Chez les Ufs, Grumberg en scènes

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Chez les Ufs, Grumberg en scènes, sous le regard de Stéphanie Tesson.

 

Jean-Claude Grumberg, fils et petit-fils de tailleurs déportés et disparus, tailleur lui-même de quatorze à dix-huit ans, apprend finalement pour son bonheur le métier d’acteur, puis devient auteur. Entre autres succès, il écrit Dreyfus en 1974,  qui a pour thème les répétitions d’une  pièce sur l »affaire Dreyfus par une troupe d’amateurs juifs polonais vers 1930. En 79, Grumber crée L’Atelier, avec un véritable succès; la pièce  qui met en scène en dix séquences  de 45 à 52, sur  la vie d’un atelier de confection à Paris, où Simone, attend son mari qui a été déporté. L’expérience de l’hôpital est évoquée dans Maman revient, pauvre orphelin (1994).
Chez les Ufs Grumberg en scènes, joué aujourd’hui  par Jean-Claude Grumberg, sa fille Olga et par Serge Kribus, jette sur le plateau des bribes joyeusement éloquentes d’une œuvre sombre à l’origine, fidèle à l’Histoire et tournée inlassablement vers le passé.À travers son expérience et celle de ses proches, l’auteur tente de comprendre avec les armes de l’humour et du rire, la terrible tragédie du siècle passé. Sans les larmes de l’amertume.
Durant cinquante ans, Grumberg alterne l’écriture de pièces courtes et celle de pièces longues : « Ce théâtre saisit le réel, dit-il,  avec une habileté rageuse comme pour protester contre l’aveuglement.» Un tel rire fait mal car il procède d’une émotion forte, née de la capacité de recul et de distance face aux événements inoubliables du XX é siècle. Une attitude artistique « positive » qui n’a d’autre  raison que de combattre l’antisémitisme, le racisme, et la différence pour mieux les balayer, une fois pour toutes.
Michu
(1967) par exemple, est une petite fable de théâtre loufoque  où le héros naïf va de surprise en surprise, découvrant grâce à son collègue Michu, au rôle de révélateur impitoyable et dévastateur, qu’il est non seulement pédéraste et communiste, mais encore juif ! Comment s’en sortir ?
Jean-Claude et  Olga Grumberg, et  Serge Kribus, jouent avec facétie encore des extraits des Rouquins (1984) de Ça va (2008), du Petit Chaperon Uf (2005) et de Pleurnichard, un chapitre de merde (2010). Cinquante ans d’écriture qui méritent un retour amusé sur soi sans nulle complaisance. Il s’agit plutôt de faire simplement l’aveu du plaisir d’écrire. La fille joue sa propre grand-mère et le héros n’est qu’un enfant Pleurnichard dont les gémissements sont gentiment moqués. Chez les Ufs (à entendre comme Chez les Juifs) se révèle un moment enjoué de spectacle  vivifiant, au fonctionnement humble avec,  pour seuls accessoires, une table, une lampe et une chaise d’écrivain d’un côté, et de l’autre, un portant  avec des costumes-blouse d’anesthésiste, foulard de vieille femme, etc…-qu’ Olga Grumberg et Serge Kribus  revêtent successivement. La vie des jours passés et de notre présent surgit à chaque réplique, vive et rebelle à tous les enfermements.
Une heure vingt de théâtre enjoué, où les acteurs sont  heureux d’être là ensemble, et  avec le public.

 

Véronique Hotte

 

Théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au 17 novembre,  du mardi au samedi 19H, et le dimanche à 15 heures.


Archive pour 23 septembre, 2013

Festival de théâtre français, Seuls en scène

 Seuls en scène Festival de théâtre français à Princeton.

