Journées de juin au Conservatoire national; classe de Nada Strancar.
©Anne Gayan
Cela ressemble à un marathon et c’est en est souvent un, d’abord pour les élèves et pour le public, prié de regarder presque en continu quelque trois heures d’un spectacle qui n’en est pas tout à fait un, puisque ce sont, et annoncés comme tels, des travaux dirigés par l’enseignant.
A partir de textes pas faciles à dénicher, puisqu’il faut, et souvent en coupant, en montant/ montrant une ou deux scènes d’une pièce, accorder à chacun des seize élèves son petit morceau d’entrecôte, tout en donnant au public l’impression qu’il assiste quand même à un spectacle digne de ce nom. La solution: monter une pièce entière mais on retrouve alors la difficulté de trouver un véritable rôle pour tout le monde, et, si on en monte plusieurs, le travail devient monstrueux!
Il faut aussi que les metteurs en scène de théâtre et les réalisateurs de cinéma ou de télé puissent éventuellement y faire leur marché. Donc: la quadrature du cercle auquel professeurs et directeur sont, chaque année, confrontés…
Nous n’avons pu voir que cette seule séance-sur les quatre du travail proposé par Nada Strancar-avec des élèves de chacune des trois années: Pauline Bayle, Simon Bourgade, Idir Chender, Maxime Coggio, Emilien Diard Detoeuf, Pierre Duprat, Alex Fondja, Elsa Guedj, Nassim Haddouche, Karim Khali, Inga Koller, Morgane Nairaud, Anne-Clotilde Rampon, Loïc Riewer et Jenna Thiam) avec des textes peu joués de Brecht, comme La véritable vie de Jacob Geherda, Celui qui dit oui, celui qui dit non, Le Mendiant ou le chien mort, Marie Stuart, et, en point d’orgue, Marie Stuart de Schiller dont Brecht s’était inspiré…
La Vie de Jacob Geherda a pour thème l’activité en déclin d’un restaurant touché par la crise économique et sociale de 29 qui secoua durement l’Allemagne. Métaphore pour Brecht de la société de son époque, juste avant que le nazisme ne sévisse.Le fiancé d’une serveuse vient se plaindre au patron de ce restaurant, parce qu’elle aurait été importunée, lui a-t-elle dit, par de jeunes et riches clients, membres d’un club nautique.
Vérité, mensonge ou demi-vérité? Ses camarades de travail indifférents ou ayant peur de perdre leur emploi refusent de témoigner en sa faveur; Jacob Geherda, seul contre tous voudrait, lui, dire ce qui s’est passé en réalité mais il n’en a pas vraiment le courage et s’imagine alors en chevalier noir, capable de défendre ceux qui souffrent d’injustice. Mais le rêve et la réalité font mauvais ménage!
La pièce-55 minutes seulement-démarre bien mais s’essouffle vite; elle permet toutefois d’employer quatorze élèves, la plupart dans de rôles mineurs et cela s’apparente donc ici à un exercice de style. Inga Koller dans le rôle travesti du patron s’en sort bien,, même avec quelques facilités, et on remarque surtout Loïc Riewer (Jacob Geherda). Elsa Guedj, (la réceptionniste) qui tire constamment sur sa très mini-jupe), cabotine un peu mais déclenche les rires facilement…
Ce sont des travaux dirigés de bonne tenue, mais il n’y a pas vraiment de parti-pris de mise en scène. La diction des apprentis-comédiens est impeccable, c’est la moindre des choses mais la gestuelle, bizarrement, est bien peu rigoureuse comme souvent au Conservatoire! Dommage…Et Nada Strancar a eu la curieuse idée façon brechtienne- d’aligner sur les côtés, assis sur des chaises, les élèves qui ne participent pas à la scène et qui… se moquent éperdument de regarder jouer leurs copains. Comme si on était déjà dans le vedettariat! Cela se voit et ce n’est pas bien du tout! La solidarité en scène, cela fait pourtant aussi partie du métier, de comédien, non ? Allez, Daniel Mesguish, un petit rappel à l’ordre sous forme de note de service du directeur, cela ne serait pas un luxe…
Celui qui dit oui, celui qui dit non est au nombre de ces pièces de Brecht au côté didactique et préchi-précha un peu laborieux mais elle permet de bien mettre en valeur deux élèves de troisième année Louise Coldefy et Pauline Bayle (déjà auteur et metteur en scène voir Le Théâtre du Blog), toutes deux absolument impeccables dans le rôle de l’instituteur et de l’enfant: présence sur le plateau, diction, gestuelle. Visiblement, Nada Strancar les a bien dirigées.
Le Mendiant ou le chien mort ne mérite guère que l’on s’y attache; et la soirée se termine avec une scène de Marie Stuart inspirée de Schiller, une querelle entre deux poissonnières, Madame Zwillich (Louise Coldefy) et Madame Scheit (Morgane Nairaud), et enfin la fameuse scène entre les deux reines Mary d’Ecosse et Elisabeth d’Angleterre de la pièce de Schiller où Pauline Bayle-encore elle!-est tout à fait à la hauteur.du rôle. Anne-Clotilde Rampon a de bons moments mais semble encore un peu fragile pour le rôle.
C’est peut-être le hasard puisque nous n’avons pas tout vu mais les filles, comme d’habitude au Cons, nous ont semblé plus mûres, plus à l’aise que les garçons-corrects mais souvent un peu éteints! et surtout sans grande envie d’en découdre.
On se demande toujours ce que vont devenir maintenant ceux des élèves qui sortent, et on essaye de les imaginer en 2023… Mais mieux vaut ne rien prédire de leur parcours; en général, on a tout faux…
Philippe du Vignal
Séance du 27 juin en soirée