Les mille et une définitions du théâtre, Olivier Py

Les mille et une définitions du théâtre d’Olivier Py.


D’entrée de jeu, l’auteur nous met en garde : « Pour lire ce livre il faut accepter : qu’il n’a pas de chronologie, qu’il peut être lu dans tous les sens» mais aussi « qu’il n’appartient à aucune forme littéraire » ou « qu’il est un scandale si grand qu’il peut passer inaperçu », « qu’une vie ne suffit pas à le comprendre » et enfin « qu’il est aussi une exégèse d’Hamlet».
En réalité, il s’agit principalement d’un recueil d’aphorismes donc par essence d’assertions, de bons mots, de propositions paradoxales. Olivier Py emboîte le pas à de prestigieux prédécesseurs, d’Hippocrate: « Ars longa, vita brevis » (L’art est long, la vie est brève) à Paul Eluard : » Le soleil ne luit pour personne. « 

Habile à manier l’antithèse, il lance des jolies formulations telles que :
« Le théâtre c’est le souvenir de l’avenir » ; «Le théâtre c’est un igloo au milieu du Sahara»,«un zèbre sans rayure» …

S’y ajoutent des briLes mille et une définitions du théâtre, Olivier Py dans analyse de livre imagesbes de dialogues : «le théâtre est une boussole dans les mains d’un humaniste -Je suis perdu pouvez-vous m’aider ? –Je suis perdu aussi. –Marchons ensemble. –Trouver la sortie de cette forêt a moins d’importance». On tombe aussi sur des analyses dramaturgiques  : « Me voilà au paradis mortel de ton corps désirable’, dit Roméo à Juliette mais en fait, il parle du théâtre, ce paradis mortel » ; «  Hamlet entend ‘tu dois ’. Mais il sait qu’il ne peut pas y répondre. Le spectre — est-ce vraiment son père ou sa propre parole — (…) dit ‘tu dois ‘. Mais le siècle dit ‘tu ne peux pas’. » ; « L’archétype du scénario de cinéma est Boy meets Girl. L’archétype du récit de théâtre est‘quelqu’un vient’ (… ) »
Bref, ce sont mille et un courts chapitres, égrainés en 242 pages, à feuilleter dans le désordre pour y puiser maximes et réflexions. Dans ce pêle-mêle, chacun trouvera son bonheur. Entre autres des moments poétiques comme : « Les oiseaux que l’on entend chanter à l’extérieur alors qu’on est sur scène donnent une définition exacte du théâtre. » et des phrases qui font mouche et resteront peut-être dans les annales : «Comme Merlin le théâtre est l’enfant du diable et d’une sainte ; «une horloge exacte qui ne donne pas l’heure».
Dans le lot, il y a aussi des formules qui tombent à plat : “Le théâtre, c’est l’érection du phallus universel», «une embellie pulmonaire», ou «un chimpanzé solennel». Et même si l’auteur a voulu s’amuser,  l’humour n’est pas toujours au rendez-vous.
D’aucuns reprocheront à Py sa mégalomanie, mais c’est la loi du genre :
l’aphorisme vise le péremptoire, se présentant comme un énoncé autoritaire et fermé ;  Maurice Blanchot ne le dit –il pas «borné»? Je dirais plutôt qu’il a de l’audace.

De plus, il reconnaît en toute modestie que, si son ambition est de définir le théâtre, mille et une propositions n’y suffisent pas : «Le théâtre est un tonneau des Danaïdes dont il faut toujours agrandir le trou … » Le titre de l’ouvrage n’évoque t’il pas une tâche sans fin ? Au risque que l’auteur s’y épuise et le lecteur aussi…
A lire quand même pour ses fulgurances ; le texte est également disponible en version numérique audio, lu par Elisabeth Mazev et Olivier Py.

Mireille Davidovici

Editions Actes Sud


Archive pour 19 juillet, 2013

Place du marché 76

Place du marché 76 photo
© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon. 

