Festival d’Avignon: Les mangeurs de lapin « remettent le couvert »
Festival d’Avignon: Les Mangeurs de lapin, conception et direction artistique de Sigrid La Chapelle, mise en scène d’Alain Gautré.
Un rideau de velours rouge à paillettes en fond de scène, et sur le côté cour, un musicien( David Benadon qui a aussi composé la musique) au piano-synthé et à la batterie. Ils sont trois complices: Sigrid La Chapelle en complet noir de maître de cérémonie, Jean-Philippe Buzaud, clown filiforme en collant argent, grosse cravate blanche, chaussettes à damier noir et blanc et chaussures très très pointues, et Dominic Baird-Smith en kilt qui a quelque chose de Jacques Tati, sans aucun doute le meilleur des trois.
Le spectacle est une succession de sketches où il y a de tout du meilleur comme ces numéros de jonglage aussi étonnants que remarquables de précision de Dominic Baird-Smith, avec six ou sept raquettes de tennis ou cette pomme lancée à partir d’une planche à bascule, qu’il rattrape avec un couteau pointu accroché sur sa tête. Ou ces faux éléphants admirables de vie.
Il y a, revendiquée, l’influence de Keaton, des Marx Brothers et de Laurel et Hardy mais aussi du grand maître Lecoq, et un peu de Jérôme Deschamps.. Sigrid La Chapelle fait feu de tout bois et, dit-il, ce qui l’intéresse dans ce jeu collectif, c’est de mettre au point » un burlesque qui est un langage de maniaque, orgueilleux, mathématique et musical. (…) L’écriture burlesque exige un tempo très précis. Un quart de seconde plus ou moins, et vous passez à côté de l’effet. le burlesque ne supporte ni l’à-peu-près ni la médiocrité. »
Les numéros se succèdent sans trop d’unité mais avec un réel savoir-faire de chacun, accompagnés de musique. La mise en scène d’Alain Gautré n’est pas du bois dont on fait les flûtes! Rythme cahin- caha et longueurs, surjeu, numéros qui se répètent sans que l’on sache bien pourquoi, deuxième, voire troisième degré et théâtre dans le théâtre: procédé maintenant usé jusqu’à la corde, et utilisation de micros HF insupportables qui sont devenus un impératif catégorique que ce soit dans le in ou dans le off. Même, comme ici, dans un salle comme ici d’une centaine de places. Comme la musique est aussi sonorisée, au bout de dix minutes, c’est fatiguant et à la limite du supportable.
La plaquette indique sans fausse modestie aucune que ces Mangeurs de lapin » se révèlent d’authentiques virtuoses du rire et de l’absurde ». Pas moins! C’est vrai que l’on rit parfois, mais le spectacle, tel qu’il est actuellement, est un peu prétentieux, manque d’unité et est surtout beaucoup trop long. La maîtrise du temps n’est pas au rendez-vous et c’est un euphémisme. Dans un spectacle qui se veut comique, c’est plutôt ennuyeux .
« Utiliser le langage burlesque pour rendre un hommage au cirque et au music-hall « n’était sans doute pas une priorité absolue. Bergson avait bien raison quand il disait que » les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique ». Ce qui manque en effet à ce spectacle, c’est, comme souvent, un rythme et cette » simple mécanique », conçue comme véritable dramaturgie, telle qu’elle existe chez les maîtres du cinéma comique. Et là, on est loin du compte.
On a parfois l’impression d’avoir affaire à un trio de copains qui s’exerce à huis-clos et à coup d’impros pour un futur spectacle, ce qui n’est sûrement pas le but! Cela dit, le public, qui est, comme toujours dans le off, plutôt indulgent, semblait souvent content et riait de bon cœur, nous beaucoup moins. Ce n’était peut-être pas le bon jour… Vous pouvez donc tenter votre chance mais on vous aura prévenus.
Philippe du Vignal
Collège de la Salle, Théâtre du Gymnase, Place Pasteur à 20h45 jusqu’au 31 juillet.
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