Le soleil se lèvera trois fois

 Le soleil se lèvera trois fois, de et avec Eun-Hye Jung, Rocío Molina et Chloé Moglia

 Voir le soleil se lever au bord de la Seine, quoi de plus romantique ? Le réveil sonne à 5 h, vous êtes au rendez-vous à 6 h , le soleil n’attend pas. Vous mettez votre petite laine et prenez place sur les marches en bois qui font office de banquettes, en contre-bas du Musée d’Orsay.
Les Berges, inscrites au patrimoine mondial de l’humanité, viennent de s’ouvrir sur 2,3 kms de promenade rive gauche, complétant le kilomètre et demi de la rive droite, projet du Maire permettant à tous les amoureux de Paris de se réapproprier la Seine et le cœur de leur cité.

C’est là que Quartier d’été a posé ses tréteaux, face au mur des photos monumentales de Reza, artiste iranien. Son exposition, Chants de café, témoigne du quotidien des paysans-cultivateurs dans les plantations véritables travailleurs de l’ombre, et leur rend hommage.
Le soleil se lèvera trois fois 1-eun-hye-jung-brigitte-remerDans ce cadre magique, une silhouette en robe blanche, méditative et contemplant l’eau, comme les spectateurs qui lui font face, vient lentement prendre position sur un coussin posé au centre du plateau. C’est Eun-Hye Jung, de la République de Corée, qui interprète des compositions allant du chant traditionnel de la province de Namdo, ou bien,  venant de Mongolie, au pansori, l’art coréen du récit chanté.
Trente minutes à l’écoute des modulations nostalgiques et lyriques de sa voix, d’une grande pureté et d’une technique dont elle seule a le secret et qu’elle a commencé à apprendre à l’âge de sept ans. Les titres des pièces font déjà rêver : Ils se réjouissent de voir le soleil ; Variation de Hwacho-Saguri ; ou encore Les poulains se dirigent vers Buksan. A peine,  un geste esquissé avec son éventail trouble-t-il le fil de l’eau, tout est finement ciselé et parfaitement maîtrisé.

A la tradition, elle mêle des chants d’oiseaux et autres sons enregistré de la nature ou des humains, filtrés et finement travaillés, qu’elle renvoie à partir de capteurs qu’elle dépose au sol, devenant ainsi un véritable chef de chœur.
2-rocio-molina-brigitte-remerPuis elle invite le public à la suivre et celui-ci lui emboîte le pas. Une centaine de mètres plus loin, seconde station, Eun-Hye Jung passe le relais à Rocío Molina, danseuse de flamenco contemporain qui vient à sa rencontre, dévalant en dansant, les marches de la passerelle qui relie les deux rives de la Seine.
Elle invite le public à prendre place tout près d’elle, autour de la plateforme en bois sur laquelle elle écrit son énergie. «Je veux que le public soit très proche et qu’il n’y ait pas de mur, pas de limites entre la scène et la salle, pour provoquer des réactions nouvelles, différentes», dit-elle. Dans un décor naturel de bateaux amarrés et sans support musical, elle présente sa pièce, Danza impulsiva, créée tout spécialement pour Quartier d’été, donnant l’impulsion et le tempo. C’est avec autorité et élégance, qu’elle marque le sol du talon, joue de ses mains avec malice et cisèle l’air avec les doigts, règnant sur les éléments qui l’entourent, avec habileté, puissance et sensualité. Repérée par son talent singulier, Rocío Molina découvrait le Japon et les Etats-Unis à l’âge de dix-sept ans avec la compagnie María Pagès, avant de partager la scène avec Belén Maya ou Israël Galván, et de côtoyer les plus grands de sa spécialité.

3-chloe-moglia-brigitte-remerA son tour, Rocío Molina guide le public jusqu’à la troisième et dernière station de notre rendez-vous, -comme annoncé, Le soleil se lèvera trois fois-, accompagnée d’Eun-Hye Jung qui a assisté à sa performance, pour un passage de relais à Chloé Moglia. Dans une discipline aérienne, cette dernière présente, Horizon, pièce éphémère également créée pour Quartier d’été. Le jour s’est levé, le public fixe le haut d’un mât de cinq à six mètres de haut où elle est agilement montée par une corde lisse qu’elle replie, sitôt arrivée. Elle sera suspendue pendant une demi-heure, au bord de l’eau, enchaînant les figures avec grâce, lenteur et fluidité, sans garde-fou.
La concentration demandée se trouve aussi dans le public qui observe chaque respiration et scrute la technique décomposée de la rotation virtuose et décidée des mains de l’artiste, seule entre l’eau et l’air, dans son défi à l’apesanteur. C’est au Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne que Chloé Moglia s’est formée à l’agrès, apprenant à maîtriser le vide et à jouer de son corps et de son poids, avec légèreté, petite plume au bout d’un mât.

Lorsqu’elle retrouve le sol, la circassienne est rejointe,  au salut,  par les deux autres artistes, jolie complicité écrite au fil de l’eau, chacune dans son vocabulaire. Les spectateurs sont invités à les suivre pour un petit déjeuner préparé pour tous, face au mur d’images des travailleurs du café, vu cette fois à la clarté du jour.

