Zinzin
Festival d’Aurillac 2013
Zinzin par la compagnie 25 watts.
Elle sont trois, issues, l’une des Beaux-Arts de Paris, les deux autres de facs et cours de théâtre. « Nous, disent-elles, chipies, démones, femmes à barbe. Nous sommes un trio burlesque tantôt dans la complicité, tantôt dans la fâcherie ». Elles ont adapté trois contes du célèbre auteur russe Danill Harms, né en 1905 et l’un des fondateurs du mouvement d’avant-garde Oberiou, précurseur de l’absurde, interdit en 32 par le régime de Staline.
Les textes d’Harms ont été lus, chantés ou joués clandestinement. Persécuté, l’écrivain fut emprisonné et placé en en hôpital psychiatrique où il mourra en 1940…
Zinzin se passe sur la place de la Préfecture du Cantal, derrière la statue d’un soldat de la guerre de 70. Belle connivence avec Harms! Le public est assis par terre sur une natte de paille. A côté de nous deux belles plantes, visiblement équipées, ont tiré de leur sac de vrais verres, des cubes de glace, du rhum blanc et une canette de boisson indéterminée et se sont fait un cocktail en regardant le spectacle…
Pas de scène, juste une petite table, et un portant muni d’un voile en polyester blanc pour dissimuler les quelques accessoires et objets utilisés pour leur valeur symbolique et métaphorique. « Notre désir, disent-elles, est de faire résonner les significations multiples de ces petits contes, en restant fidèles à la fois à leur mystère et à leur dimension critique. Dans leurs démêlés quotidiens avec leur entourage et avec l’administration, dans la violence qui les traverse ou qu’ils subissent, les personnages de Harms sont implicitement porteurs de satire sociale et politique. Mais ils possèdent aussi un petit grain de folie onirique, que l’auteur a su semer en nous et que nous cherchons à transmettre ».
Deux des jeunes femmes disent donc avec une belle voix, les textes de Harms, en les illustrant avec de petites marionnettes ou accessoires; la troisième, costumée en vieille dame, et chaussée de mules usées, est en fauteuil roulant et assure les intermèdes chantés en s’accompagnant au synthé. Elles ont une très bonne diction mais leurs manipulation d’objets parasite leur parole… si bien que l’on ne comprend pas grand chose à ces contes qui devraient au contraire avoir le mérite de la clarté.
C’est dire que, du côté dramaturgie, il faudrait beaucoup plus de rigueur pour que le spectacle puisse commencer à exister. Quant à la scénographie, elle n’est pas du bois dont on fait les flûtes, et est assez vulgaire quant aux formes et aux couleurs.
En fait, tout se passe comme si la pauvreté de la mise en scène et de la direction d’acteurs qui sont des plus médiocres, pénalisait les intentions de départ . Seul, le dernier des contes avec des personnages découpés dans des photos de magazine comporte un commencement de de commencement de poésie…La rue est une rude école qui ne pardonne rien, et, ce qui arriverait quand même à passer, ici ne fonctionne pas.
Saluons le choix de Danill Harms, et le recours à des marionnettes pour illustrer ces contes mais l’ensemble n’est pas du tout convaincant, surtout en plein air. La rue ne pardonne rien.
Allez les chipies/démones! Au travail! On vous reverra avec plaisir quand vous aurez suffisamment bossé! Un bon choix de texte ne suffit pas. Comme dit souvent l’ami Jacques Livchine qui nous avait conseillé d’aller voir ce Zinzin, et qui assistait à cette même représentation: trois mois de prison avec sursis…
Philippe du Vignal