Debout !
Debout ! – Conception et interprétation de Raphaëlle Delaunay
C’est avec beaucoup d’humour et une grande virtuosité que Raphaëlle Delaunay, jeans, tee shirt et tennis, se raconte. Et cette jeune femme a de l’audace et de la curiosité, car sa voie semblait toute tracée après une formation à la Royal Academy of Dance de Londres, puis à l’école de danse de l’Opéra de Paris, suivie de son intégration dans le corps de ballet à l’âge de quinze ans.
A dix-neuf, coup de tonnerre dans ce beau tracé, elle découvre le travail de Pina Bausch, lâche tout et part au Tanztheater de Wuppertal où elle reste trois ans. Puis elle continue sa route au Nederlands Dans Theater de Jiri Kylian, et croise celle d’Alain Platel, avant de concevoir, aujourd’hui, ses propres chorégraphies.
Avec ce spectacle, Raphaëlle Delaunay commence par un retour en arrière sur Pina et rapporte quelques histoires, plus savoureuses que nostalgiques, se glissant dans la peau du personnage, avec gouaille et tendresse :
On apprend ainsi que Pina imposait en coulisses la loi du silence avant la représentation, mise en condition et concentration faisant parti du rituel, augmentant la tension, du côté des danseurs.
Ou encore elle raconte : «J’étais sur scène dans une grande baignoire, faisant la vaisselle dans mon bain moussant et tout-à-coup, je reconnais dans la salle… Le Pen. Après un petit moment de suspension, j’en informe Pina, qui me répond calmement : mais ne t’inquiète pas, je suis plus forte que lui». La force de l’art, pourrait-on dire.
Autre séquence, qui livre quelques petits secrets…. « Au Tanztheater, lors des répétition ou des entrainements, on parle de mur-étagère et de gigot-salade. La première image signale les points d’appui et de déséquilibre qu’il est bon d’emprunter, la seconde, fait référence à ce qu’on pourrait nommer la féminité, autrement dit : le bas, les membres inférieurs et le haut, les membres supérieurs. Sans gigot, pas de salade». Les gestes subtils et suggestifs de Raphaëlle Delaunay à l’appui, se mimant dans une robe bien moulante, résument le tout.
Le second retour en arrière touche à la danse classique, à laquelle elle fait référence en quelques figures esquissées ; comme si elle repassait le film de ce qu’elle avait subi, suivi et entendu des milliers de fois dans son enfance. Là encore, l’anecdote qu’elle livre du tutu aux bretelle transparentes –alors qu’elle, est bronzée de peau- montre la distance prise, par l’humour. Ses impressions et confessions enregistrées forment la structure même du spectacle, dans une bande son de Pierre Boscheron.
Et, dans la construction de son identité artistique, Raphaëlle Delaunay résume : «Pour l’opéra, je suis plutôt révoltée et dépassant un peu des colonnes, pour les rappeurs je suis plutôt style opéra robe à petits pois».
Joli morceau de bravoure et moment de plaisir que ce spectacle, interprété avec grâce, intelligence et gaieté. Raphaëlle Delaunay est une magnifique danseuse qui traverse tous les styles de danse et s’en nourrit. Il se dégage de sa gestuelle, une grande précision et un sentiment de liberté. A ne pas manquer.
Brigitte Rémer
Vu le 1er août, au Square des Amandiers, 75020. Prochaine représentation, le 7 août, à 17h et 19h30, à Bercy Village, Parvis du cinéma UGC, 75012. Festival Paris quartier d’été. www.quartierdete.com