Brigitte Rémer

 

Vu le 3 août, sur Les Berges de Seine, au pied du Musée d’Orsay, Festival Paris quartier d’été. www.quartierdete.com

 


Archive pour août, 2013

Face à face

Face à face, concert, avec Yom, clarinettes et Sonia Wieder-Atherton, violoncelle

Face à face face-a-face-brigitte-remer Chaque été depuis plusieurs années, la Mairie de Paris joue la carte Musiques, au Parc floral, derrière le château de Vincennes, véritable villégiature pour ceux qui restent dans la capitale. Après Paris Jazz Festival en juillet et Les Pestacles, festival jeune public qui se tient jusqu’au 25 septembre, débute Classique au vert, programmé et organisé par l’agence Sequenza, sur la même scène à ciel ouvert, le Delta.
Le mot classique est ici très large et non pas enfermé dans son sens originel. C’est une magnifique invitation au voyage qui est adressée, croisant les cultures de différents horizons, et allant, cet été, de la Venise musicale du XVIIe siècle au hip-hop New Yorkais tendance XXIe, et de la comédie musicale pur Broadway à l’accordéon de Richard Galliano. Chaque concert est suivi d’une discussion avec les musiciens.
Ce premier rendez-vous de la série donne le ton ès qualités du programme : Yom, clarinettiste ahskénaze,  spécialiste de la musique klezmer des communautés juives d’Europe orientale qu’il mêle au rock et au jazz, est un homme des rencontres. Il est le fil rouge des trois festivals du Parc floral, dans lesquels il s’est produit cette année. Sonia Wieder-Atherton, violoncelliste et voyageuse, d’inspiration multiple, allant des chants liturgiques juifs à la musique contemporaine, croise sa route.
Elle imagine un face à face à partir des Notes de chevet de Sei Shönagon, dame d’honneur de la princesse Sadako dans les premières années du XIème siècle à la Cour impériale japonaise, l’une des figures majeures de la littérature au Japon et, tour à tour, chacun se donne un thème. Ils développent ensemble des mélodies juives et yiddich, des morceaux de Bach, Britten, Janáček, Kurtag et Scelsi, des improvisations, et rendront un hommage à Lhasa, chanteuse très tôt disparue, il y a trois ans.

Ce parcours virtuose et sensible se divise en douze chapitres aux titres pleins de malice, à la manière des haïkus de Shönagon, titres annoncés par Sonia Wieder-Atherton et/ou Yom, complices dans la démarche,  qui livrent leurs réflexions à haute voix :
Choses qui calment le cœur
, improvisation à la clarinette et réponse du violoncelle au récit de Joseph, fils de Jacob et de ses frères ; Chose éloignée la plus proche, paroles d’un père et regrets de voir si peu son fils, : « Le matin, quand je pars, tu es à peine éveillé et le soir quand je rentre, tu dors déjà. Un jour, je serai mort et je ne t’aurai pas vu, mon fils».
Choses qui vous obsèdent, avec la Trilogie de Scelsi, pour violoncelle solo ; Choses qui ont une grâce raffinée où la clarinette raconte, sur  plusieurs octaves, le violoncelle faisant office de bourdon avant de jouer en solo ; Les choses volubiles, agitato à la clarinette et réponse du violoncelle.  Les choses qui ont intérêt à être courtes, jeux de suraigus à la clarinette, à en perdre le souffle, et fragilité du violoncelle, en réponse.  Choses qui semblent éveiller la mélancolie, nostalgies sublimes du violoncelle jusqu’à éteindre sa note finale qui s’envole au-dessus des spectateurs.
Balade pour aller vers toi
, est un morceau qui pleure, hommage à Lhasa, artiste canadienne, mexicaine et francophone, disparue très jeune d’un cancer, et partie comme elle avait vécu, avec discrétion. L’œuvre qu’elle laisse, entre blues, jazz et inspiration latine, est d’une grande générosité et pleine de mélancolie. Sensible à son univers, Yom et Sonia Wieder-Atherton ont écrit cette sublime balade, pénétrant dans son univers avec la même sensibilité écorchée ; Souvenir d’une course-poursuite, avec tension dramatique de type western et traversée du Grand Canyon, comme si on y était, magnifiquement animée par les deux instruments ; Chose qui évoque un regret, une danse par exemple, c’est une suite de Bach pour violoncelle ; et, à la fin, dans Le chapitre des choses qui méritent d’ête discutées, chaque soliste fait entendre son instrument, symbole de la confrontation des idées.
Un concert sublime, il n’y a pas d’autre mot pour évoquer ce moment rare du partage, d’une apparente simplicité, et la qualité d’écoute d’un public, suspendu. Le dialogue entre la clarinette et le violoncelle où se croisent force et fragilité, porté par deux immenses artistes, est un cadeau lumineux. Redescendre sur terre devient difficile, après un moment d’une telle intensité.