Festival d’Avignon : Place du marché 76, texte, mise en scène et images Jan Lauwers

La fin de cette représentation ne peut laisser le spectateur indifférent, soit il adhère totalement au propos et à l’esthétique de la pièce soit il la rejette en bloc.Elle  regroupe nombre  de traumatismes que notre société civilisée peut générer. Jan Lauwers est le narrateur de cette histoire rythmée par les quatre saisons, «Nous sommes la Need company et nous allons vous raconter une histoire». Une explosion de gaz a décimé une partie de la jeunesse d’un village, un an après une commémoration de cet évènement connaît un autre drame, un enfant survivant se suicide, (c’est le fils du plombier).
Depuis ce choc collectif,  la source du village s’est tarie comme les désirs charnels de ses habitants. C’est l’occasion pour chacun de se confesser et raconter sa vie passée. Sous l’emplacement de cette source Alfred le plombier,(allusion directe à l’affaire Dutroux) a séquestré et abusé d’une fillette, (un personnage joué par la propre fille de Jan Lauwers), pendant 76 jours…. Un jugement est prononcé qui brouille les pistes sur la  véritable responsabilité de cette homme, même si juste auparavant, la scène de tentative de viol vue en vidéo et explicite et violente.
Les habitants du village se vengent et pendent le pédophile, après l’avoir noyé;  pour l’auteur,«il faut détruire pour continuer la vie». C’est la femme du plombier complice de son mari fou, qui, selon lui, est la plus coupable. Après avoir été condamnée à être enfermée 76 jours, elle a finir par s’offrir comme prostituée à tous les hommes du village, par plaisir: «J’aime les hommes, dit-elle,  et j’aime les sexe».
De ce faux sacrifice va naître un enfant, un gros bébé gonflable qui  envahit l’estrade centrale,  ce qui va redonner vie au village. En parallèle à ces événements, des balayeurs de rue, immigrés et mal considérés par les habitants, en combinaison orange, couleur symbole de  sécurité pour l’auteur, viennent panser les douleurs et les plaies de cette micro-société. Chaque nouveau personnage qui décède, revêt une tenue orange, et se transforme en ange protecteur, (sauf le plombier). Ce mélodrame prend la forme d’un cabaret qui utilise toutes les modes d’expressions artistiques: danse,  chant,  marionnettes et musique jouée en direct.

Lauwers est le démiurge de ces 2h15 de cris, de pleurs et de joie, témoignant des malaises et des fractures de notre société. Sa mise en scène repose sur l’interprétation d’un cortège d’acteurs et d’actrices à l’unisson de sa folie organisée.
Comme chez Brecht,  le metteur en scène rappelle souvent que l’on est au théâtre, pour dire le caractère cathartique de cet art. Sa mise en scène est mouvante;  pour lui,« l’acteur est ici un signe de reproduction comme dans le théâtre conventionnel et de production comme dans la performance». Il fabrique des images troublantes, ou les acteurs ne jouent pas les personnages mais sont les personnages. La fin ambiguë clôturée par le balayeur pose la question de la rédemption, comment peut on oublier le passé et pardonner! Tous le monde chante à l’unissons,  «Le marché doit être propre, nous sommes les balayeurs, les chanteurs des morts».
C’est un beau travail, qui dénonce nos hypocrisies et les relations troubles d’une micro-société.  Place du marché 76  fait parfois penser à la pièce de  Pirandello A chacun sa vérité.  Il laisse le spectateur libre de son opinion mais  il manque ici l’émotion et la beauté de la langue du célèbre auteur sicilien. Jan Lauwers est un bon faiseur d’images mais, comme cette création est à la frontière de différentes formes d’expressions artistiques et que le texte n’a pas une grande puissance théâtrale, le spectateur risque d’y rester étranger…

Jean Couturier

Le spectacle a été joué au cloître de Carmes du 8 au 17 juillet.

