Duraznos color durazno -Des pêches couleur pêche et Don Chico
Duraznos color durazno (des pêches couleur pêche) et Don Chico con alas (Don Chico a des ailes) par le Théâtre de papier du Facto Teatro (Mexique).
Créé en 2007 au Mexique, le Facto Teatro est une compagnie d’avant-garde qui utilise pour matériau et technique le papier, s’adresse à tous les publics, et se produit partout dans le monde. Ont été présentés à Paris, après le festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières, Duraznos color duraznos, qui venait juste d’être créé en Allemagne, et Don Chico con alas, créé à Charleville-Mézières dans le cadre des rencontres internationales des Théâtres de papier.
Dans Duraznos color duraznos, deux acteurs/manipulateurs (Barbara Steinmitz et Alejandro Benítez) racontent l’histoire d’un jeune garçon, Pedro, à la recherche d’extraordinaires pêches qu’il croit bleues. Il met à contribution sa grand-mère pour l’aider à les trouver. Pour détourner son attention, elle invente toutes sortes de contes. Une échelle sert de support-table pour le glissement latéral des figurines colorées, et l’insertion d’autres techniques, notamment des ombres.
On voit ainsi un lion dans sa cage puis dans son numéro sous chapiteau sautant dans les cerceaux, flanqué de son dompteur; un serpent géant qui avale tout rond le garçon que l’on voit voyager dans l’estomac du reptile avant d’en ressortir par un grand escalier, des voyageurs secoués dans les compartiments d’un métro, Pedro et sa grand-mère faisant le marché, puis regagnant la cuisine, la classe, le cosmos où se mesure la distance de la terre à la lune, autant de rêves qui trottent dans la tête du garçon, jusqu’à ce qu’il monte à l’arbre vérifier que les pêches qu’il croyait bleues, véritables fruits défendus, ne sont que couleur pêche.
Le texte et une musique sur scène accompagnent les tableaux. Barbara Stienmitz joue d’une sorte de violon bricolé, au drôle de pavillon, et de la scie musicale, entre deux manipulations. C’est frais, c’est gai et inventif.
Don Chico con alas, présenté ensuite en seconde partie, nous mène dans les hautes montagnes mexicaines. Un homme jeune, Don Chico, trouve les chemins bien abrupts pour aller de village en village et décide de se donner les moyens de voler. Pour vaincre la gravité, il invente une savante technique, prenant pour modèle poule, abeille et papillon, sous le regard des villageois qui l’encouragent.
Quand sa machine est prête et ses ailes arrimées, tous pensent que son ascension lui fera traverser le paradis, et le chargent de messages et d’offrandes à transmettres aux chers disparus. Mais, après le décollage, alourdi par ces talismans, Don Chico, tel un pigeon voyageur, s’écrase, et le village le porte en terre.
Ce conte initiatique, charmant et terrible, qui met en scène les éléments d’une nature inhospitalière, l’isolement des villages et la solitude des habitants, est magnifiquement éclairé et interprété par trois comédiens manipulateurs (Alejandro Benitez, Antonio Cerezo et Mauricio Martinez, dans une mise en scène de ce dernier). Le récit est ponctué d’une partition sonore qui s’écrit sur scène au fil de l’action, allant du vent au bruit de l’eau, avec mirliton, tambourin, cymbalettes et calebasses. Les figurines, le village et son église avec le clocher d’où s’élance Don Chico, la partie ombre et lumière, défilement d’un calque qui offre le panoramique colorié d’une nature isolée: tout est subtil et poétique.
Le charme des figurines de ce théâtre de papier, l’imaginaire mis en marche par le texte, le graphisme, l’environnement lumières et son, plongent le spectateur hors du temps, et la manipulation à vue, par son aspect artisan, ouvre sur un univers des plus oniriques.
Brigitte Rémer
Institut Culturel du Mexique à Paris en version originale, le 27 septembre, après Charleville-Mézières.
Photo : Reiner Sennewald