 Brigitte Rémer

 Vu le 3 août, au Parc floral de Paris, métro: Château de Vincennes. Festival Classique au vert, du 3 août au 15 septembre. Concert gratuit. Le public doit s’acquitter du droit d’entrée au Parc floral, soit 5,50€. Sites : www.classiqueauvert.paris.fr et www.sequenza-comprod.com

Et si nos pas nous portent…


Et si nos pas nous portent, cabaret singulier, texte de Stanislas Cotton, musique de Pascal Sangla, mise en scène de Vincent Goethals,

Et si nos pas nous portent... photo-thierry-gachonC’est la deuxième saison de Vincent Goethals à la tête du mythique Théâtre du Peuple de Bussang. Cette année est consacrée à la Belgique, avec La jeune fille folle de son âme de Fernand Crommelynck (l’auteur du Cocu magnifique rendu célèbre par Meyerhold), mis en scène par Michel Delaunoy, ainsi qu’une porte ouverte à l’auteur Stanislas Cotton qui présente Clod et son Auguste et Le Roi bohème,  deux solos jeune public, ainsi que ce présenté Cabaret singulier.
Le texte a été commandé à Pascal Sangla sur le thème: « qu’est-ce qui te fait te lever le matin ? ». Il a dû remettre le fer à l’ouvrage avec les quatre comédiens et Vincent Goethals. Malgré une belle vivacité des acteurs, hormis une séquence drôlatique sur la prise de pouvoir à la tête d’une entreprise- chacun étant détrôné au moment où il entre en fonction, un empilement comique de têtes, de part et d’autre du rideau de scène et une image du théâtre s’ouvrant sur la montagne, ce cabaret ne brille pas par sa singularité. Bref, ce Bussang aux couleurs de la Belgique nous fait regretter nos pèlerinages d’antan.

Edith Rappoport

Théâtre du Peuple à Bussang-Maurice Pottecher les  1, 2, 3, 7, 8, 9, 10, 14, 15, 16, 17, 21, 22,  23,  24 août. Et au Tarmac à Paris du 1er au 11 avril 2014

http://www.theatredupeuple.com

 

 

Festival interceltique de Lorient-Capercaillie

Le Festival Interceltique de Lorient

Capercaillie – groupe de musique folk écossais – fête ses 30 ans au Festival interceltique de Lorient le 7 août 2013, avec en première partie Llan de Cubel – groupe de musique folk asturienne au Festival Interceltique de Lorient.

 Festival interceltique de Lorient-Capercaillie llan-de-cubelLa soirée d’anniversaire du groupe folk écossais Capercaillie se promettait d’être excellente, ce qu’elle fut effectivement avec une mise en bouche qui pouvait tout aussi bien tenir lieu de plat de résistance, s’il était besoin : le concert viril du groupe folk asturien, Llan de Cubel.
La musique de Llan de Cubel a conquis les cœurs et les élans. La présence musicale et créative de ces six musiciens convaincus ne tient pas au hasard : professionnalisme, aisance naturelle à force de travail face à l’instrument, énergie, enthousiasme et vitalité, des qualités qui se sont aiguisées chez ces garçons au fil des années – trente ans bientôt aussi -, en conservant un désir de jouer rageur, une jeunesse innée qui se donne sans compter. Llan de Cubel marque son époque en transmettant-paradoxalement-à de nombreuses formations irlandaises et écossaises l’engouement pour la musique asturienne moins connue.
Saluons les armes de ces instrumentistes : la flûte traversière subtile, le violon vibrant et volatil, le bouzouki poétique, la gaita à la fois nonchalante et intense, tous à l’écoute de nouvelles tendances sonores. Le public enthousiaste a rappelé ces artistes habités qui ne pouvaient s’enfuir aussi brutalement d’une scène où ils avaient répandu le feu.

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©Lieve Boussauw

Quant à Capercaillie, groupe de musique folk écossais et nom gaélique d’un oiseau rare et précieux (coq de bruyère), sa prestation scénique qui fêtait ses trente ans n’a pas déçu les attentes. La souriante Karen Matheson à la voix ravissante-vocalises aériennes qui rivalisent avec le chant des oiseaux-a fait entendre à travers ses chants gaéliques, tous les secrets humains de l’existence, de l’amour évanescent au pas rude des travailleurs saisonniers.
À ses côtés, son comparse Donald Shaw, qui a créé Capercaillie en 1984, reste fidèle à l’accordéon et aux claviers. Jarlath Henderson s’amuse avec brio de ses flûtes, flûtes irlandaises, sifflets et uilléan pipes. Signey Signy Jakobsdottir fait résonner ses percussions et Charlie McKerron ne lâche pas son fiddle.
La folie musicale du groupe inspiré par le répertoire traditionnel celtique assure son rendez-vous sur le plateau de scène avec les sons électrisants, dans tous les sens du terme. La vitalité de Capercaillie se renouvelle sans cesse, un million d’albums vendus et des tournées à travers une trentaine de pays. Dès ses débuts, la Bretagne des musiciens a particulièrement été à l’écoute de cette initiative artistique : le groupe écossais a prouvé sans jamais faiblir la force et la puissance de la musique celtique traditionnelle sur les scènes internationales.
Les sept musiciens et la plus belle chanteuse gaélique d’aujourd’hui, enflamment le public à tout coup sur la scène folk actuelle.
En guise d’invités au concert d’anniversaire, le musicien celtique électrique Dan Ar Bras ; Jean-Michel Veillon à la flûte en bois, Jamie Mc Menemy au bouzouki et le Bagad de Lorient soi-même qui fêtait lui aussi ses trente ans !
Une influence musicale directe que le public prend de plein fouet, emporté et balayé par des rythmes, des sonorités, des jeux de répons instrumentaux absolument maîtrisés.
Un prochain album de Capercaillie, At The Heart Of it All, à ne pas louper.

