Festival d’Avignon: La FabricA
Festival d’Avignon: inauguration de La FabricA.
Le festival d’Avignon ne disposait pas de lieu de répétition et de résidence pour les compagnies qui y créent des spectacles, disent Vincent Baudriller et Hortense Archambault, et dès leur premier mandat il y a presque dix ans déjà, les deux directeurs ont tout fait pour que le lieu devienne réalité.
Conçue par l’architecte Maria Godlewska-qui a réhabilité les Théâtre de Bayonne et de Cusset-et le scénographe Thierrry Guignard, et inaugurée le 6 juillet, La FabricA a été construite à un kilomètre environ des remparts, à l’intersection des quartiers populaires de Monclar et Champfleury.
Habitants de barres d’immeubles et des petites maisons, super-marché Leclerc auront donc pour nouveau voisin ce très bel ensemble architectural aux faux airs d’architecture industrielle, réalisé après seulement un an de travaux: soit une surface plus de 3.900m2, avec un belle salle rectangulaire de 900 m2 aux dimensions de la scène du du Palais des papes, et des locaux techniques attenants de 400m2, et une série de dix-huit logements…
Le grand cube noir de la salle: 38m X 23 m avec une hauteur sous grill de 12m et des passerelles tout autour est impressionnant de rigueur et de fonctionnalité. Sagement rangés sur un des deux plus petits côtés, des plates-formes rétractables de six cent sièges attendent aussi le public. Hiver comme été… Il y a aura aussi bientôt, à l’issue d’une deuxième tranches de travaux, des ateliers de construction. Coût total: 10 M €, hors taxes, financé à parts égales par l’Etat, la ville d’Avignon, le Département et la Région.
Côtés studios: l’extérieur tout en bois, est réussi mais mieux vaut être discret quand on rentre le soir; on se croirait chez Ibis dont l’architecture n’a jamais été exemplaire! Tous les studios à plan carré d’environ 18m 2 donnent en effet sur une passerelle extérieure au premier étage, laquelle donne sur un beau patio! Au rez-de chaussée, là aussi discrétion obligatoire: il y a une grande cuisine et une salle-à-manger. Comprenne qui pourra. Maria Godlewska a sûrement de bonnes raisons mais elles doivent être plus esthétiques que fonctionnelles.
Une fois entré dans le logement, on a le droit d’aller dormir sur la mezzanine si l’on consent à monter- et à en redescendre!- par une échelle de bateau: très amusant pour des ados mais les comédiens plus âgés devront se contenter du canapé en bas sinon le Samu sera vite débordé…
La FabricA, comme l’a rappelé Aurélie Fillipetti, dans un discours laborieux, truffé de lieux communs et de stéréotypes visiblement écrit vite-fait par un de ses collaborateurs, a plusieurs vocations: d’abord d’être un espace de répétitions et de résidence , un lieu de représentations mais aussi un lieu de rencontre entre les artistes et les habitants.
Michel Vauzelle, président de la Région, a, lui, souligné que le théâtre avait valeur de résistance face aux dangers de le numérisation tous azimuts et que ce nouvel outil de travail en symbolisait bien l’esprit.
Tous les intervenants ont remercié Hortense Archambault et Vincent Baudriller, qui furent chaleureusement applaudis pour le travail exemplaire qu’il sont assuré pendant dix ans à la tête du plus important festival du monde. Vincent Baudriller succèdera à René Gonzalès récemment décédé, à la tête du Théâtre Vidy-Lausanne et, elle, rejoindra Stanislas Nordey « à la tête d’un lieu important ». Traduction: le Théâtre National de Strasbourg.
Et on ne peut que que se réjouir qu’Avignon soit maintenant doté d’un tel lieu de travail (quelques années tout de même après le Festival d’Aurillac), et dont Vilar disait que c’était ce qui manquait le plus en Avignon. Il y aura quand même fallu près d’un demi-siècle!
Restent quelques questions soigneusement écartées pour ne pas nuire à la fête de famille. Au-delà des formules toutes faites: » projet exemplaire, requalification urbaine des quartiers Ouest en mutation, mutualisation des moyens, lieu de vie et de création, espace à dimensions humaines, rencontres entre les artistes et le public, diffusion de spectacles, équipement culturel dans la cité, contact avec la création », on en passe et des meilleures dans ce cortège de louanges, rien n’a été dit sur les véritables relations entre ce nouveau lieu et les habitants de ces quartiers »….
Il ne faudrait en tout cas pas qu’ils le considèrent comme une enclave réservée ou presque à d’autres, plus fortunés. Dommage, par exemple, que madame l’architecte n’ait pas, semble-t-il, pensé à mettre en place quelque chose qui ressemblerait à un café ouvert à tous…
Attention, danger! Olivier Py, quand il arrivera dans quelques semaines au gouvernail du Festival, ne pourra faire l’économie de la question! Pas facile….
Comment faire pour que ces quartiers trouvent aussi leur compte dans l’implantation de ce nouveau lieu? Visites guidées, voire ateliers de théâtre ouverts à des gens dont on peut être sûr qu’il n’ont jamais vu les spectacles du festival, dont le public reste en majorité extérieur à la ville d’Avignon… Peut-être, mais cela ne sera pas suffisant.
Il y a, en tout cas, urgence, par les temps qui courent, à ne pas faire dans une programmation élitiste, et il serait normal que le festival soit davantage ancré dans la population avignonnaise…
Philippe du Vignal
La FabricA, avenue du Président Eisenhower, Avignon.