Le Pouvoir des folies théâtrales de Jan fabre
Festival d’Avignon: Le pouvoir des folies théâtrales conception, mise en scène, scénographie, chorégraphie et lumière de Jan Fabre.
Jan Fabre, qui fut « artiste associé »du festival en 2005, revient avec une pièce qui date de… 1984: créateur polymorphe, formé à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers, il s’est défini comme «un guerrier de la beauté». Il est connu pour ses multiples provocations artistiques-dont l’érection de sa propre statue dorée qui avait beaucoup irrité les habitants d’Avignon, au point d’être plusieurs fois endommagée, (elle est aujourd’hui à l’abri à l’Ecole d’Art).
Il reprend ici une de ses créations-marathon de 4 h 30 qui est sans doute la plus ambitieuse et la plus emblématique de son œuvre. La salle à l’italienne de l’Opéra-Théâtre convient à merveille à Jan Fabre qui veut dénoncer ici les fastes et les dorures du théâtre bourgeois du XIXème siècle. Il évoque l’histoire du théâtre avec la création en 1876 de L’Anneau du Nibelung de Wagner qui, pour la première fois, fit éteindre la lumière de la salle durant une représentation, donnant alors à l’objet scénique une vraie dimension esthétique.
Il évoque aussi Les Habits neufs de l’empereur, un conte d’Andersen qui y dénonçait le mensonge du paraître au travers d’un personnage nu mais détenteur du pouvoir. Ultime référence historique- mentionnée à la fin comme au début du spectacle : une femme, fessée violemment, énonce : «1982 , c’est du théâtre comme c’est à espérer et à prévoir». 1982, c’était aussi l’année de la première création scénique majeure de Jan Fabre à Bruxelles…
Pour lui, «faire du théâtre, c’est faire de l’expérimentation sur scène». Il choisit donc de créer de l’art et de la beauté selon ses propres critères, en mêlant nudité et cruauté, grotesque et beauté.
Durant ces longues heures, Jan fabre multiplie les références musicales: Richard Wagner, Richard Strauss ou Wim Mertens, ou picturales avec de nombreuses toiles peintes-dont, à la fin, Le Verrou de Fragonard- qui sont projetées en fond de scène. Ses danseurs, ou plutôt ses performeurs, qu’il a collectionné au cours de ses différentes créations, sont les véritables moteurs visuels de cette succession de tableaux.
C’est grâce à eux que cette reprise du spectacle maintient le public en éveil…mais difficilement ! De nombreux spectateurs n’ont pas résisté en effet à cette succession de scènes, qui évoquent les grandes œuvres de la danse ou du théâtre., et se sont enfuis discrètement après deux heures de spectacle…
Mais Jan Fabre a ses partisans, et la partie du public qui restée jusqu’au bout était comme hypnotisée par le pouvoir de ses images. Celui qui se définit comme un mystique contemporain, nous montre à quel point la beauté est fragile. Pour lui, « c’est comme un papillon, quand vous le touchez , vous le détruisez». Reste à savoir si, durant sa carrière , il n’a pas détruit aussi quelques-uns de ses danseurs, symboles de beauté !
Jean Couturier
Opéra-Théâtre, spectacle joué les 15 et 16 juillet.