Véronique Hotte


Le Festival Interceltique de Lorient (FIL)

Festival Interceltique de Lorient (FIL) du 2 au 10 août 2013

Pour la troisième fois au Festival Interceltique de Lorient (le FIL), les Asturies sont à l’honneur, ce sont « les hautes terres de la Celtie du Sud », de tradition musicale vivante – vocale et instrumentale – dont la célèbre gaita, la cornemuse du pays.
L’ouverture des festivités a fait entendre « Les Voix de la Terre » au Grand Théâtre de Lorient, le 3 août, grâce à trois groupes asturiens qui se sont mis à l’écoute du travail de collecte de chants et musiques traditionnels de générations de chercheurs.
Les esthétiques de ces groupes diffèrent en se frottant à la modernité.
D’abord, en solo, Mariluz Cristobal Caunedo, la grande dame de la chanson traditionnelle asturienne, chanteuse soliste a capella ou accompagnée à la gaita, dont le chant profond est aussi un cri existentiel échappé des temps les plus enfouis. La silhouette frêle de l’artiste pleine de conviction et d’évidence impose le respect.
Puis, le quintet « Aire » fait se conjuguer le jazz et la tradition, tout en jouant sur l’émotion et la complicité entre les interprètes. La souriante et ludique Mapi Quintana mène la danse auprès de Xuan Nel Exposito à l’accordéon diatonique et Jacobo de Miguel au piano.
Le Festival Interceltique de Lorient (FIL)  tuenda-ramscs-llesies-300x182Ensuite, Tuenda, un trio de musique traditionnelle de sensibilité folk dont les arrangements acoustiques sont proches des sources, avec Elias Garcia au bouzouki, le virtuose José Servando Menendez à la flûte et le chanteur Xosé Anton Fernandez.
Enfin, Herbarmora, la formation de femmes chanteuses décidées, accompagnées de tambourins ronds et carrés, qui allient tradition et modernité, soutenues par l’accordéoniste Marcos Garcia Alonso.
Le 4 août, au même Grand Théâtre, l’heure est à un photos-concert,  Pêcheurs d’Images , à partir des photos exceptionnelles de beauté naturelle de Philip Plisson, peintre de la Marine, avec  la musique puissante du Bagad Men Ha Tan de Quimperlé – sonneurs de binious et bombardes, accordéon, guitare et claviers- conduit par Pierrick Tanguy.
Le voyage est onirique et réel, sur les mers bretonnes et autres qui connaissent la même respiration, le même souffle abyssal propre au biniou, la même colère grandiose. Des vagues blanches élevées et tendues vers le ciel se fracassent sur les embarcations fragiles. Bleu du ciel et bleu de la mer se confondent quand volent les mouettes blanches.
L’aventure est propice au rêve alors que l’on fraie en même temps avec l’horreur de la marée noire et des oiseaux en perdition.
La musique  s’allie avec justesse à la majesté onirique de ces marines souveraines, et ce spectacle fort emporte tous les cœurs.
Au Grand Théâtre encore, le 5 août, rendez-vous est donné à  Gouanv Bepred (Toujours l’hiver) par Yann-Fanch Kemener et Aldo Ripoche avec, en première partie, Kerden En Awel (Cordes au vent) » du trio JOA.
Cette première partie est  vive et tonique, portée par la voix chaude et créative d’Armel An Hejer et ses chants bretons, la flûte traversière de Malo Carvou et l’accordéon diatonique de Ronan Bléjean. Avec, pour invités, Soig Sibéril et sa guitare, Jamie Mc Menemy et son bouzouki, et enfin Xavier Lugué et sa contrebasse.
On retiendra l’émouvante gravité de la chanson d’amour par Armel An Hejer.

y-f-kemener-et-cie-amzer-nevez-175x300Quant à la création de Yann-Fanch Kemener,  Toujours l’hiver , elle fait suite à Bientôt l’été  dans une suite consacrée aux quatre saisons. Inspirée de la musique populaire de langue et de traditions bretonnes et d’une musique savante d’expression baroque, cette création singulière associe le travail attachant de notre chanteur et collecteur Kemener, cheminant entre Centre Bretagne et Pays vannetais, en compagnie du violoncelliste Aldo Ripoche.

À leurs côtés, résonnent les présences intenses du joueur de viole de gambe Damien Cotty et du joueur de théorbe Hervé Merlin. Similitudes entre la tradition de la voix dans la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles et celle de la musique bretonne: le public attentif goûte à des saveurs  inouïes, vocales et linguistiques de Sant yann bubri, d’une gavotte, de Plainte pour les violes, de Job ar gallow… Un plaisir de goûteur de mets rares.

