festival d’avignon: woyzeck /nadj

Woyzeck, ou L’Ebauche du vertige, conception et chorégraphie de Josef  Nadj.

 

 festival d'avignon: woyzeck /nadj joseph-woyzeckDu drame de Büchner qui raconte la triste destinée d’un soldat obligé,  faute d’argent de livrer son corps à des expérimentations médicales et qui poignardera sa femme par jalousie, Josef Nadj réalise une libre adaptation d’une grande intensité dramatique.
Le spectacle, créé en 94 en pleine guerre de Yougoslavie,  a reçu le prix du public au festival de théâtre de Belgrade en 98 et le Masque d’or du meilleur spectacle étranger à Moscou en 2002.
Il fait partie de cette mémoire théâtrale qu’Hortense Archambault et Vincent Baudriller ont voulu exhumer dans la programmation  Des artistes, un jour, un festival. Le chorégraphe né en 57 en Voïvodine (actuelle Serbie) a succédé, en 2006,  à Jan Fabre,  comme artiste associé du festival. Comme lui, il est plasticien de formation, issu des Beaux-Arts de Budapest.
Durant une heure, six hommes dont Josef Nadj et une femme, le visage et les hauts du corps recouverts d’argile grise séchée,  jouent et dansent dans une sorte de boîte encombrée d’objets divers dont un couteau qui sera utilisé par le personnage de Josef Nadj pour fendre verticalement une tête en argile rouge dans une belle cruauté.
Pas de dialogue, mais des sons émis par les comédiens et une musique
d’Aladar Racz que l’on entend faiblement donnent à ces images une tonalité nostalgique. Chaque geste est d’une grande précision, et ces fantômes de personnages semblent obéir à des rituels dont, seuls,  ils  connaissent la signification.
Josef Nadj possède l’art de faire naître des tableaux absurdes, burlesques ou tragiques qui rappellent les images de  Tadeusz Kantor, en un poème théâtral de soixante minutes qui a ravit le public.

 

Jean Couturier

A l’Opéra-Théâtre le 21 juillet

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Archive pour 24 juillet, 2013

Casimir et Caroline

 Casimir et Caroline casimir_et_caroline_alain-monot-copie

 

Casimir et Caroline d’ Ödön von Horvath, traduction de Christophe Henri, mise en scène de Bernard Lotti. 

 

Le Festival du Pont du Bonhomme  à Lanester (Morbihan) a, pour cadre, le cimetière à bateaux de Kerhervy où un théâtre de plein air est  installé à ciel ouvert sur le Blavet, qui avance et qui recule,  au rythme des marées.
C’est une anse où  se dessinent, à l’horizon, des épaves abandonnées aux flots, des carcasses rondes de fausses baleines de bois usé. Face à ce tableau de maître, véritable paysage de perspective marine, le public du Pont du Bonhomme a découvert Casimir et Caroline de l’auteur cosmopolite hongrois Ödön von Horvath (1901-1938).
La pièce, créée en 1932 à Berlin et à Leipzig, époque de crise économique et financière, sonne comme un écho, un rappel lointain et proche de notre présent immédiat. Pour Von Horvath lui-même, il ne s’agit pas d’une simple satire de la Fête de la bière mais de la ballade de Casimir, chauffeur au chômage et de sa fiancée ambitieuse, « Une ballade d’une douce tristesse, modérée par l’humour, c’est-à-dire par la plus banale des certitudes : nous devons tous mourir. »
L’auteur écrit en exergue un verset de la Bible : « Et l’amour jamais ne cessera. » Et Jacques Nichet qui avait  monté Casimir et Caroline, cette ballade « rêvée », note que la pièce est l’exposé du démenti de l’exergue,  puisque les amants vont se séparer. En fait,  les jeunes gens s’aiment, « mais  sont aveuglés par l’époque, par le chômage, par les trop petits salaires, par l’illusion de pouvoir s’en sortir seuls ».
Les protagonistes sont les victimes consentantes de leurs besoins du jour, proies faciles de fêtes foraines et d’amusements sans lendemain. Chacun veut s’en sortir individuellement, hors de toute conscience politique. Casimir fait le reproche à Caroline de frayer avec deux hommes âgés et de statut social élevé : « Ce n’est pas des fréquentations pour toi, ces gens-là ! Ils se servent de toi, pour leur plaisir ». Mais la jeune fille  rétorque : « Tes sensibleries, ça suffit ! La vie est dure. Une femme avec de l’ambition,  doit attraper un homme influent par sa vie sentimentale ».
La pièce, prémonitoire,  conserve tout son mordant, surtout quand ses personnages sont en proie au délitement de leur énergie. Aux prises avec l’Histoire, le chômage, le mal-être, la solitude, la peur d’être incompris, ces jeunes gens sont à l’épreuve de la détresse et de l’alcool qui fait rêver…

