Une Parade de Cirque
Une Parade de Cirque, anthologie des écritures théâtrales contemporaines de Croatie.
« Pourquoi le drame croate évoque-t-il le cirque et le carnaval avec autant d’insistance ? » se demande Natasa Govodic. Chercheuse et critique de théâtre en Croatie, elle a dirigée un volumineux ouvrage, rassemblant seize auteurs marquants du théâtre croate, de 1922 à nos jours. Un recueil original en ce qu’il axe autour de la symbolique du cirque son analyse et le choix des extraits de pièces présentées. « Dans les drames croates, le cirque est une sorte d’illusion : un semblant d’utopie et le lieu des catastrophes », écrit–elle dans sa préface. À commencer par le clown gris suicidaire de Kalman Mesaric (Le Clown, 1922) ou des ivrognes à moitié morts de Miroslav Krleza (la Foire royale,1915), deux écrivains représentatifs du théâtre expressionniste de Croatie. L’humour gris ou noir de ces auteurs, et de ceux qui suivront, distille une critique acerbe et distanciée d’une société que l’Histoire n’a pas épargnée. Plus récent, Le Roi Gorgodane de Radovan Ivsic a été joué dans toute l’Europe et souvent en France. La pièce écrite en 1943, interdite à plusieurs reprises, met scène un tyran ubuesque qui parle la langue clownesque de tous les criminels totalitaires. De même, le cirque hante les œuvres de Ranko Marinkovic (Le Désert, 1982), ou d’Ivo Bresan (La Représentation de Hamlet au village de Mrdusa-d’en-bas, 1965). Pour Slobodan Snadjer, «l’Histoire elle-même est un cirque, et la piste recouverte de la fine poussière des corps calcinés ». Figure majeure, écrivain engagé, il dénonce, dans La Dépouille du serpent (1994), les viols ethniques commis pendant la guerre ; il avait, avec son Faust croate, (1981) défrayé la chronique en stigmatisant l’emprise oustacha dans la société croate contemporaine. On découvrira ici un extrait de l’Encyclopédie du temps perdu (2009) qui, à la manière d’un mystère du Moyen Âge, propose les démêlés avec la mort, d’un ouvrier au chômage Parmi ces dramaturges, qui semblent tous, aussi intéressants les uns que les autres, quelques femmes ont récemment rejoint le bataillon : Nina Mitrovic (Ce lit et trop petit ou juste des fragments, 2004) ; Asja Srnec Todorovic, (Respire, 2003) ; Ivana Sajko (Rose is a rose is a rose, 2008). Outre l’éclairante préface, on trouve, avant chaque extrait traduit, une présentation détaillée de l’auteur. Pour finir, une abondante bibliographie vient compléter ce tour d’horizon, ainsi que la théâtrographie des pièces croates qui ont été traduites, lues en public ou représentées en France depuis 1917. Les traducteurs sont également mentionnés. Ce qui donne envie de se plonger dans cette littérature dramatique originale si peu connue. On peut se procurer in extenso plupart des pièces présentées ici sous forme d’extraits à la Maison d’Europe et d’Orient. Dominique Dolmieu, qui a contribué à la publication de cette anthologie a fondé, avec Céline Barcq, un pôle culturel dédié au théâtre d’Europe orientale. Il regroupe un centre de ressources, un maison d’édition (L’Espace d’un instant) et une compagnie (Théâtre national de Sydalvie). En dix ans d’existence, les éditions l’Espace d’un instant ont publié plus de 200 textes et 150 auteurs! Dont des anthologies d’écritures dramatiques (Caucase, Biélorussie et Turquie)…
Mireille Davidovici
Editions L’Espace d’un instant.
Maison d’Europe et d’Orient 3, passage Hemmel, 75012 Paris. T: 01 40 24 00 50 www.syldav.org