Entre tradition et modernité, le FIL ne rompt pas sous le soleil de Lorient mais sa trame se consolide sous la direction éclairée de Lisardo Lombardia, asturien d’origine.

Véronique Hotte


Debout !

Debout ! – Conception et interprétation de Raphaëlle Delaunay

 

Debout ! raphaelle-delaunay-debout_cie_traces3-laurent-philippe-1-300x200C’est avec beaucoup d’humour et une grande virtuosité que Raphaëlle Delaunay, jeans, tee shirt et tennis, se raconte. Et cette jeune femme a de l’audace et de la curiosité, car sa voie semblait toute tracée après une formation à la Royal Academy of Dance de Londres, puis à l’école de danse de l’Opéra de Paris, suivie de son intégration dans le corps de ballet à l’âge de quinze ans.
A dix-neuf, coup de tonnerre dans ce beau tracé, elle découvre le travail de Pina Bausch, lâche tout et part au Tanztheater de Wuppertal où elle reste trois ans. Puis elle continue sa route au Nederlands Dans Theater de Jiri Kylian, et croise celle d’Alain Platel, avant de concevoir, aujourd’hui, ses propres chorégraphies.
Avec ce spectacle, Raphaëlle Delaunay commence par un retour en arrière sur Pina et rapporte quelques histoires, plus savoureuses que nostalgiques, se glissant dans la peau du personnage, avec gouaille et tendresse :
On apprend ainsi que Pina imposait en coulisses la loi du silence avant la représentation, mise en condition et concentration faisant parti du rituel, augmentant la tension, du côté des danseurs.
Ou encore elle raconte : «J’étais sur scène dans une grande baignoire, faisant la vaisselle dans mon bain moussant et tout-à-coup, je reconnais dans la salle… Le Pen. Après un petit moment de suspension, j’en informe Pina, qui me répond calmement : mais ne t’inquiète pas, je suis plus forte que lui». La force de l’art, pourrait-on dire.
Autre séquence, qui livre quelques petits secrets…. « Au Tanztheater, lors des répétition ou des entrainements, on parle de mur-étagère et de gigot-salade. La première image signale les points d’appui et de déséquilibre qu’il est bon d’emprunter, la seconde, fait référence à ce qu’on pourrait nommer la féminité, autrement dit : le bas, les membres inférieurs et le haut, les membres supérieurs. Sans gigot, pas de salade». Les gestes subtils et suggestifs de Raphaëlle Delaunay à l’appui, se mimant dans une robe bien moulante, résument le tout.
Le second retour en arrière touche à la danse classique, à laquelle elle fait référence en quelques figures esquissées ; comme si elle repassait le film de ce qu’elle avait subi, suivi et entendu des milliers de fois dans son enfance. Là encore, l’anecdote qu’elle livre du tutu aux bretelle transparentes –alors qu’elle, est bronzée de peau- montre la distance prise, par l’humour. Ses impressions et confessions enregistrées forment la structure même du spectacle, dans une bande son de Pierre Boscheron.
Et, dans la construction de son identité artistique, Raphaëlle Delaunay résume : «Pour l’opéra, je suis plutôt révoltée et dépassant un peu des colonnes, pour les rappeurs je suis plutôt style opéra robe à petits pois».
Joli morceau de bravoure et moment de plaisir que ce spectacle, interprété avec grâce, intelligence et gaieté. Raphaëlle Delaunay est une magnifique danseuse qui traverse tous les styles de danse et s’en nourrit. Il se dégage de sa gestuelle, une grande précision et un sentiment de liberté. A ne pas manquer.

 

Brigitte Rémer

Vu le 1er août, au Square des Amandiers, 75020. Prochaine représentation, le 7 août, à 17h et 19h30, à Bercy Village, Parvis du cinéma UGC, 75012. Festival Paris quartier d’été. www.quartierdete.com

La Divina Fatalidad de las cosas

La Divina Fatalidad de las cosas, de José Flórez.