Bernard Lotti parle, à propos de Casimir et Caroline,  d’une parole pour ne pas dire, une parole qui cherche à cacher ce que l’on pense, et où le silence est vérité.Le metteur en scène a été inspiré par l’ambiance festive et estivale du cadre, lumières colorées, jeux de fête foraine, stands et buvettes, bière qui coule à flots, vols et petits arrangements de bandits en germe. 
  Denis Fruchaud et Ana Kozelka, les scénographes ont imaginé un plateau en   lattes de bois,  avec,  comme  cadre de scène, une arche couleur cuivre qui laisse voir la mer au loin. 
Autour, des marionnettes joliment articulées, des pantins de bois animés grimpent dans les hauteurs pour descendre en acrobates, ou bien assoient leur mélancolie sur un banc de fortune, entre juke-box et jeu de force, stand de glaces et bistrot de fortune. L’atmosphère, rieuse et populaire, donne d’autant mieux à voir les petites misères morales aigues qui transparaissent à travers les fanfaronnades naïves de chacun.
L’équipe enjouée et endiablée est composée de jeunes comédiens  issus de l’école du Théâtre National de Bretagne, et  élèves du Conservatoire de Brest. Se sont  engagés dans l’aventure : Nicolas Sansier (Casimir), Margot Segreto (Caroline), Yassine Harrada (Juppmann), Tristan Rosmorduc (Franzel Mark), Christian Lucas (Tapp), mais aussi Mychel Chenier (Pick), Marina Keltchewsky (Erna) et Marieke Breyne (Elli).
L’enthousiasme collectif améliorera, chemin faisant,  des enchaînements un peu lents parfois entre les scènes. La représentation tient déjà serré son pari festif de divertissement estival doux-amer.

 

Véronique Hotte

  
Festival du Pont du Bonhomme  du 20 au 26 juillet  à Lanester (Morbihan).

Crédit Photo : Alain Monot

Festival d’Avignon: Walden

Festival d'Avignon: Walden diapo_haut_rewalden

 

Walden, texte d’après Walden ou La Vie dans les bois d’Henry David Thoreau, mise en scène de Jean-François Peyret, musique d’Alexandro Markeas, création vidéo de  Pierre Nouvel.

 

Sur le plateau vide du Tinel de La Chartreuse, deux pianos droits, quatre comédiens ( Clara Chabalier, Jos Houben, Victor Lenoble, Lyn Thibault, assis sur des chaises déjà sur scène avant l’arrivée du public, et à l’avant-scène,  des techniciens une batterie d’ordinateurs et de consoles électro-acoustiques qui parlent entre eux avant de dire des extraits d’un des textes poétiques majeurs qui ont beaucoup influencé les mouvements écologistes des années1960… écrit par Henry David Thoreau (1817-1862) qui  eut la singulière idée pour son époque-mais tout à fait prémonitoire- d’aller vivre deux ans  dans une cabane au Massachussets pour  mieu renouer avec la la nature et percevoir le cosmos.
Mais Thoreau est aussi bien connu pour un texte aussi fondamental que La Désobéissance civile (1849) qui avait beaucoup influencé les théoriciens et les praticiens de la non-violence comme  Julian Beck et Judith Malina , les fondateurs du Living Theater
.
 » J’ai pensé, dit Jean-François Peyret,   qu’il serait intéressant , dans le temps  de la réalité augmentée de la techonologie pure ( l’Experimental Media Performing Art) d’étudier cette œuvre. L’ idée me plaisait, dit Jean-François Peyret, d’aller titiller, avec les équipements scientifiques dont je disposais, le spectre de cet homme qui avait souhaité se réduire à se plus simple expression ».
Thoreau n’en finit pas d’être, avec la connaissance de la nature qui était la sienne, d’être convoqué, par des poètes, des scientifiques ou des philosophes comme Michel Onfray. Jean-François Peyret  y voit l’occasion de continuer avec ce travail son exploration d’un théâtre poétique qui lui tient à cœur. C’est aussi un travail de dramaturgie sur la mémoire associée au fonctionnement des machines et des voix de synthèse qui remplacent parfois celle des comédiens. Occasion aussi pour lui d’une réflexion sur le vivant et l’artificiel, thème  qui avait fait  l’objet d’une grande exposition au cloître Saint-Louis. A la fois,  avec un texte aux magnifiques fulgurances,  associé à de la musique en direct d’un voire de deux pianos,et de très belle images de la nature, à des sons retravaillés.
Et cela donne quoi? Un spectacle extrêmement travaillé qui n’est pas seulement une lecture d’extraits de Thoreau mais-et c’est sans doute un paradoxe qui n’a pas échappé à Peyret- une sorte de tricotage très complexe, comme il l’appelle lui-même entre différentes disciplines qui associent à la fois une parole de base et la tentative de constituer un univers scénique à base surtout d’images réelles ou de synthèse. C’est quand même un peu curieux quand on veut parler de la nature et de Thoreau.
Ou bien, se servir de ce livre exemplaire comme matériau théâtral destiné à mieux comprendre nos mécanismes psychiques de mémorisation, il faut avouer que le chose nous a semblé bien compliquée et finalement peu convaincante, quel que soit par ailleurs la qualité technique.
C’est, disons,  un travail de laboratoire, avec toutes les limites que cela suppose, un peu froid et  austère,  jamais dépourvu d’un certain humour, dans la lignée des autres spectacles de Peyret  mais quelque peu ennuyeux. Ce qui manque sans doute à ce spectacle trop long (90 minutes , sans beaucoup de rythme, c’est une certaine unité entre ses différents éléments. Ami-chemin entre la performance et un spectacle plus « classique ». On se prend parfois à rêver d’une simple lecture de Thoreau par quelques comédiens qui diraient dans une salle moins solennelle la parole du grand poète américain…


