Festival d’Avignon: D’après une histoire vraie
D’après une histoire vraie, conception et chorégraphie de Christian Rizzo
Christian Rizzo a inventé D’après une histoire vraie, en voulant retrouver la même puissance masculine de groupe vue une fois à Istanbul dans un spectacle improvisé-un groupe d’hommes se livrant à une danse traditionnelle.
De famille italo-espagnole née au Maroc, Rizzo cherche son territoire à travers la danse : le contour méditerranéen est en lien direct avec son histoire familiale, mais cette donnée ne le préoccupait pas jusqu’alors. Mais, à Istanbul, il a observé, avec Kerem Gelebek, les danses traditionnelles des clans , et où ils ont pu étudier les motifs dansés : une fascination pour l’artiste en recherche.
Les huit interprètes masculins choisis ici sont tous méditerranéens. Ils sont accompagnés sur scène par deux batteurs, Didier Ambact et King Q4, qui se sont inspirés à la fois de « hardcore » et de musique liturgique, pour une danse qui se situerait entre le djembé, le folklore et la danse post-moderne américaine, du côté de Steve Reich, entre esthétique populaire et avant-gardiste. La pièce est magnifique d’humilité et de plénitude où l’accomplissement individuel disparaît au profit du collectif. Les danseurs portent des pantalons du quotidien, T-shirts ou chemises d’été, cheveux longs ou courts…comme le public.
Ils ne posent pas la danse comme un écran personnel et un territoire intime à sauvegarder et qui sépare. La banalité standard mais élégante des interprètes les mène à la pureté la plus nette dans le dessin des lignes. Selon les principes d’une danse tellurique, ils courbent leur corps près du sol, virent en arrière, et suivent une spirale régulière qui les élève et les abaisse, successivement-attirés par la loi de la gravité. Le calcul de probabilités des mouvements engagés est variable à l’infini, et peut se renouveler sans jamais lasser : les danseurs donnent la sensation d’évoluer dans l’apesanteur, sans efforts répétés et sans prémices d’essoufflement.
Ces danses sont partagées et appropriées par tous : les partitions d’un interprète, puis de deux, s’échangent, se recoupent, se regroupent pour une rencontre chorale pleine d’évidence et de grâce. Dans la reconnaissance des danses « archaïques » et traditionnelles, les mouvements individuels et collectifs sont amples : taper du pied et cultiver la douceur, lever les bras en l’air, tourner, joindre les mains…
Rien ne semble plus évident pour le spectateur, en même temps qu’essentiel et révélateur de la vie et du désir d’être là, pleinement. Danse détournée de derviches en rappel discret, la chorégraphie enchante par sa justesse et son trait sûr.
Véronique Hotte
Gymnase Aubanel, les 12 , 13, 14 et 15 juillet.