Festival d’Avignon: Shéda
Festival d’Avignon : Shéda, texte et mise en scène de Dieudonné Niangouma.
Depuis 84 et Le Mahabharata de Peter Brook, la carrière de Boulbon est devenu un lieu incontournable du Festival mais l’ouverture du plateau est d’une quarantaine de mètres! Il faut donc savoir l’apprivoiser. Le grand metteur en scène russe Anatoli Vassiliev avec un chant de l’Iliade, œuvre collective de son Théâtre-École d’Art dramatique, y avait effectué un véritable crash mais d’autres, comme Jérôme Savary avec Le Songe d’une nuit d’été, ou comme Bartabas avec Lever de soleil s’y étaient mieux adaptés: » J’ai choisi de faire ce travail au lever du soleil, avait-il dit, car c’est le moment où le corps et l’esprit sont le plus disponibles pour une écoute profonde. »
Sur le plan esthétique, le spectacle de l’acteur-metteur en scène de Brazzaville, « artiste associé du festival, » est une réussite et la scénographie de Patrick Janvier, impressionnante: il y a, à l’avant-scène, des restes de vêtements et des cadavres desséchés dans un terrain vague qui ressemble à une mine d’or désaffectée; les couches moyennes ou supérieures de la carrière de Boulbon sont aussi utilisées par les onze comédiens (quatre hommes et sept femmes) qui, avec une belle énergie, occupent cet espace où il y a une cheminée en fer rouillé, une carcasse de voiture, une vieille motocyclette et quelques structures en bois. Il y a une petite étendue d’eau à côté de termitières et la poussière envahit régulièrement l’espace: Bref, l’Afrique est bien là!
La création musicale, jouée en direct par ses auteurs, Pierre Lambla et Armel Malonga, complète les tableaux. Mais ce spectacle( 4h40) est beaucoup trop long, et on se lasse vite de ces monologues successifs! On en retiendra quand même trois, à la fois pour leur intensité et pour la beauté de la langue parlée, dont deux joués par Dieudonné Niangouma et un autre par l’acteur qui interprète le gardien de la ville.
Le jeu des comédiens est très inégal, mais les compatriotes du metteur en scène congolais sont beaucoup plus crédibles. Ils auront sans doute vécu une belle aventure collective, mais les propos comme le scénario de l’auteur ont paru des plus confus à la majorité du public qui a applaudi… poliment mais pas plus.
Certains répondront que c’est justement cela l’Afrique, un continent difficilement abordable avec nos critères européens et, de ce point de vue, Shéda est réaliste! Dieudonné Niangouma devait se douter de la réaction des spectateurs! L’un de ses personnages dit en effet: « Le but n’est pas que vous compreniez mais que vous entendiez » et enfin: « Ne dis rien sur les Africains, tu aurais forcément tort ».
Jean Couturier
Carrière de Boulbon jusqu’au 15 juillet.