La Divina Fatalidad de las cosas portrait-jose-florez-jessika-montoyaQuand il se met en marche, lentement, et rentrant en lui-même pour entrer dans le sujet, José Flórez est magnétique. Son regard se pose au-delà, concentré, réfléchi, et ce qu’il a à dire vient de très loin.
La Colombie est son pays, Médellin sa ville, la danse le détourne du climat de violence et de la délinquance : «Chaque fois que je me lance dans une chorégraphie, je me lance dans une bataille, une guerre et un combat avec l’amour, la vie et la mort… où je veux pousser tout mon être à ses limites physiques, intellectuelles et émotionnelles. Pour moi c’est ça. Je suis ça. Je suis d’où je viens et je suis pour le monde».
Avec Beatriz Vélez, José Flórez interprète cette pièce, créée tout spécialement pour Paris Quartier d’été, dans laquelle il joue son propre rôle. « Cuidado… cuidado en el barrio, por la calle, cuidado…. Fais attention, surtout fais attention, dans le quartier, dans la rue…. » Quand la danseuse trace au sol les contours de son cadavre, on comprend qu’on vient d’assister à une mise à mort.
José Flórez relate, par les gestes, avec retenue et pudeur, l’agression dont il a été victime et qui l’avait laissé quasiment sans vie. L’enregistrement de battements de cœur désignent les soins intensifs reçus à l’hôpital, et les cicatrices se lisent sur son corps. «Quieres decir algo ? Tu veux dire quelque chose ?» lui demande son tortionnaire, et sa réponse ne peut tenir que dans un souffle.
Puis les rôles s’inversent et la danseuse subit à son tour une agression, son corps marqué à la craie. Un sentiment de solitude domine le spectacle à travers ces deux personnages-danseurs pris au piège d’une histoire, inachevée. «Je crois que je danse en remerciant la mort de m’avoir fait comprendre la vie et je remercie à chaque pas, chaque mouvement, la chance que j’ai d’être vivant».
Le message est ici plus fort que l’art et se suffit à lui même, mais un regard extérieur pourrait permettre, artistiquement, d’aller plus loin encore.

Brigitte Rémer

Vu le 1er août, au Square des Amandiers, 75020. Les 2 août, à 17h et 19h30, à Bercy Village et 3 août à 19h30, à la Bibliothèque historique de la ville de Paris. Festival Paris quartier d’été. www.quartierdete.com

Agoraphobia

Agoraphobia, de Rob de Graaf, mise en scène de Lotte Van den Berg. 

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©Willem Weemhoff

Mode d’emploi : le rendez-vous est fixé à 19h, place de la République. Il faut y venir avec son mobile. Un numéro de téléphone et un code sont affichés là-bas. On fait donc le 01 70 70 95 07, entendez une voix en anglais, puis le 77889900 sans oublier le dièse, quand l’heure sonne au clocher.
L’endroit est animé et plus encore, bruyant, non par les familles qui y stationnent et s’y rafraîchissent paisiblement, mais à cause d’une manif qui s’y déroule au même moment, en écho à celle de la place Taksim d’Istanbul.
Par ordre dispersé, on aperçoit des petits groupes de personnes, mobile collé à l’oreille, essayant de comprendre où se passent les choses. C’est assez flou; on entend difficilement, mais on remarque au loin, l’itinéraire d’un personnage qui commence à se préciser, un black, en manteau  et valise à la main. Un SDF pas comme les autres, ou un fou du village,  ou encore un philosophe du dimanche.

Les dispersés ont vu l’homme (en réalité, le comédien Sœuf ElBadawi), se rassemblent tranquillement autour de lui et, comme en cortège, entrent dans son itinérance, en écoutant le discontinu du soliloque, à travers les décibels de la manif.
«Je crois que c’est bien cet endroit… Je regarde autour de moi… Je sens, je vois, je perçois». C’est autour du mot «différence» que se décline ce sermon sur la montagne, qui, téléphones rangés, se poursuit en direct, au gré des stations. «Pourquoi suis-je différent des autres ? J’ai voulu foncer droit devant, je voulais m’affirmer… Je voyais la distance entre moi et les autres se creuser de plus en plus, tout était distance…» ou encore : «Dans ma tête, parfois, tout se mélange, tout s’arrangera si j’arrive à supprimer cette différence».
Le spectacle est né d’une prise de position politique, comme  en réponse à la dégradation du tissu social et sociétal, dit en substance Lotte Van den Berg, conceptrice du spectacle, dans une interview de Liesbeth Groot van den Berg,  transcrite dans le grand cahier qui nous est remis à la fin du parcours, en même temps qu’un verre d’eau  pétillante.  Elle cite aussi, pour source d’inspiration, Nostalghia, un film de Tarkovski, : «Homme, écoute-moi ! En toi, il y a de l’eau, du feu et aussi de la cendre…», le personnage, errant de la Place de la République, fou ou sage, serait-il comme Domenico, l’ermite du film ?
Face à cette performance ou à ce geste d’agitprop qui parle d’autodestruction, d’utopie et de rêve d’un monde «qui reste entier», revient la question, récurrente, qui se pose au théâtre, de la frontière entre spectacle engagé ou militant, avec la démarche artistique, autrement dit, du rôle de l’art, dans nos sociétés.

 Brigitte Rémer

Vu le 2 août, Place de la République. Prochaines représentations, le 3 août, à 18h à la Fontaine des Innocents/Les Halles, le 4 août à 17h, sur Les Berges. Festival Paris quartier d’été. www.quartierdete.com

 

La belle rouge Festival de Jolie Môme

La Belle rouge,  Festival  Jolie Môme à Saint-Amant-Roche Savine.

