de donner un prix à la meilleure des pièces courtes pour que ses créateurs puissent passer à une forme longue n’est pas du bois dont on fait les flûtes. Passer à une forme longue? On ne voit pas très bien ce que cela pourrait apporter; ce serait comme demander à l’auteur d’une nouvelle de la transformer en roman… Mieux vaudrait programmer une série de représentations avec chaque soir les trois meilleures sur les seize pièces présentées..
Philippe du Vignal
Ciné 13 Théâtre avenue Junot Métro Abbesses ou Lamarck-Caulaincourt jusqu’au 8 juin.