Philippe du Vignal

 

 

Spectacle joué du  6 au 11 juillet au Tinel de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Du 16 janvier  au 15 février 2014 au Théâtre National de la Colline à Paris.

Festival d’Avignon: Germinal

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Germinal, conception d’Antoine Defoort et Halory Goerger.

 

Voilà un bien curieux spectacle… On y rit beaucoup et on y découvre une forme de théâtre originale. D’abord, les lumières de la salle s’abaissent lentement jusqu’à l’obscurité presque complète puis reprennent de l’intensité, pour retomber à nouveau. Les premiers rires du public sont là, avec pas grand chose !
Le ton est donné ! On découvre un petit jeu de lumières, comme un big-bang de ce qu’accueillera ensuite le plateau. Des parties du  plateau sont éclairées,  successivement et très légèrement;  on aperçoit quatre personnes qui s’amusent aux consoles techniques et qui, ensuite, parleront à l’aide de ces consoles, en lançant un sous-titrage qui reflète leur pensée. Ils  finissent par parler seuls, et, comme en accéléré,  vont tenter de  faire des classements qui s’affichent en fond de plateau : ce qui fait « poc poc », ce qui fait « aïe », en  établissant  même des sous-classements dont nous vous épargnerons les détails…
Sur le plateau nu, une comédienne n’hésite pas à casser une plaque à coups de pioche pour en tirer un  micro, et y découvre la parole ! Un autre tirera même des gravats  une guitare et son ampli !
Derrière cet humour apparent, les protagonistes de Germinal découvrent et construisent le théâtre … comme s’ils  découvraient et  construisaient le monde. C’est la naissance d’une société en  accéléré qui évolue  sous nos yeux surpris par les coups de pioche sur le plateau.
Comique de situation très bien amené: Antoine Defoort explique avoir voulu faire une  grande fresque socialiste. « L
e spectacle, dit-il,  veut parler de la formation et de l’évolution possible d’une communauté ».  Vu comme ça,  Germinal devient ambitieux et se place au delà de l’humour pourtant bien présent. Il est rare de voir un public  du  festival in  aussi hilare et avec un si grand sourire à la sortie!
Les comédiens-Arnaud Boulogne, Ondine Cloez,
Antoine Defoort et Halory Goerger endossent très bien le rôle de gens ébahis, démiurges un peu idiots et, au delà de cette première impression de plaisir, on voit vite que beaucoup de choses sont dites  sur  l’organisation de nos sociétés. Voilà encore une réalisation qui s’attache à la science…
Le 
spectacle vivant élargit son spectre et c’est tant mieux ! Ne ratez pas Germinal.

Julien Barsan

Théâtre Benoît  jusqu’au 24 juillet. Et du 27 au 30 décembre au Merlan /Scène Nationale de Marseille; du 4 au 19 mars au Cent Quatre ; le 25 mars à Chateauvallon ;  le 9 avril à Orléans,  etc…

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