Depuis quelque trente ans, Jolie Môme  enflamme les manifestations de ses chants révolutionnaires en brandissant des drapeaux rouges, avec  des spectacles surprenants.  Ecriture collective de Michel et Pascale, les deux âmes fondatrices, (chez Jolie Môme on n’indique que les prénoms).
Jolie Môme dispose toute l’année, à la Plaine Saint-Denis du lieu : La Belle Étoile,  où l’on a pu découvrir ses comédies musicales révolutionnaires comme Barricades ou Paroles de Mutins, pleines d’une belle ferveur pour changer le monde.
La compagnie, depuis 2006, organise aussi un chaleureux festival à Saint-Amant Roche Savine, cette année du 26 au 29 juillet. C’est un village de 530 habitants, à quelques encablures d’Ambert. Autour des treize membres de l’équipe qui présente cette année deux spectacles, une soixantaine de « brigadistes » se multiplient pour monter, réparer, démonter les quatre  chapiteaux, accueillir les spectateurs fervents (qui ont tous acheté leur forfait de 60 à 90 € pour les spectacles), les nourrir dans la cour du collège qui  sert des mets délicieux.
Au fronton de la cour, des phrases mobilisatrices : « Et si l’on empêchait les riches de mourir moins vite que les pauvres ?- Et si la peur changeait de camp ? »
Jusqu’en 2006,  La Belle Rouge était réservée à Jolie Môme, mais la compagnie a ouvert ses portes à des ateliers dirigés par  Aline Paillet, Frédéric Lordon… et  à la projection de documentaires et des courts métrages comme  La Saga des Conti et PSA Aulnay,à des stands de ventes de livres et de publications militantes,  ainsi qu’à des spectacles d’autres compagnies.
Accueil étonnant dans ces joli village escarpé d’une propreté absolue,  où l’on peut découvrir des spectacles et des débats toniques. Les spectateurs ont  peu ou pas de moins de 40 ans, mais il y a aussi  quelques nouveaux nés et des adolescents avec leurs parents, et  tous les spectacles,  comme les les débats,  sont pleins.

Atelier de chansons de la Belle-Étoile,  26 juillet

Une équipe de 25 musiciens, chanteurs, danseurs amateurs formée par l’équipe de Jolie Môme à la Plaine Saint Denis ouvre les réjouissances , place du Collège, près de la fontaine au centre de ce village toujours vivant, grâce aux efforts du maire communiste François Chassaigne, successeur de son père André, député.
Le village fait partie d’une petite communauté de communes; il y subsiste une école primaire et un collège de 50 élèves, une bibliothèque, des commerces et une gendarmerie, maintenus grâce à la détermination des élus.
« Debout, debout, le temps de la colère est arrivé (…) On te fiche et on te pile, on surveille tes soupirs, Et ils veulent que ce soit pire »… Jolie Môme a su imprimer un style tonique, parfois bouleversant à ces chants militants qui font monter les larmes aux yeux, avec leurs tableaux révolutionnaires, leur gestuelle héroïque, brandissant le drapeau rouge, sur des textes naïfs qui ne manquent pourtant pas d’humour dans l’interprétation.
On entonne même avec eux « El pueblo, unido, jamais sera vencido ! »  ça fait du bien la nostalgie !

Faust ou l’homme ordinaire.

Cette adaptation très libre de Faust a été réalisée par la compagnie qui l’avait créée à la Belle Étoile,  au début de la saison et qui a ensuite été jouée dans de petites villes amies. Ce Faust se déroule pendant la guerre des paysans au sein du Saint-Empire romain germanique entre 1525 et 1528.
La pauvreté ravage le pays, et  Faust est déchiré entre les honneurs dont il peut continuer à profiter,  et son amour pour Marguerite, la sœur de son valet qui l’attire dans le combat contre les riches. Mais suivra-t-il ce Thomas Münzer qui dénonce les scandaleuses richesses accumulées grâce à l’exploitation des paysans ?
Faust finit par renoncer à son éternelle jeunesse qui le maintenait du côté des riches, et décide de mener le combat pour la justice sociale. Interprété par onze comédiens, musiciens et chanteurs, juchés sur des caisses, en costumes où brille une étoile rouge. On brandit le drapeau de la révolution, et Faust  s’interroge sur la compromission et la corruption; c’ est un spectacle aussi insolite que  nécessaire.

Des patates et des roses.

C’est le premier spectacle jeune public de la compagnie, et certaines actrices, depuis,  sont devenues mamans. Jolie Môme s’amuse à raconter une histoire aux enfants. Au pied d’une pente surmontant la Place de la poste, de grandes voiles sont tendues, elles menacent de s’effondrer par un vent de 50 km/h.
Nous sommes à Luminapolis, notre planète a été rachetée par une multinationale, c’est « la grande cité du bonheur ». Mais les hommes-machines qui croient être heureux sont embarqués dans un voyage sur l’océan par un capitaine odieux qui finira par passer par dessus-bord. Les survivants prendront leur destin en main, une fois que Sophie, la machine à tout faire aura été libérée. « En unissant vos énergies, vous pouvez changer le monde ! ». Ce spectacle naïf, plein de bons sentiments  souffre encore de longueurs, mais  emballe le public réuni sur la pente herbue.

La belle rouge Festival de Jolie Môme yann_mambert_-_faust_a_jolie_mome_-_12-11_74__01_site-13d69La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, par la compagnie du Grand Soir de Clichy sous Bois (93).

