Festival d’Avignon: Terre sainte de Mahamed Kacimi.
Terre sainte de Mohamed Kacimi, mise en scène d’Armand Eloi.
Cela se passe dans une ville en guerre , non identifiée, probablement en Palestine, en tout cas au Moyen-Orient. Il y a des soldats qui se comportent comme des soldats, et comme ils ont peur, ils n’hésitent pas à tirer sur tout ce qui bouge y compris sur les chats, comme Jésus , celui d’Imen, dont la mère a d’un coup disparu à un chek-point -et on sait que c’est toujours mauvais signe.
Imen reçoit la visite de Ian, un soldat qui la menace de son fusil mitrailleur et qui vient perquisitionner la maison. Alia, une sage-femme essaye de trouver les mots qu’il faut pour lui apporter un peu de réconfort, et son mari, lui, préfère lui s’évader de cette guerre, en buvant de l’arak. Il y aussi Amin, leur fils qui, pure folie d’un geste qu’il croit naïvement révolutionnaire, tue un soldat, au nom de Dieu, au nom de la liberté, au nom de n’importe quoi, on ne saura jamais…Signant par là sa propre mort!
Cette courte pièce est une sorte de tragédie des temps modernes qui raconte la guerre et qui dit la prison que vivent les personnages dans leur ville, et qui se sont presque résignés au bruit des tirs de roquette, au point de bien les identifier, au seul bruit de la déflagration. Mais la guerre, c’est aussi la mort qui rôde à chaque instant et dans chaque quartier.
Ce que dit très bien Kaicimi, c’est le fatalisme et la résignation qui finissent par envahir les habitants mais aussi la vie quotidienne qui continue malgré tout avec de petits moments de bonheur intime autour d’un verre à boire entre parents ou amis. » Jouissez chaque jour des joies que la vie vous apporte car la richesse est vaine chez les morts » disait déjà, il y vingt cinq siècles, le grand Eschyle dans Les Perses, autre pièce magnifique sur la guerre, vue du côté Perse c’est à dire ennemi de la Grèce.
Le texte est sans doute inégal et parfois même bavard mais la mise en scène très précise et la direction d’acteurs d’Armand Eloi (Mireille Delcroix, Sid Ahmed Agoumi, Pierre Bourel qui joue le double rôle de Ian et d’Amin et surtout Layla Metsitane qui a une formidable présence) sont d’une belle sensibilité.
Et il y a un très beau travail sonore de Jordan Allard: les rafales de mitraillette au loin et les bruits de bombe font froid dans le dos… « Ecrire aujourd’hui, et sur ce sujet-là, c’est montrer ce qui subsiste de l’humanité des êtres quand tout est fait pour la nier » dit justement Mohamed Kacimi.Le théâtre peut encore servir à cela… Loin de certaines petites mises en scène aussi faibles que prétentieuses qui fleurissent dans le in.
Philippe du Vignal
Chapelle du Verbe incarné 210 rue des Lices Avignon tous les jours à 18h 50 jusqu’au 31 juillet.