Festival d’Avignon: Je suis/Tu es/Calamity Jane
Festival d’Avignon: Je suis/ Tu es/ Calamity Jane, texte et mise en scène de Nadia Xerri-L.
Une jeune fille un peu seule et réfugiée dans ses livres se passionne pour Calamity Jane. Elle se met sur son chemin et stoppe la route de Calamity qui fendait l’air au volant de sa petite autobianchi rouge figée sur la scène et qui nous regarde de ses deux phares. Calamity Jane, chapeau vissé sur les yeux, revient pour mourir, et n’a donc aucune envie de faire la conversation et d’alimenter les délires d’une fan .
Elle se montre bourrue et peu encline à accueillir la jeune fille. Elles font quand même un bout de route ensemble. Quand la jeune fille tourne la radio qui diffusait de la country et qu’elle tombe sur le tube italien guimauve La Solitudine, elles se mettent à chanter toutes les deux à tue-tête. C’est là le début d’un rapprochement… qui ne se fera pas facilement.
Road movie théâtral donc fixe, impliquant un espace restreint où les deux femmes vont cohabiter et apprendre à se connaître, cela se passe dans une ambiance sonore de cigales et de chouettes, quand ce ne sont pas des coyotes ou des loups.
Leçon de tir au revolver, initiation au poker, Calamity Jane endosse finalement le rôle de la mère, ou du moins de celle qui va transmettre ce qu’elle sait de la vie. Elle commence par se livrer un peu et nous apprend que sa vie à elle, rêvée par la jeune fille, est loin d’être enviable et truffée de mensonges peu glorieux.
Avec ce spectacle qui peut jouer quasiment partout, Nadia Xerri-L revendique la construction en deux volets de chacune de ses créations : une pièce qui se joue sur un plateau de théâtre et «une petite forme attenante jouée sur les territoires ». Auteur de ses textes, elle s’applique à ce que chaque forme puisse fonctionner indépendamment de l’autre. La petite forme existe donc par elle-même et pas seulement en avant-goût qui aurait pour but de nous convaincre de voir la grande.
Vanille Fiaux -la jeune fille- et Clara Pirali-Calamity, sont très convaincantes malgré l’espace réduit où elles évoluent (dans et autour de la voiture). On est pourtant avec elles le long des grandes plaines américaines et on imagine bien les néons crépitants des motels au bord des routes. La mise en scène, calme subtile, nous permet de nous plonger dans cet univers féminin empreint de non-dits et de concessions.
Julien Barsan
La Manufacture jusqu’au 27 Juillet