Festival d’Avignon: L’Ile de Vénus.
Festival d’Avignon: L’Ile de Vénus, comédie si l’on veut, de Gilles Costaz, mise en scène de Thierry Harcourt.
Cela se passe dans une île absolument déserte où Roger, un grand scientifique, a pu trouver un refuge après un naufrage. Il réussit à survivre et ne se plaint pas trop mais s’ennuie quand même un peu et, pour s’occuper, s’est mis dans la tête d’inventer un nouvel alphabet. Quand, miracle ou désespoir, on ne sait, arrive, elle aussi, après un naufrage, une belle jeune femme… tout à fait étonnée de ce qui lui arrive…
Après une période d’acclimatation, le couple qui n’en est pas un, va commencer à se chamailler. Lui, nouveau Robinson, s’est depuis longtemps, habitué à vivre absolument seul mais elle en est encore à se demander quelles sont les boutiques existant dans l’île. Bref le malentendu est complet!
Et Adam et Eve vont occuper chacune une partie de l’île pour arriver à se supporter. Mais bon, comme rien n’est éternel, il y a comme un rapprochement des corps comme des esprits après cette difficile période de cohabitation qui n’interdit tout de même pas les conversations entre les deux égarés et une certaine évolution des sentiments
Quand un jour, coup de théâtre, on entend au loin une forte voix d’homme dans un mégaphone: non, ce n’est pas un rêve mais le capitaine d’un bateau qui passait par là. Au mépris des conventions internationales dont il n’a rien à faire, il les laissera quand même à leur triste sort. En regardant le bateau s’éloigner sans eux, ils concluent de façon assez philosophique qu’il ne leur reste plus qu’à attendre le suivant..
C’est on l’aura compris, une sorte de fable, à la Marivaux, sur le couple placé dans une situation où l’homme et la femme, ex- »civilisés » ont quelque mal à se transformer en bons sauvages. Lui, ex-grand scientifique, ne semble pas tellement regretter sa vie d’autrefois, avec ses gloires mais aussi toutes ses mesquineries et l’argent, moteur de toutes les guerres personnelles. Il n’ a plus aucun repère sinon ceux que lui procure la nature sur laquelle il compte pour se nourrir.
Tandis qu’elle vit, elle, encore mentalement dans un autre monde où tout s’achète, sans aucun état d’âme, maquillages de prix, belles robes et bijoux, et où on a l’habitude, quoiqu’il arrive, d’avoir trois repas par jour. La pauvre jeune femme, désemparée, devra bien faire avec, sans doute à son grand étonnement personnel.
C’est plutôt intelligemment écrit, même si Gilles Costaz, par ailleurs, notre confrère critique théâtral que vous pouvez entendre au Masque et la Plume, et déjà auteur de plusieurs pièces comme Le Crayon, où il y avait déjà ses démêlés entre un homme et une femme, a tendance, au début du moins, à flirter avec la réplique de théâtre de boulevard un peu facile.
Mais, les deux acteurs: Julie Debazac, qui s’était fait connaître, entre autres, avec la série Avocats et associés et Nicolas Vaude, sont bien dirigés par Thierry Harcourt. Comme tous les deux sont très crédibles et évitent d’en faire trop, la première demi-heure passe très vite; on sourit même souvent mais, ensuite, la pièce a tendance à s’enliser et cela tourne parfois à l’exercice de style.
En fait, comme souvent, cette fable-pochade quelque peu grinçante, ou « comédie si l’on veut » selon le sous-titre, par ailleurs assez plaisante, gagnerait beaucoup à être resserrée. Gilles Costaz et Thierry Harcourt, encore un effort!
Philippe du Vignal
Théâtre du Chêne noir à 16h 30. Le texte de la pièce est édité à L’Oeil du Prince.