La belle rouge Festival de Jolie Môme
La Belle rouge, Festival Jolie Môme à Saint-Amant-Roche Savine.
Depuis quelque trente ans, Jolie Môme enflamme les manifestations de ses chants révolutionnaires en brandissant des drapeaux rouges, avec des spectacles surprenants. Ecriture collective de Michel et Pascale, les deux âmes fondatrices, (chez Jolie Môme on n’indique que les prénoms).
Jolie Môme dispose toute l’année, à la Plaine Saint-Denis du lieu : La Belle Étoile, où l’on a pu découvrir ses comédies musicales révolutionnaires comme Barricades ou Paroles de Mutins, pleines d’une belle ferveur pour changer le monde.
La compagnie, depuis 2006, organise aussi un chaleureux festival à Saint-Amant Roche Savine, cette année du 26 au 29 juillet. C’est un village de 530 habitants, à quelques encablures d’Ambert. Autour des treize membres de l’équipe qui présente cette année deux spectacles, une soixantaine de « brigadistes » se multiplient pour monter, réparer, démonter les quatre chapiteaux, accueillir les spectateurs fervents (qui ont tous acheté leur forfait de 60 à 90 € pour les spectacles), les nourrir dans la cour du collège qui sert des mets délicieux.
Au fronton de la cour, des phrases mobilisatrices : « Et si l’on empêchait les riches de mourir moins vite que les pauvres ?- Et si la peur changeait de camp ? »
Jusqu’en 2006, La Belle Rouge était réservée à Jolie Môme, mais la compagnie a ouvert ses portes à des ateliers dirigés par Aline Paillet, Frédéric Lordon… et à la projection de documentaires et des courts métrages comme La Saga des Conti et PSA Aulnay,à des stands de ventes de livres et de publications militantes, ainsi qu’à des spectacles d’autres compagnies.
Accueil étonnant dans ces joli village escarpé d’une propreté absolue, où l’on peut découvrir des spectacles et des débats toniques. Les spectateurs ont peu ou pas de moins de 40 ans, mais il y a aussi quelques nouveaux nés et des adolescents avec leurs parents, et tous les spectacles, comme les les débats, sont pleins.
Atelier de chansons de la Belle-Étoile, 26 juillet
Une équipe de 25 musiciens, chanteurs, danseurs amateurs formée par l’équipe de Jolie Môme à la Plaine Saint Denis ouvre les réjouissances , place du Collège, près de la fontaine au centre de ce village toujours vivant, grâce aux efforts du maire communiste François Chassaigne, successeur de son père André, député.
Le village fait partie d’une petite communauté de communes; il y subsiste une école primaire et un collège de 50 élèves, une bibliothèque, des commerces et une gendarmerie, maintenus grâce à la détermination des élus.
« Debout, debout, le temps de la colère est arrivé (…) On te fiche et on te pile, on surveille tes soupirs, Et ils veulent que ce soit pire »… Jolie Môme a su imprimer un style tonique, parfois bouleversant à ces chants militants qui font monter les larmes aux yeux, avec leurs tableaux révolutionnaires, leur gestuelle héroïque, brandissant le drapeau rouge, sur des textes naïfs qui ne manquent pourtant pas d’humour dans l’interprétation.
On entonne même avec eux « El pueblo, unido, jamais sera vencido ! » ça fait du bien la nostalgie !
Faust ou l’homme ordinaire.
Cette adaptation très libre de Faust a été réalisée par la compagnie qui l’avait créée à la Belle Étoile, au début de la saison et qui a ensuite été jouée dans de petites villes amies. Ce Faust se déroule pendant la guerre des paysans au sein du Saint-Empire romain germanique entre 1525 et 1528.
La pauvreté ravage le pays, et Faust est déchiré entre les honneurs dont il peut continuer à profiter, et son amour pour Marguerite, la sœur de son valet qui l’attire dans le combat contre les riches. Mais suivra-t-il ce Thomas Münzer qui dénonce les scandaleuses richesses accumulées grâce à l’exploitation des paysans ?
Faust finit par renoncer à son éternelle jeunesse qui le maintenait du côté des riches, et décide de mener le combat pour la justice sociale. Interprété par onze comédiens, musiciens et chanteurs, juchés sur des caisses, en costumes où brille une étoile rouge. On brandit le drapeau de la révolution, et Faust s’interroge sur la compromission et la corruption; c’ est un spectacle aussi insolite que nécessaire.
Des patates et des roses.
C’est le premier spectacle jeune public de la compagnie, et certaines actrices, depuis, sont devenues mamans. Jolie Môme s’amuse à raconter une histoire aux enfants. Au pied d’une pente surmontant la Place de la poste, de grandes voiles sont tendues, elles menacent de s’effondrer par un vent de 50 km/h.
Nous sommes à Luminapolis, notre planète a été rachetée par une multinationale, c’est « la grande cité du bonheur ». Mais les hommes-machines qui croient être heureux sont embarqués dans un voyage sur l’océan par un capitaine odieux qui finira par passer par dessus-bord. Les survivants prendront leur destin en main, une fois que Sophie, la machine à tout faire aura été libérée. « En unissant vos énergies, vous pouvez changer le monde ! ». Ce spectacle naïf, plein de bons sentiments souffre encore de longueurs, mais emballe le public réuni sur la pente herbue.
La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, par la compagnie du Grand Soir de Clichy sous Bois (93).
Comme Faust, Galilée est un homme qui cherche, qui découvre une vérité mettant en question l’infaillibilité de l’Église, c’est la terre qui tourne autour du soleil et non l’inverse !
Des années auparavant, Giordano Bruno qui avait révélé cette découverte, avait été immolé par le feu. Galilée qui « déteste les gens dont le cerveau n’est pas capable de remplir l’estomac » part pour la cour de Florence, avec sa lunette. Il voudrait révéler les fruits de ses recherches, mais, le 22 juin 1633, il doit s’incliner devant la doctrine de l’Église qui affirme : « Nous ne pouvons pas savoir, mais nous sommes libres de chercher ! ».
Le spectacle est interprété avec humour et finesse par cinq comédiens aux maquillages expressionnistes, autour d’un Galilée acharné mais prêt à tout pour sauver sa peau, avec une simple malle castelet d’où surgissent et s’enfouissent acteurs et accessoires, accompagnés par un musicien-bruiteur.
Comme dit Galilée : »c’est au cours d’un bon repas qu’on a le plus d’idées ». En même temps que sa vie, il réussit à transmettre à son valet Andrea, ses Discorsi, fruit de ses recherches. C’est la 177e représentation depuis le début de la saison, du spectacle qui a été présenté au Lucernaire.
Paroles de mutins.
Ce spectacle, vu à la Belle Étoile, il y a trois ans, a conservé son humour, sa violence et sa générosité. Treize acteurs, chanteurs, danseurs déchaînés nous font traverser les crises, les injustices, les mensonges de notre monde en déroute : « C’est la complainte des grenouilles que l’on plonge dans la flotte, ils resteront toujours gentils, c’est la gauche, T’inquiète ça va bientôt péter ! (…) Ne te trompe pas de colère et méfie-toi des milliardaires !… »
Avec une écriture parfois schématique, proche d’une bande dessinée, mais toujours tonique et partageuse, Jolie Môme déchaîne l’enthousiasme de son public conquis d’avance, prêt à voir et revoir avec le même plaisir, ses spectacles.
Edith Rappoport