Festival de théâtre français, Seuls en scène fotolia_21626766_m1Au moment où les budgets connaissent un régime amaigrissant,  et donc celui de l’Institut Français créé en 2011 (ex-Cultures France) qui dépend du Ministère des affaires étrangères et qui a pour mission de promouvoir la culture française dans le monde, faut souligner l’existence de ce festival  très actif  à Princeton ( New Jersey).
Florent Masse, ancien élève de Daniel Mesguisch à l’Ecole du théâtre national de Lille a fondé L’Avant-Scène, un  Atelier théâtre à l’Université de Princeton. Il existe depuis plus de dix  ans, et dresse un pont entre la France et les Etats-Unis, mais aussi entre la pratique théâtrale universitaire et le monde des professionnels de théâtre français.
Des comédiens,  comme Guillaume Gallienne ou Pierre Nimey,  y ont donné des masters-class et des étudiants américains ont été accueillis au Conservatoire national supérieur d’art dramatique à Paris dont certains élèves ont découvert le théâtre new yorkais tout en suivant des cours d’anglais à l’Université de Princeton.
Quant au festival dont c’est la deuxième édition, il est  soutenu par le service culture de l’Ambassade de France, par l’Institut Français,  l’université de Princeton et une fondation artistique, The Lewis Center for the Arts. Le programme sur neuf jours est riche et éclectique, puisqu’il rassemble des pièces  de Marivaux mises en scène par  Clément Hervieu-Léger, de Valère Novarina qui ont été  dirigées par Céline Shaeffer, et de Marguerite Duras qui ont été adaptées par Clément Bondu et Pierre Giafferi. Guillaume Vincent y a présenté un de ses  textes, Rendez-vous gare de l’Est.
Au moment où beaucoup d’Alliances Françaises perdent,
du fait des restrictions budgétaires, leur  pôle d’action culturel et doivent se limiter  à l’enseignement de la langue française, de telles initiatives sont à souligner. Ce festival a aussi  le mérite de défendre le   français dans le monde anglo-saxon.
Comme l’écrivait en français Charles Dickens:  » La difficulté d’écrire l’anglais m’est extrêmement ennuyeuse. Ah!  mon Dieu ! si l’on pouvait toujours écrire cette belle langue de France !».

Jean Couturier

Festival de Princeton University du 21 au 29 septembre.
www.princeton.edu/arts

Il( Deux) de Mansel Robinson

II (Deux)  de Mansel Robinson, traduction de Jean-Marc Dalpé, mise en scène de Geneviève Pineault.

 Zones théâtrales, une  biennale qui regroupe des artistes des scènes  francophones du Canada, a présenté neuf spectacles créés  en Ontario,  Québec, et Acadie (Nouveau Brunswick). qui mettent en scène des  univers à la fois réalistes, singuliers et poétiques, qui s’ouvrent sur des aventures intérieures des plus troublantes.
Deux textes ont retenu l’attention :  II (Deux)  de Mansel Robinson  (Toronto), traduit en français par le comédien et l’auteur dramatique  d’origine franco-ontarienne Jean-Marc Dalpé,  qu’il joue avec Elkahna Talbi. Et À tu et à moi de Sarah Migneron, avec onze comédiennes sur un plateau couvert  de douzaines d’oranges. Chaque  spectacle fondé sur  un choix esthétique différent présente une réflexion sur le processus de jeu et l’orientation de l’acteur dans l’espace.

II (Deux) met en scène  un homme et une femme qui réagissent dans deux espaces-temps différents. Enfermés  dans un lieu clos qui ressemble  à une prison et à une cage,  Mercier, le mari, subit un interrogatoire policier: il a assassiné sa femme Maha, qui  nous livre une confession dans un aéroport, peu avant de se faire assassiner par son mari.
Au début, l’astuce est efficace. Il s’agit de comprendre comment le mari a pu basculer dans la méfiance, la peur  et la violence devant cette femme qu’il a toujours aimée. Maha est étrangère et  musulmane. Elle parle de son amour, mais aussi de son malaise dans notre pays, des  insultes qu’elle y subit et de la  relation illicite qu’elle a avec un certain Ka .

Le personnage le plus intéressant est, bien sûr, le mari, noyé dans des discours haineux qui le bombardent de tous les côtés, et auxquels il ne  résiste pas.  Il se  transforme en être paranoïaque  est c’est assez horrible, même si Dalpé, crispé et déchiré par l’horreur du geste de son  personnage, n’arrive pas à exprimer toutes les nuances du texte. Il a l’habitude des interprétations musclées et réalistes mais ce style d’animal agité, était de trop et on n’a pas vraiment saisi la transformation de cet être en bête qui tue. En revanche, Mme Talbi est délicate, très préoccupée par sa trahison, et recèle une grande  fragilité qui attire notre sympathie.
Un beau texte qui est aussi très opportun, mis en scène par 
Geneviève Pineault et  co-produit par le Théâtre du Nouvel-Ontario (Sudbury) et le Théâtre de la Vieille 17 (Ottawa).

Alvina Ruprecht

 

Le spectacle a été présenté  à la Cour des Arts d’Ottawa, les 10 et 11 septembre.

