La culture comme promesse d’une métropole citoyenne, rencontre des directeurs des affaires culturelles d’Île-de-France.
A l’invitation de l’association des directeurs des affaires culturelles en Île-de-France, et de la Fédération nationale, Véronique Balbo-Bonneval, directrice générale adjointe à la communauté d’agglomération de Saint -Quentin-en-Yvelines a organisé cette rencontre et en a assuré la présidence.
Elus et professionnels de l’Etat et des collectivités territoriales, artistes, opérateurs culturels, chercheurs, acteurs économiques, urbanistes et aménageurs, se sont réunis pour partager leurs réflexions sur le thème du Grand Paris-Plaine commune.
Ils ont échangé leurs points de vue sur le nouvel enjeu culturel comme clé du développement local et global, et sur l’articulation entre créativité et héritage de la démocratisation culturelle, au cours de quatre tables rondes. « Il n’y a pas de ville , s’il n’y a pas de représentation mentale de la ville », rappelle l’un d’eux, citant Julien Gracq.
1) Dans la société participative de demain, société de la connaissance autant que des loisirs, tout est à inventer… Alors comment passer d’une approche culturelle « ville centre-banlieues à une ville multipolaire » et comment faire pour que chacun ait un endroit qui ne soit pas laissé pour compte ? La culture se repense dans les périphéries, reconnaît Patrick Braouezec, Président de Plaine Commune qui qualifie de mille feuilles, les contrats de développement territorial, affirmation politique de coopération entre l’Etat et les collectivités territoriales.
S’ils ne comportent pas à ce jour de volet financier, ils devraient comprendre un volet culturel et citoyen. Braouezec évoque, avec Pierre Mansat, chargé de Paris Métropole auprès du maire de Paris, la recherche d’un autre modèle de ville et de nouvelles méthodes de gouvernance. Fondée sur un système complexe de relations, l’idée de culture ne devrait plus faire référence aux seuls équipements, mais à la dynamique de projets et à la question du « vivre ensemble ».
2) Des expériences mêlant « acteurs publics et acteurs privés de la culture » ont été présentées: le mécénat de compétence et l’accompagnement des émergences, avec l’exemple donné de la friche industrielle de Pantin comme prototype d’un territoire mixte et d’un éco-système privé/public ; l’évocation de la maîtrise d’ouvrage et des conditions qui en découlent: ouvrir le droit à la concurrence, stopper la loi du moins-disant, utiliser les outils de contractualisation, avoir une vision du territoire en termes de service aux publics et s’inscrire dans une problématique d’adaptation.
Les intervenants ont aussi parlé de la nécessité d’élargir notre conception de la culture et Jean-Louis Bonnin, à partir de son expérience à Nantes, a évoqué la nécessité de créer des lieux de rencontre et de convivialité, avec le besoin de repenser le quartier, en amont des projets.
3) Comment garantir l’équilibre entre développement urbain et service public de la culture, entre droits culturels et ville créative ? Cette table ronde a évoqué, entre autres, la mobilité et le foncier. Charles Ambrosino, de l’Institut d’urbanisme de Grenoble, a reconnu que la ville était créative mais dévorée par les nouvelles technologies, et mis en relief le paradoxe entre création individuelle et création collective.
Le Président de Paris Métropole et de la Fédération nationale des collectivités pour la Culture, Philippe Laurent, a donné la statistique : 206 entités administratives adhèrent à ce jour à Paris Métropole, et Nicolas Frize, compositeur, seul représentant de la corporation des artistes, a parlé de son expérience, dans Plaine Commune. La pertinence de son intervention a été remarquée, contre-point salutaire d’une journée de consensus mou. Frize a évoqué le syndrome de Bilbao: un équipement important mais qui ne fait pas émerger de projet artistique, ce qui allume des clignotants. Il a aussi évoqué l’amagalme entre les notions d’identité et de diversité culturelles, d’inter et poly-culturalités, entre les sentiments d’appartenance et de non-appartenance, et suggère plutôt de parler des modalités de vie, d’éducation commune et de conscience collective.
Pour lui, la culture est un «dépôt, ce que nous produisons, des déplacements et de l’action. Tout est culture et chacun de nous est un autre, alors pourquoi nier les parcours individuels et « anthropologiser » les peuples », demande-t-il ? L’exemple du travail qu’il a engagé depuis deux ans chez PSA Peugeot, (entretiens avec les salariés et création musicale à partir de pièces fabriquées dans l’usine), s’apparente à un travail sur la mémoire. La parole collective devient ici action de création.
4/Les participants à la dernière table ronde se sont interrogés sur la «défense du service économique d’intérêt général auprès des instances européennes» qui posent la question vitale du maintien du financement public. Le discours juridique d’Eric Baron, avocat, fut ardu mais utile car il mettait en lumière le danger des textes qui, actuellement, se mettent en place, au niveau européen et l’imprécision de la Commission. La notion d’exception culturelle, quoiqu’à double tranchant, pose la question du respect, dans le cadre européen, des spécificités françaises. L’optimisme n’était pas de mise…
A la veille des élections législatives européennes, l’urgence de se fédérer, sans positions sectorielles, pour défendre globalement la culture, est nettement apparue.
Brigitte Rémer
Rencontres du 31 mai, aux Archives Nationales à Pierrefitte-sur-Seine