Camping complet

Camping complet,  conception de Christophe Piret

Camping complet dioudioubero

Depuis 2002 le Théâtre de Chambre s’est installé au 232U à Aulnoye Aymeries, ancienne usine de construction ferroviaire, du nom de la dernière locomotive qui y a été fabriquée. Sa « bande de rêveurs qui réalisent des choses », dispose d’un lieu rénové  qui leur permet d’ouvrir leurs portes aux  voisins, avec des ateliers hebdomadaires et  des rendez-vous chez les habitants. Ils accueillent pendant leurs tournées d’autres équipes qui peuvent y répéter.
Depuis trois ans, le Théâtre de Chambre travaille à la Corrouze, nouveau quartier de Rennes qui s’édifie dans un ancien camp militaire, immense et boisé, qui accueillera, à terme, quelque 10.000 habitants. Une cinquantaine de personnes, artistes et habitants du Nord venus avec la troupe, participe à ce Camping complet qui peut mobiliser le public pendant six  heures.
Nous sommes guidés dans le dédale du chantier par un guide bénévole, notre groupe de six  personnes suivait la pancarte 13. On nous fait prendre l’ascenseur, pénétrer dans un appartement où une jeune femme peintre nous raconte sa vie devant ses oeuvres. Elle a vécu sa jeunesse en Afrique, en est partie, puis revenue, s’est installée dans ce nouveau quartier où elle ne sait si elle sera capable d’y rester. Elle nous offre à boire, il y a un mélange troublant entre le rêve et la réalité, on ne sait s’il s’agit de théâtre ou de la vraie vie…
Nous suivons ensuite notre guide à travers bois, le lieu est beaucoup plus grand que la Cartoucherie de Vincennes, jusqu’à un recoin où un homme tient son cheval par le licol, il le caresse avec affection et nous raconte sa vie dans une ferme d’où sa famille a été expropriée. Il évoque la brutalité de son père, le silence de sa mère, son installation dans une ferme plus petite, parce que leurs terres vont servir d’espace pour bâtir la métropole. Il va quitter sa ferme mais  ne sait où il ira. Lui aussi,  nous offre à boire.
Dernière station dans le sous-sol d’une grande banque, laquelle ? Il y a un couple, guitariste et chanteuse, années 70. Elle évoque en français les transformations inéluctables, chante en anglais, puis on nous ramène dans l’immense halle peuplée de caravanes où l’on peut boire et déguster des crêpes,  bretonnes forcément.
Puis nous sommes conviés à nous rassembler tous autour d’une grande tour métallique pour voir Blue Pillow, une synthèse de toutes ces rencontres… Une coupure d’électricité, rapidement rétablie, a dispersé la foule qui se rassemblait, nous avons heureusement retrouvé un tabouret pour regarder ces histoires de voisinages, long poème rock and roll porté par cinq  artistes performers, plutôt courageux, acrobates poétiques, nageurs d’aquarium, sur des musiques de Benjamin Delvalle, Gaël Desbois, Emmanuelle Destremau. 


Edith Rappoport

La Courrouze – Rennes (35)

http://www.theatredechambre.com.


