Amédée
Amédée, texte et mise en scène de Côme de Bellescize.
C’est l’histoire d’Amédée, la vingtaine, passionné de jeux vidéo; il a une petite amie, un grand ami et l’intention de devenir pompier. Donc, tout va bien pour lui et la vie lui est ouverte. Mais sur la route, sa moto croise un camion… Collision tragique: Amédée, jusqu’à la fin de sa vie, ne pourra plus jamais marcher, ni bouger, ni même parler; l’horreur absolue pour comme pour sa mère qui sera là en permanence à ses côtés.
Côme de Bellescize s’est inspiré de façon tout à fait libre de l’histoire de Vincent Humbert. Rappel des faits récents: un jeune pompier devenu aveugle, muet, tétraplégique mais lucide, qui ne communiquait plus que par son pouce droit à la suite d’un accident de la route en 2000 et à qui-sur sa demande-sa mère avait administré une forte dose de pentobarbital, ce qui l’avait plongé alors dans le coma. Le docteur Chaussoy lui avait ensuite injecté du chlorure de potassium entraînant aussitôt le décès de son patient.
Chirac, alors président, confia alors à Jean Léonetti, médecin et député du projet de loi concernant les droits des malades en fin de vie déposé en 2004. Mais Marie Humbert et le docteur Chaussoy furent mis en examen elle pour administration de produits toxiques et lui, pour empoisonnement.. ce qui provoqua un violente polémique en France. Mais une loi fut adoptée en 2005 sur le droit à laisser mourir et les deux accusés bénéficièrent d’un non-lieu l’année suivante.
Le thème est lourd puisqu’il s’agit d’un conflit entre, d’un côté, la liberté de tout individu à décider de son sort: ici, la prise de position clairement exprimée par ce jeune homme très handicapé dans sa chair mais tout à fait lucide, et de l’autre côté, la mort volontairement provoquée par autrui. Alors que tout le monde sait bien et l’a souvent vécu, que la frontière est parfois très mince entre un dosage de produits hautement toxiques et un autre…capable de faire rapidement le patient.
Reste à savoir comment on peut traiter ce thème au théâtre ans tomber dans le pathos, tout en maintenant l’attention du spectateur. » Tout au long de la pièce, nous dit Côme de Bellescize, Amédée cloué sur un lit ou dans un fauteuil roulant est confronté à Clov, un personnage imaginaire, tout à tour boxeur, flic, petit comptable, prostituée, journaliste ou ange: il incarne les différentes facettes de son esprit, différents temps de sa vie, différentes étapes de son parcours. » le metteur en scène fait alors se dédoubler le personnage qui donc exister à côté de lui désormais immobile et muet.
Côme de Bellescize dont la mise en scène est souvent habile, peine quand même à rendre fort un texte souvent bien bavard, et les scènes les plus réussies sont muettes: ainsi celle où la fiancée d’Amédée vient se coucher sur lui et le caresser. La direction d’acteurs est à la fois juste et précise, et c’est plutôt bien joué, en particulier par Eléonore Joncquez, qui passe avec la plus grande facilité du rôle de Julie la fiancée d’Amédée, à la journaliste de télé ou à l’infirmière; on l’avait déjà vue dans Protée monté par Philippe Adrien mais elle est ici tout à fait remarquable.
Sigolène de Chassy a réussi à créer une scénographie capable de resituer l’action dans de nombreux espaces différents: l’hôpital, l’extérieur, etc… Mais le texte-à l’impossible, nul n’est tenu-devant un thème pareil-n’est pas toujours en adéquation avec la mise en scène qui essaye comme elle peut de se dépêtrer d’une situation dramatique qui est sans doute un faux bon projet théâtral.
« Le spectacle dit Ariane Mnouchkine, est du théâtre, du beau, du vrai théâtre ». C’est vrai que cet Amédée fait parfois penser aux plus récents spectacles de la grande Ariane, y compris dans la façon de prendre son temps pour dire une fiction dramatique mais le texte ne nous a jamais vraiment touché et patine singulièrement surtout sur la fin.
Alors à voir? Oui, surtout pour découvrir un jeune metteur en scène qui crée aussi des opéras…
Philippe du Vignal
Théâtre 13/ Seine 3à rue du Chevaleret 75013 Paris jusqu’au 13 octobre.
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