Richard Galliano
Richard Galliano, accordéon, avec l’Orchestre national de chambre d’Arménie, sous la direction de Vahan Mardirossian.
Second concert programmé, pour le lancement du Festival Classique au vert au Parc Floral, avec des musiciens hors-pair. Après Yom et Sonia Wieder-Atherton, clarinettes et violoncelle ( voir le Théâtre du Blog du 11 août), c’est aujourd’hui Richard Galliano qui offre ses sonorités singulières à un immense public venu l’écouter.
Galliano est accompagné de Vahan Mardirossian, jeune chef d’orchestre rencontré à Erevan lors d’une tournée, et de l’orchestre national de chambre d’Arménie qu’il dirige : treize violons, trois violoncelles et une contrebasse vont dialoguer avec l’accordéon.
Au programme, des musiques de France, d’Argentine et d’Arménie; chacun se fait porteur du style musical qui lui est propre, donnant toute sa dimension à la notion de populaire : le new musette des compositions Galliano et le tango, musique des faubourgs de Buenos-Aires, les musiques arméniennes, véritables chants de la terre.
Les points de croisement entre Galliano et l’orchestre se font autour des grands classiques : Jean-Sébastien Bach avec le Concerto pour hautbois et violon en ut mineur: Galliano joue la partition hautbois comme une évidence, laissant entendre des sonorités très proches de l’orgue, et Antonio Vivaldi dont ils proposent L’été, des Quatre Saisons, l’accordéon portant magnifiquement la voix du violon. Ensemble, ils nous enchantent, et chacun, alternativement, dans son registre.
Galliano donne aussi à entendre ses compositions, comme La Valse à Margaux, Fou rire, ou Opale Concerto, et le lumineux Libertango qui lui colle à la peau pour notre plus grand bonheur, témoignant de son admiration et amitié pour Astor Piazzola. «Il a fallu toute une vie pour trouver la solution de la simplicité» , dit-il, dans le débat qui a suivi le concert, reconnaissant que c’est bien «le plaisir et l’amour de jouer, plutôt que la technique», qui l’animent.
L’Orchestre national de chambre d’Arménie, resté seul en scène, interprète des morceaux choisis de Katchatourian, agencés par Ruben Altounyan, et les Miniatures Arméniennes de l’ethnomusicologue Komitas, composées à partir de collecte d chants populaires : La petite perdrix, Chant joyeux, Le Foulard rouge etc. C’est plein de vie.
Pour Vahan Mardirossian, l’orchestre est sa joie de vivre. Arrivé en France adolescent, il y est resté une vingtaine d’années, avant de revenir aux sources de son pays. Il dirige l’Orchestre national de chambre d’Arménie depuis deux ans, tout en restant chef principal de l’orchestre de Caen. Il aime créer la complicité avec ses musiciens et les surprendre et, quand il les dirige, il fait passer des messages pour les motiver. Comme un magicien, il fait ressortir une voix, ou taire les basses, et, d’un geste, placer tout le monde dans la même énergie.
Dans ce tandem Galliano/Mardirossian, l’alchimie fonctionne magnifiquement, et l’accordéon devient soliste, dialoguant avec les instruments à cordes de l’orchestre, dont une violoniste solo lumineuse. Dans sa rencontre avec les compositeurs dits classiques, comme dans son répertoire personnel, Galliano reste lui-même, jouant les yeux fermés «pour mieux entendre» dit-il, puisant au plus profond pour aller chercher les notes et s’approprier les rythmes ; il maîtrise ses claviers avec une dextérité sidérante et ne fait qu’un avec son instrument. Nougaro ne disait-il pas de lui, en parlant de sa rythmique particulière: «Ton chiffre, c’est 3 ! » et aussi : «Le swing, c’est plutôt circulaire que carré» et tous les grands du jazz se l’arrachent.
Musicien sans frontières, Galliano enchante, et l’enchantement est contagieux, passant tant auprès des musiciens de l’orchestre que du public. Difficile de les laisser partir! Ils se sont aussi prêtés, avec générosité, à de chaleureuses prolongations.
Brigitte Rémer
Vu le 4 août, au Parc Floral de Paris. Festival Classique au vert, du 3 août au 15 septembre. www.classiqueauvert.paris.fr et www.sequenza-comprod.com