Archive pour 16 juillet, 2013

Symphoca Princess Bari- The World

Symphoca Princess Bari- The World,  chorégraphie d’Eun-Me Ahn,

Symphoca Princess Bari- The World 8309_img1Devenu opéra pop, spectacle total mêlant théâtre, chant et danse (Symphoca) sous la direction de la chorégraphe Eun-Me Ahn, l’épopée millénaire de la Princesse Bari a fait l’objet dans son pays d‘origine de nombreux romans, mangas, adaptations pour la jeunesse.
Les Coréens possèdent donc  tous les codes de ce conte chamanique. Le spectateur occidental, lui, devra se contenter d’en décrypter le sens, sans tout comprendre. Peu importe, tant le spectacle fonctionne sur une énergie et des images fortes, musique, costumes et lumières à l’appui.
A partir de là,  on se raconte ce qu’on veut et surtout,  on se laisse submerger par le mouvement continuel qui règne sur le plateau de ce  théâtre éphémère. En fond de scène, l’orchestre mêle instruments traditionnels et contemporains ; il appuie l’action de ses percussions, vibrations du zheng et stridences du erhu et de la flûte. Musique lancinante et répétitive aux accents contemporains et anciens dont les variations rythmiques et modales marquent les tableaux successifs.
Le dispositif scénique distingue deux niveaux, figurant la hiérarchie prévalant en ce bas monde. Hiérarchie constamment bousculée par Eun-Me Ahn, qui  se joue de l’identité sexuelle des danseurs, mélange les genres et confie le rôle de la princesse à un homme.
En haut, les grands de ce monde : le roi, la reine, la princesse, le prêtre… figures hiératiques figées auxquelles le chant pansori sied particulièrement puisque cet art du récit chanté accompagnaient, à l’origine, les chamans : d’où son côté mystérieux et inhumain.
En bas,  s’agite le peuple : serviteurs, paysans, pêcheurs côtoyés par les esprits peuplant les eaux et les bois avec  un chœur de danseurs bondissant sautillant, pirouettant. Dans un grand déploiement de couleurs et de costumes, les tableaux s’enchaînent sans répit,  déclinant les périls que la princesse affronte à la suite de sa répudiation par le roi son père : diablotins en robes à pois fluo, sorciers montés sur talons aiguilles, monstres concupiscents, serviteurs du temple gantés de caoutchouc rose, démons flottant dans le plus simple appareil, voyous en scooter vrombissant…
Si l’on ne craint pas le dépaysement, on se laissera totalement séduire par ce spectacle flamboyant, en regrettant un peu de rester à la surface des choses,  faute de clefs pour aller au plus intime de la fable, que nous laissent entrevoir de purs moments de poésie, comme celui où une  ombrelle rouge est abandonnée au gré des vents.
C’est toujours un bonheur de découvrir de nouveaux artistes, même si Eun-Me Ahn n’est pas inconnue au bataillon, puisqu’elle a œuvré à New York, a été l’invitée de Pina Bausch à Wuppertal, et présenté ses spectacles dans de nombreux festivals. On espère que sa première apparition en France ne sera pas la dernière.

Mireille Davidovici

 

Théâtre éphémère du Palais Royal à 20h 30 jusqu’au 18 juillet.

Festival Paris quartier d’été 2013

Tél : 01 44 94 98 01


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Festival d’Avignon: Yvonne, Princesse de Bourgogne

 Festival d'Avignon: Yvonne, Princesse  de Bourgogne  yvonne_3dominique-valles

Yvonne, princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz, mise en scène d’Anne Barbot