Comme Faust, Galilée est un homme qui cherche, qui découvre une vérité mettant en question l’infaillibilité de l’Église, c’est la terre qui tourne autour du soleil et non l’inverse !
Des années auparavant, Giordano Bruno qui avait révélé cette découverte, avait été immolé par le feu. Galilée qui « déteste les gens dont le cerveau n’est pas capable de remplir l’estomac » part pour la cour de Florence, avec sa lunette. Il voudrait révéler les fruits de ses recherches, mais, le 22 juin 1633, il doit s’incliner devant la doctrine de l’Église qui affirme : « Nous ne pouvons pas savoir, mais nous sommes libres de chercher ! ».
Le spectacle est interprété avec humour et finesse par cinq comédiens aux maquillages expressionnistes, autour d’un Galilée acharné mais prêt à tout pour sauver sa peau, avec une simple malle castelet d’où surgissent et s’enfouissent acteurs et accessoires, accompagnés par un musicien-bruiteur.
Comme dit Galilée : »c’est au cours d’un bon repas qu’on a le plus d’idées ». En même temps que sa vie, il réussit à transmettre à son valet Andrea, ses Discorsi, fruit de ses recherches. C’est la 177e représentation depuis le début de la saison, du spectacle qui a été présenté au Lucernaire.

Paroles de mutins.

Ce spectacle, vu à la Belle Étoile, il y a trois ans,  a conservé son humour, sa violence et sa générosité. Treize acteurs, chanteurs, danseurs déchaînés nous font traverser les crises, les injustices, les mensonges de notre monde en déroute : « C’est la complainte des grenouilles que l’on plonge dans la flotte, ils resteront toujours gentils, c’est la gauche, T’inquiète ça va bientôt péter ! (…) Ne te trompe pas de colère et méfie-toi des milliardaires !… »
Avec une écriture parfois schématique, proche d’une bande dessinée, mais toujours tonique et partageuse, Jolie Môme déchaîne l’enthousiasme de son public conquis d’avance, prêt à voir et revoir avec le même plaisir, ses spectacles.

Edith Rappoport

http://www.cie-joliemome.org


32 rue Vandenbranden

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32 rue Vandenbranden, de Peeping Tom, conception et mise en scène de Gabriela Carrizo et Franck Chartier.

Cela se passe quelque part, dans des refuges de haute montagne enfouis sous la neige, peut-être dans l’Everest, ou au Mont Analogue. Mais, au 32 de la rue Vandenbranden, les personnages ne sont pas symboliques comme chez René Daumal , et la communication ne se fait pas avec l’au-delà.
A cette adresse, on trouve trois faux chalets et six personnes qui vont se rencontrer ou s’éviter, se consommer ou se rejeter, se chercher, selon des univers et alphabets différents. On entre dans leurs fantasmes plutôt que dans leurs vies, observateurs-pour ne pas dire voyeurs-quand s’allument les lumières, à l’intérieur des maisons.
Toute la dramaturgie repose sur ce dehors et ce dedans, et cherche à nous surprendre : un homme et une femme forment le premier couple, assez classique, avant que ne se dérèglent les rapports sociaux ; deux hommes, sorte de Lucky et Pozzo à la Beckett, arrivent d’on ne sait où et vont on ne sait où, momentanément dans l’un des chalets, et leur apparition est singulière ; deux femmes étranges, sorte d’oiseaux de malheur, chacune à leur tour, vont jeter des sorts, la première est enceinte et étouffera l’enfant, la seconde, sorte de figure totémique, se glisse, en chantant, d’un chalet à l’autre.
De l’imaginaire des danseurs, naissent des situations,  sans doute issues d’improvisations, mais cela suffit-il à nourrir un propos ? Le travail du  corps  est parfaitement maîtrisé: travail de danse classique ou de gymnaste, de kung fu ou de butô, qui remplit, au cours des différentes séquences, le livre d’images. Danse et création de : Seoljin Kim, Hun-Mok Jung, Marie Gyselbrecht, Jos Baker, Sabine Molenaar/Carolina Vieira, Eurudike De Beul/Madiha Figuigui).
Peeping Tom est une fabrique d’images, éventuellement de belles images, mais qui tourne à vide, et l’heure et demi de spectacle paraît une éternité. Je te prends, je te balance, je te discontinue, je tombe, je pirouette, je m’agite, me secoue, t’oublie, te jette: chacun, dans son vocabulaire, montre ce qu’il sait faire.
La scénographie, cyclo pour hauts sommets, la glisse au petit air de sable et les chalets: le contexte y est, l’infrastructure aussi, mais, à trop d’originalité recherchée, ne reste qu’un absurde dont les limites sont extensibles à l’infini.
On est sur les traces d’Alain Platel et Jan Lauwers, mais se perd ici, le fil de toute dramaturgie, qui, de contrepoints en impromptus, défile comme une bande dessinée dont on aurait arraché quelques pages.

Brigitte Rémer

Monfort Théâtre, jusqu’au 7 août, à 20h30, 106 Rue Brancion, 75015, métro : Pte de Vanves. T : 01-56-08-33-88 – Festival Paris quartier d’été. www.quartierdete.com

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