 

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A tu et à moi de Sarah Migneron

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À tu et à moi de Sarah Migneron, mise en scène de Joël Beddows.

L’Atelier de l’Université d’Ottawa, s’inscrit dans une démarche à la fois artistique et savante, menée par le Centre de Recherche en civilisation canado-française.  Il s’agit pour ses animateurs de sortir des chemins battus du réalisme et de contribuer au renouvellement esthétique du théâtre franco-ontarien, tout en formant  une nouvelle génération de chercheurs et de praticiens s’intéressant à ce théâtre francophone hors  du Québec.
Le texte de Sarah Migneron tient  à la fois d’une partition pour voix, et d’un scénario de situations mises en espace par un chorégraphe (on parle de dramaturgie corporelle),  où se mêlent  les voix et les corps qui  font penser aux chorégraphies de la célèbre Martha Graham.
Le résultat qui résulte d’un travail collectif- est la création du  paysage intérieur d’une jeune personne, 
instable, fluide et changeante,  dont l’identité est impossible à cerner.  Incarnation d’une présence post-moderne qui se révèlent par bribes, à partir de ses  gestes, de ses pulsions, désirs, hallucinations, et frayeurs.
Les corps  bougent sans arrêt, les créatures s’enlacent, se tiennent, se relâchent et repartent. Elles sourient,  adoptent des rythmes rapides, et expriment leur joie, leurs désirs parfois érotiques, ou cruels, voire sadiques, en gribouillant des graffitis sur les murs, en déchiquetant des oranges et en écrasant la pulpe sur la tête.  Le jus coule sur leur  visage comme un filet de sang. Un moment d’anthropophagie malaisé qui évoque  la dévoration mutuelle possible par ces jeunes créatures en voie de perdre leur humanité.
D’étranges personnages qui, dans leur ensemble, captent  le paysage intérieur d’une jeune personne qui cherche une sœur? Une mère, son double?  La jeune voix qui raconte l’ histoire est frappée par une foule de formes vivantes masqués qui le dévisagent derrière la fenêtre du régisseur.  Dans un  arrière-plan purement théâtral qui inscrit l’identité dans la nature même de la performativité.
Un théâtre qui bannit toute psychologie et qui installe une présence figurative définie  par la réitération de ses mouvements à l’infini. La parole est ici superflue. Ne sommes-nous pas revenus aux origines de la danse moderne?

Alvina Ruprecht

Le spectacle  co-produit par l’Atelier et le Centre de Recherche en francophonie canadienne,a été  présenté au studio Léonard Beaulne, Université d’Ottawa.

Hannibal

Hannibal, de Christian Dietrich Grabbe, traduction de Bernard Pautrat, mise en scène de Bernard Sobel.

