Nana d’après Emile Zola
Nana d’après Emile Zola, adaptation, mise en scène de Céline Cohen et Régis Goudot.
Nana est la fille de Gervaise et de Coupeau (voir L’Assommoir du même Zola), et pour élever son fils Louiset qu’elle a eu à seize ans, elle fait des passes. Même si elle habite un appartement où l’un de ses amants l’a installée. Puis, elle réussira à jouer Vénus dans un théâtre parisien où elle affole tous les hommes. Comme Muffat, haut dignitaire de l’Empire, ou Steiner. D’autres se suicideront, comme Georges Hugon ou Vandeuvres devenu escroc à cause d’elle.
Elle vit un moment avec le comédien Fontan, un homme violent qui la bat. Satin, une très jeune prostituée avec qui elle a une liaison, s’installe chez elle, dans l’hôtel particulier que Muffat lui a offert. Sans argent, Nana a accepté d’être sa maîtresse de Muffat qui lui obéit, acceptant d’être humilié, et se soumettant à ses moindres caprices: bijoux, vêtements et résidences de luxe, etc…Il acceptera même, résigné, la présence de tous ses amants.
Elle est adulée du Tout-Paris et lors d’un Grand prix remporté par un cheval qui porte son nom, tout le monde crie « Nana », dans la frénésie. Puis, après avoir peu à peu été rejetée par ses amants, elle quittera Paris puis y reviendra pour y mourir seule et abandonnée. C’est l’année où la France déclare la guerre à la Prusse.
C’est un peu de la vie sulfureuse et compliquée de Nana, cette prostituée parisienne que Céline Cohen et Régis Goudot du groupe Ex Abrupto toulousain ont entrepris de porter à la scène à la fois par le récit et par le jeu. Ce qui ne manque pas de panache, l’entreprise est en effet périlleuse. On sait combien il est difficile de passer de l’écriture romanesque à l’expression dramatique. Et on ne gagne pas au jeu à tous les coups, puisqu’on est vite accusé de simplification et de réduction, voire de détournement du sens…
Il y faut en effet un redécoupage des scènes, un montage des plus subtils et équilibré entre les descriptions- par essence a-théâtrales-et les monologues ou dialogues qu’il faut jouer. Les choses se compliquent encore quand deux comédiens seulement doivent donner vie à la galerie de personnages imaginés par Zola, et à une société, où le sexe, l’argent, le pouvoir politique et les médias sont inextricablement liés. Rien à voir donc avec notre époque!
Le metteur en scène est alors souvent suspecté au mieux de trahison, voire d’incompétence. Le travail de Céline Cohen et Régis Oudot, sans doute inégal, ne manque pas, lui, d’intelligence dans la distance qu’ils savent tout de suite mettre avec le roman de Zola, et d’adresse et de subtilité dans l’interprétation. Rien sur scène qu’un canapé rouge un peu miteux comme on en voyait souvent autrefois dans les hôtels dotés d’une seule étoile et où les deux comédiens sont souvent assis , ce qui impose un jeu quelque peu statique.
Mais Céline Cohen et Régis Oudot, en un peu plus d’une heure et constamment en scène, font preuve d’une vraie présence. La diction n’est pas toujours au rendez-vous, il faudrait revoir d’urgence le costume vraiment très laid de Nana, et surtout, ils n’arrivent pas toujours à garder l’équilibre entre les scènes parlées et le récit. Mais ils possèdent l’énergie et le métier suffisants pour que, malgré tout, leur spectacle fonctionne…
Il aurait sans doute fallu plus d’audace dans cette mise en scène et cette dramaturgie un peu cahotantes où on sent la marque de tonton Brecht. Cela a souvent un côté un peu sec et démonstratif. Pourquoi ne pas s’être orienté plus franchement vers le cabaret-il y a bien déjà quelques chansons et un petit air d’accordéon mais c’est tout-pour nous raconter la pitoyable histoire de Nana?
Le spectacle, qui a déjà été joué à Toulouse n’est pas du genre incontournable mais, bien rodé, il se laisse voir, aux meilleurs moments, avec un certain plaisir. A vous de décider…
Philippe du Vignal
Théâtre du Lucernaire 53 rue Notre-Dame des Champs du mardi au samedi à 21h 30.Le dimanche à 17 h.