Jean Couturier

Festival d’Avignon In, joué du 8 au 17 juillet au Cloître des Carmes

Hatched

Festival Paris quartier d’été: Hatched, chorégraphie et interpétation de Mamela Nyamza

 

Hatched hatched_mamela_nyamza-john-hoggSa robe, tramée de pinces à linge, et la lessiveuse que Mamela Nyamza porte dignement sur la tête, parlent de sa condition, tandis qu’elle glisse latéralement, de jardin à cour, torse nu et de dos, avec de magistrales pointes, chaussons aux pieds.
L’image est forte, la danseuse est majestueuse.La vie quotidienne à peine suggérée se poursuit selon le même déplacement latéral et sur pointes. Le linge posé en couches successives sur la tête et qu’elle étend, rouge, comme le sang.  maillots et robes sur le fil à linge servent de pendrillons, lui laissant ainsi un espace pour changer de costume.
A l’avant- scène, le sol est recouvert d’un tissu grenat aux plis rangés, évoquant un filet de pêche posé là, dans toute sa circonférence.
La danseuse l’enfile, comme une robe de cérémonie, s’y enroule, mais, attachée au fil par une extrémité, s’y trouve emprisonnée. Ces moments, délicats dans le geste, entraînent des images indélébiles reliées au pays d’où elle vient, l’Afrique du Sud. Vision de morte vivante, sorte de momie à la verticale, elle se fond dans la nuit, à l’arrière du plateau.
Quand elle revient, entravée d’un tutu blanc et se débattant au sol, pleine de convulsions, celle qui lavait le sol à s’en décrocher les bras, semble quitter sa peau. Ses réminiscences d’enfance, entre joie et tristesse, par la robe qu’elle passe, ou le fil à linge qu’elle transforme en corde à sauter, sont retenus, pleins de pudeur. Quand elle quitte ses chaussons de danse, assise au centre du plateau et qu’elle fait vivre ses pieds nus, très naturellement,  elle demande cigarette et alumette aux spectateurs. Ce soir-là, pas de fumeur auprès d’elle.
Dernière image, elle retire les couches successives de ses atours et revêt le manteau rouge et cintré qui séchait encore au vent, et, tel un pantin désarticulé aux gestes secs et nerveux, elle est, en elle-même, le tragique.
Mamela Nyamza, chorégraphe et interprète, se raconte dans cette pièce : pratique de la danse classique dès l’âge de huit ans, au Cap puis à Prétoria, seule noire d’une troupe blanche qui ne parle que l’afrikaans. Puis, à l’école d’Alwin Ailey à New York, elle revit, au contact d’autres danseuses noires. Militante depuis toujours de la cause des femmes, la chorégraphe s’attaque, avec  les pièces qu’elle présente, aux sujet de société les plus osés. Parlant d’elle, elle parle de la femme, en Afrique du sud.
Sur le côté, absorbé par le paysage qu’il peint
sur une toile blanche et sous les yeux du public, son fils de treize ans, Amkele Mandla, la suit, un casque sur les oreilles et déconnecté de l’action mais discrètement présent, jusqu’à l’achèvement du tableau.
Il y a du silence dans cette pièce aux musiques bien dosées, du pur classique aux chants chorals d’Afrique, en passant par les sons de foule, de cloches ou de fête. Et le geste prime, épuré, fort et qui imprime émotion et respect.

Brigitte Rémer

Spectacle vu  le 16 juillet, Tours Aillaud à Nanterre;Théâtre 13/Seine, jusqu’au 20 juillet à 20h ;  le 21 juillet à 17h30, parc de l’Hôtel de Ville à Épinay-sur-Seine et  le 23 juillet à 18h, parc des Sévines à Gennevilliers.
Saisons Afrique du Sud – France : www.france-southafrica.com, et www.quartierdete.com

 

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