Hannibal hannibalPour  Christian Dietrich Grabbe (1801-1836), l’Histoire est perçue comme une vaste mascarade toujours recommencée. Napoléon ou les Cent-Jours (1831), montée déjà en 96 par Bernard Sobel, grand connaisseur du théâtre allemand, est l’œuvre maîtresse de ce dramaturge désenchanté d’outre-Rhin qui démolit la politique napoléonienne à partir de perspectives diverses,  et qui répond à  une vision de l’Histoire forcément sceptique pour ne pas dire nihiliste.
Hannibal (1835)  présente une fresque moins directement politique pour atteindre à une modernité devenue universelle. Le héros est pris dans l’étau de deux impérialismes économiques antithétiques, Rome et Carthage, à l’époque des guerres puniques entre le IIe et le Ier siècle avant J.C.
Selon Sobel, l’Histoire, lointaine ou proche, compose la matière poétique de l’œuvre méconnue de Grabbe, pourtant apte à mieux nous faire comprendre notre présent.
Sans illusions mais sans amertume, Hannibal, chef des armées carthaginoises, est lucide sur les calculs politiques et les stratégies de ses adversaires. Ainsi, en face, les Romains avec les frères Scipion ; et dans son propre camp, les alliés carthaginois qui, au lieu de le soutenir, le tiennent à l’écart, et ne lui fournissent pas les renforts nécessaires pour aider à une  victoire sur Rome.
Comment cacher une douleur longtemps éprouvée ? Telle est la question que se pose Hannibal, conscient dans sa solitude que l’homme égaré ne voit-hors de tout système-que « ses plus lointaines nébuleuses, et non ce qui est devant lui. »
Le héros qui aura tout fait pour triompher, se soustrait à la fin à ceux qu’il aura fait trembler, buvant une fiole préparée pour son suicide. Un héros libre infiniment. L’action d’Italie se déroule en Espagne,  et à Carthage  et Asie mineure, entre les sacrifices humains rendus à Moloch, la chute de Numance et l’incendie de Carthage.
À partir d’une Histoire aux événements approximatifs, la mise en scène invite à un voyage poétique dont l’esthétique est lumineuse. Le décor de Lucio Fanti participe de cette épopée géographique et guerrière. Un plateau de parquet de bois  à amples marches montantes vers un ciel de nuit étoilée, une carte topographique  au loin en ombres chinoises, où est esquissé le Sud de l’Europe, le pourtour méditerranéen, et l’Afrique du Nord. Les lieux et les temps de la bataille sont évoqués alternativement,  Carthage ou Rome avec  des tours de couleur et des toits,  comme en peignait Giotto, qui  descendent des cintres  donnant vie à un conte féérique.
La prose poétique de Grabbe évoque l’Afrique avec ses marchés: esclaves noirs, enfants, pucelles, filles de roi et veuves âgées. Des marchés où l’on vend en même temps, girafes, chameaux, autruches, lions et éléphants. Puis Rome advient encore avec le Sénat et ses tribuns aux parures éclatantes. L’armée napoléonienne est également rappelée avec ses atours militaires identifiables. Des rappels encore du Prince de Hombourg de Kleist, qui serait décalé et anachronique. Les acteurs, choisis avec rigueur, dont le baroque Pierre-Alain Chapuis, Claude Guyonnet, Jean-Claude Jay…participent à cette  fresque glorieuse, portant haut le verbe déclamé
Jacques Bonnaffé, lui,  rend vie à Hannibal, le héros moderne-notre contemporain-qui commente, en les méditant, les relations de pouvoir. Le discours clairvoyant du viril chef des armées se déplie sous le regard attentif et l’écoute intense du public : une pensée tour à tour confiante en l’humanité et se défiant d’elle.
Un texte d’envergure éclairé par la justesse de la mise en scène.

Véronique Hotte

  Les représentations se suivent et ne se ressemblent pas toutes, c’est un fait assez banal au théâtre … Nous étions à cet Hannibal deux jours avant celle à laquelle assistait notre amie Véronique et nous sommes loin d’avoir la même admiration pour ce spectacle. Et c’est un euphémisme! C’est vrai que nous avons raté le début à cause d’une erreur de lecture de l’horaire, mais le texte de Grabbe,  ne nous a pas paru vraiment très passionnant sur le plan théâtral,  même si le personnage d’Hannibal, bien joué par Jacques Bonnafé,  a quelque chose d’attachant. Et, dans une salle à moitié vide-ceci expliquait peut-être cela- le spectacle  se traînait, sans beaucoup de rythme. Et le reste de la  distribution est assez médiocre, si l’on excepte Pierre-Alain Chapuis, Claude Guyonnet et Jean-Claude Jay. Désolé,  le spectacle distillait ce soir-là, un ennui de premier ordre.
Certes le décor de Fanti est celui d’un bon peintre, et ces grandes maquettes de villes italiennes sont très belles mais quelle curieuse idée d’avoir imaginé ces grandes marches qui ne servent pas le jeu des acteurs  et dont l’un a failli tomber… Et on oubliera le n’importe quoi et la laideur des costumes.  Quant à la mise en scène de Sobel, elle nous a paru sèche et bien conventionnelle et on l’a connu plus inspiré comme  directeur d’acteurs…
  Le spectacle dure plus de deux heures ! Et c’est long, long! Il est vrai que, sur la fin, il  prend tout d’un coup de belles couleurs dramatiques  quand Hannibal s’empoisonne. Mais il il faut les mériter ces quelques minutes! Cet Hannibal semble avoir divisé la critique: une mienne consœur et un mien confrère m’ont avoué s’être profondément ennuyés mais une autre mienne consœur trouvait que, même si la distribution était loin du compte,  le spectacle dans son ensemble était intéressant. Mais…  aucune des trois n’avait la moindre intention d’y retourner!
Donc, à vous de juger mais, en tout cas,  nous ne vous y pousserons pas  à y aller.

Philippe du Vignal

Théâtre de Gennevilliers. Tél : 01 41 32 26 10,  jusqu’au 4 octobre,  les mardi et  jeudi à 19h30, les mercredi, vendredi et  samedi à 20h30, et le  dimanche  à 15h.

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