Yvonne, est une jeune fille que le prince Philippe, héritier du trône,  introduit à la cour de Bourgogne. Sans beaucoup d’attraits, elle a tout pour plaire:  à la fois, agaçante, timide, apeurée, en proie à un mutisme insupportable. Mais  le jeune  prince ne veut pas obéir à l’usage qui le contraindrait à n’aimer que les belles jeunes filles séduisantes.  Et il choisira Yvonne comme fiancée.
Introduite à la cour royale,  Yvonne, malgré son mutisme, est bien là et devient une sorte de bouc émissaire. « Un facteur de décomposition, dit Gombrowicz,. La  présence muette, apeurée, de ses multiples carences révèle à chacun,  ses propres failles, ses propres vices, ses propres saletés… La Cour n’est pas longue à se transformer en une couveuse de monstres. Et chacun de ces monstres rêve d’assassiner l’insupportable Yvonne. La cour mobilise enfin ses pompes et ses œuvres, sa supériorité et ses splendeurs, et, de toute sa hauteur, la tue ».
La pièce de Gombrowicz a de grandes qualités mais elle est  parfois assez bavarde et démonstrative;  souvent montée  par des metteurs en scène dix fois plus aguerris qu’Anne Barbot, elle ne rend pas toujours la monnaie de la pièce, et de loin!  C’est sa première mise en scène (2011) mais elle semble avoir déjà une sacrée maîtrise: d’abord de la dramaturgie- elle a bien fait de pratiquer des coupures,- et de la direction d’acteurs sur le plan gestuel et vocal,  de l’espace  scénographique, des costumes, et des maquillages,  des lumières et de la musique, c’est beaucoup oui, c’est, surtout chez une jeune metteuse en scène, et, croyez-nous, ce n’est pas si fréquent.
Quelques voiles transparents, une lumière bleue et l’on voit un des personnages avachi sur un canapé… Anne Barbot réussit à nous embarquer dans un univers très pictural avec des images de toute beauté. Où plane parfois l’ombre du grand  Tadeusz Kantor,  du théâtre nô qu’Anne Barbot a connu au Japon où elle a travaillé, et si, si, c’est vrai, d’Angélica Liddell. Il y a de plus mauvaises influences!
yvonne_12-dominique-valls-300x199D’abord avec un idée forte: Yvonne est la seule à n’être pas masquée, alors que tous les aristocrates, eux le sont. Et quels masques! -en fait des demi-masques, absolument sublimes comme les maquillages en noir et blanc qui les complètent,  à la fois grotesques et effrayants,  signés Yngvild Aspeli,  jeune créatrice norvégienne.

Anne Barbot sait visiblement  s’entourer: Charlotte Maurel, la scénographe, a bien réussi son coup avec un travail sans prétention mais absolument efficace; Jean-Marc Hoolbecq qui a assuré la chorégraphie,  ou Vincent Artaud qui a composé la musique de cette création. Les dix acteurs- en particulier Fanny Santer (Yvonne), David Lejard-Ruffet (Le Prince)  ont tous un jeu sobre, exempt de toute prétention mais singulièrement juste, et maîtrisent parfaitement les codes gestuels imposés par Anne Barbot dont on voit tout de suite qu’elle est passée par  l’Ecole Jacques Lecoq.
Il y a de la folie pure dans la fable de Gombrowicz, et donc un risque constant de dérapage mais ici, tout est parfaitement réglé. Mais ici, chez ces comédiens,  aucun geste gratuit et tout obéit à la dramaturgie qu’elle  propose avec une grand sens  du plateau où les scènes  s’enchaînent avec  aisance. Ce qui caractérise ce  spectacle, c’est sans doute son exceptionnelle unité (jeu, mise en scène,scénographie) .

Il y a sans doute quelques longueurs mais c’est dû à ce bavard impénitent de Gombrowicz, et non à la réalisation. En tout cas, on a rarement vu une Yvonne, princesse de Bourgogne d’aussi belle facture, et pourtant on en a vu…
Tiens, une idée aussi sotte que grenue, comme disait le grand Olivier Revault d’Allonnes (mais taisez-vous du Vignal, avec vos avis à deux centimes!):  si Olivier Py, qui va être aux manettes du in dans quelques semaines, demandait à des gens comme Anne Barbot de présenter son spectacle l’an prochain dans le in, par exemple dans le bel écrin de l’Opéra-Théâtre… ou à Arnaud Anckaert avec Orphelins de Dennis Kelly ( voir Le Théâtre du Blog)

Si lui ou un de ses conseillers lit ces lignes, qu’il aille au Théâtre des Lucioles voir de quoi il en retourne. Décidément, il y aura eu dans  le off cette année quelques belles réussites, ce qui n’aura pas toujours été le cas dans le in….

Philippe du Vignal

Théâtre des Lucioles 10 rue Rempart Saint-Lazare  à 19h 15; relâche le 18 juillet,  jusqu’au 28 juillet.

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