Lear is in town

Festival d’Avignon : Lear is in town, adaptation libre du Roi Lear de Shakespeare de Frédéric Boyer et Olivier Cadiot, mise en scène de Ludovic Lagarde.

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© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Plutôt que la figure de Lear, c’est la folie, sous toutes ses formes, qui est le personnage principal de cette traduction et adaptation libre du Roi Lear.
Une comédienne et deux comédiens occupent le vaste espace vide de la Carrière Boulbon, avec, au milieu, une très laide enceinte acoustique noire, qui, par moments, relaye la parole des acteurs. Difficile de reconnaitre la pièce… réduite à quatre personnages. Johan Leysen joue Lear, Clotlide Hesme -qui s’est  rasée sa tête pour passer d’un personnage à l’autre-est Cordélia et Tom, et enfin le Fou est interprété par Laurent Poitrenaux  avec toute la technique de jeu qu’on lui connaît.
Les comédiens, dont la voix est sonorisée,  portent par moment des casques antibruit! Comment donner un sens à cet artifice de mise en scène! Sur la moyenne corniche de la carrière,  comme,  » Hollywood » à Los Angeles,est  inscrit : Banishement is here, (l’exil est ici). Le spectacle aurait certainement pu donner lieu, par exemple, à un  travail de lecture pour France-Culture au musée Calvet, mais, ici, les trois comédiens  ont du mal à occuper cet immense espace.
Reste trois interprètes excellents qui donnent vie aux différentes figures de la folie, inspirées du Roi Lear . Les spectateurs des premiers rangs peuvent ainsi goûter le jeu des acteurs, dans toute sa générosité, mais le reste du public reste, lui, à l’extérieur de tout ce cérémonial particulier.

Jean Couturier

Carrière de Boulbon du 20 au 26 juillet.


Archive pour 29 juillet, 2013

Chatte sur un toit brûlant

Chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams, mise en scène de Claudia Stavisky.

Chatte sur un toit brûlant laure-marsac-maggie-photo-claire-matrasLa pièce se joue en un jour et en un lieu-cela n’en fait pas une tragédie classique…La famille Politt fête l’anniversaire du patriarche. Le vieux tyran est mourant et ne le sait pas, ou ne veut pas le savoir. Le champ clos, c’est la chambre-salon de Brick, le fils préféré, et de sa femme Maggie, étrange déplacement du tourbillon familial dans  un lieu qui devrait être intime.
Brick non plus ne veut rien savoir, ni rien entendre, ni personne, depuis le suicide trouble de son meilleur ami trop aimé. Dans cette famille, il est le seul à avoir perdu toute vitalité. Pour Gooper, le fils aîné et sa femme prolifique Mae, le moteur, c’est l’argent : on ne va pas laisser le domaine à cet ivrogne et à cette Maggie incapable de lui donner un descendant-dont il ne veut pas-. Pour Maggie, c’est la sécurité qu’elle a gagnée (« J’ai été pauvre »), et l’amour et le désir auxquels elle s’accroche : aime-moi, aime-moi, aime-moi, clame-t-elle sur tous les tons. Comme “grand-maman“, piétinée par le patriarche, et obstinée jusqu’au sublime à affirmer qu’ils sont un vrai couple, qu’ils s’aiment, encore et encore. Naturellement, Mae et Gooper envoient leur tribu d’enfants cajoler “grand-père“, et Maggie vient jouer avec lui de son charme, le tout sur fond d’espionnage -dans la grande maison familiale, on écoute aux portes et on s’en vante-, d’insultes grandioses, de vérités inaudibles, et de paroles définitives, si possible blessantes.
La pièce s’ouvre et se referme sur l’impossible intimité du couple Brick-Maggie. À la présence forte et muette de Philippe Awat, Laure Marsac oppose une belle et charmante Maggie,  mais qui manque de corps, comme on le dirait d’un vin. Ce “corps“ vient peu à peu, au fil de la pièce, jusqu’à la scène finale où rien n’est changé, et où tout a changé, parce que les choses ont été dites, en particulier l’homosexualité honteuse de Brick.
Mais s’il y a un impossible, c’est le couple. Christiane Cohendy donne toute sa gaîté désespérée à cette “grand-mère“ renversée par l’averse d’insultes de son époux, et se relevant toujours, faisant vérité du mensonge de l’amour. Clotilde Mollet pousse devant elle la marmaille de Mae–plus besoin de faire couple avec Gooper, Stéphane Olivié-Bisson- avec une brutalité clownesque. Le vrai couple, jusqu’à frôler l’inceste, c’est celui formé par le père (Alain Pralon, superbe de présence et d’ambiguïté) et son fils cadet, le préféré. L’amour-destructeur-ne se commande pas.
Claudia Stavisky met en scène ce moment précis avec un audacieux contrepoint : à l’arrière-plan, les enfants jouent à se chevaucher… Avec cette vision atroce du couple et de la famille délétère, on pense à l’Ibsen des Revenants, à Strindberg. Tennessee Williams y ajoute ses obsessions : la virilité noyée dans le whisky du jeune homme se survivant à lui-même  (comme le Tyrone d’Une lune pour les déshérités), la moiteur –celle-ci manque à la représentation-, la sueur des corps remplis de désirs plus ou moins monstrueux.
Dans la scène-clé entre père et fils, on retrouve, en motif secondaire, l’image de cauchemar qui clôt  Soudain l’été dernier avec des meutes d’enfants pauvres et nus se jetant sur l’homme riche qui passe. La poésie de Tennessee Williams se nourrit de ces visions paroxystiques, associées à une vision sardonique de la société : les enfants gâtés de Mae et Gooper sont eux aussi, après tout, de monstrueux jeunes chiens, et la violence familiale rejoint celle des cannibales, avec le bâillon de l’hypocrisie en plus. Et la vérité n’y peut rien : le mensonge, à soi-même d’abord, est sans fond.

On pouvait s’étonner du choix de cette pièce de théâtre intime pour le plein air de Grignan. Ça marche, et peut-être mieux encore que dans un théâtre à l’italienne : la scène ronde, élisabéthaine, « entre » dans le public, nous pousse précisément dans l’intimité de la famille Politt. Le plein air est affronté,  non sans humour, avec les roulements de l’orage familial, métaphore de celui, bien réel,  qui menace la représentation elle-même.
Saluons ici le remarquable travail du son, qui donne sa profondeur de champ à la pièce. L’autre pari est tenu avec non moins de culot : un feu d’artifice frontal (pour la fête du patriarche) illumine le célèbre façade, en une fausse apothéose intempestive et dérisoire. Cette Chatte sur un toit brûlant est d’une incroyable richesse,  avec ce roman familial de tous les excès mais mis en scène avec sobriété.
Il y a une telle énergie dans cette écriture, y compris celle du désespoir, qu’on en sort secoué, même sous le plus beau ciel du monde.

Christine Friedel

 Fêtes nocturnes, Château de Grignan, (Drôme) jusqu’au 24 août.T. : 04 75 91 83 65.

L’été Chushingura

Festival d’Avignon : L’été Chushingura par la compagnie Bando Sengiku et Fleurs rouges, fleurs blanches par la compagnie Mademoiselle Cinéma.

 

L'été Chushingura  art-jap-2Découvrir des troupes étrangères, qui viennent de loin pour se payer, au sens réel du terme,  une part de ce festival mythique, c’est le cas de deux troupes de Tokyo qui se sont partagées chacune-moins cher!-dix jours de représentation dans la belle salle ronde de La Condition des Soies.
Pour L’Eté de Chushingura, la chorégraphe Bando Sengiku a offert à ses interprètes cette part de rêve. Son  spectacle de danse traditionnelle mêlée de modernisme, d’une grande beauté plastique raconte une fable venue du Japon médiéval.
Une histoire vraie:  le sacrifice de  47 samouraïs dans l’unique but de se venger. Pour la metteuse en scène qui danse,  depuis son enfance, au théâtre National du  Bushido, le code d’honneur des samouraïs est un état d’esprit qui se perd aujourd’hui. Grâce à la collaboration d’artistes français ou d’Asie, venu compléter la troupe de Tokyo, ce spectacle avec treize danseurs et danseuses,  portant des costumes somptueux, au travail technique impeccable et aux gestes aussi  précis que beaux -nous a emporté dans un voyage hors du temps.

art-jap-3-200x300On découvre un tout autre univers avec Avec Fleurs rouges, fleurs blanches que  Naoto Ito a créé en 91 au  Session House, un petit théâtre de  Tokyo. La chorégraphe a  fondé  sa compagnie en 93. « Je pense, dit-elle,  que l’objectif de la danse est de donner corps aux émotions,pensées et souvenirs, que chaque danseur renferme dans son cœur, à travers ce médium qui est le corps».
Le spectacle, qui  appartient au répertoire de la compagnie,  raconte l’histoire de la vie et de la mort, symbolisée ici par les fleurs. Les cinq danseuses, interprètent  des tableaux proches de la performance, avec une belle énergie, dans des  costumes réalisés  par Tohco Sakyo, ce qui donne  un petit côté défilé de mode iconoclaste, décalé et envoûtant.
Heureux public qui a découvert ces danses japonaises contemporaines, d’autant que, dans ce pays, on n’atteint jamais la perfection, mais on y aspire toujours…

Jean Couturier

Condition des soies du 8 au 17 juillet pour L’Eté de Chushingura et du 20 au 30 juillet pour Fleurs rouges, fleurs blanches.

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