Le papier peint jaune

(Die Gelbe Tapete) Le Papier peint jaune d’après Charlotte Perkins Gilman, version anglaise de Lyndsey Truner, traduction en allemand  de Gerhild Steinbuch, mise en scène de Katie Mitchell (spectacle en allemand surtitré).

Le papier peint jaune papierpeint-jaune

Charlotte Perkins Gilman (1860-1935), sociologue et écrivain américain,  a écrit  des essais importants comme Women and Economics: A Study of the Economic Relation Between Men and Women as a Factor in Social Evolution. Mais aussi des  romans The Crux. Forerunner,  Moving the Mountain. Forerunner. et de très  nombreuses nouvelles, dont  The Yellow Wallpaper dans des journaux et dans sa revue The Forerunner.
Peu lue aux États-Unis et ailleurs pendant longtemps sauf mais par les féministes, l’œuvre de Perkins Gilman sera de nouveau très en vogue dans les années soixante. Et Le Papier jaune a été édité en français (1976) par les Editions des femmes.
C’est une nouvelle, dont le thème est une dépression post-natale décrite très précisément par l’auteur, qui est transposée sur un plateau mais avec un traitement tout à fait particulier puisqu’il s’agit d’un  tournage en direct, dont les images réalistes viennent s’inscrire sur un grand écran. Ce n’est pas un film mais  la vision filmée, et revendiquée comme  telle, d’une histoire écrite en 1890 et transposée de nos jours sur un plateau de théâtre/cinéma, celle d’un couple berlinois qui s’en va vivre à la campagne dans le Brandebourg.
L’intrigue a été quelque peu modernisée  mais on y  retrouve les personnages originaux: d’abord cette  femme-remarquablement jouée par Judith Engel) qui vient d’avoir un bébé, visiblement plongée dans un  mal-être permanent, sujette à des crises d’hallucination: elle croit voir apparaître une jeune fille au travers des lambeaux de papier peint qui habille sa nouvelle chambre. On sent bien qu’il ne s’agit pas d’une banale dépression mais qu’elle est atteinte d’une sorte de délire de persécution.
Et on va la voir vivre vraiment devant nous dans sa chambre, celle aussi qui parle: elle nous décrit très précisément ce qui lui arrive, les détails de son délire, et surtout sa pensée intérieure. Mais elle ne parlera guère de son bébé. Comme si elle ne voulait pas l’embarquer dans une maternité qu’elle a du mal à assumer. Bref, acquérir une nouvelle identité, celle de mère, lui a procuré un choc sans doute  trop brutal.
Il y a aussi son mari, (Tilman StrauB), attentif et prévenant mais qui supporte de moins en moins ses hallucinations et a trouvé une autre maison pour pouvoir travailler paisiblement, et la jeune nounou (Iris Becher) du bébé qui essaye de bien faire en protégeant Anna qui, épuisée, finira par se suicider, comme Charlotte Perkins Gilman…

Sur le plateau, deux chambres identiques, avec un grand lit où on verra surtout  Anna et parfois son mari. La deuxième chambre sert aux bruitages réalisés de façon exemplaire et aux gros plans du mur au papier peint jaune que l’on retrouvera à la fin complètement lacéré par une Anna qu’on ne verra jais le faire. Entre ces deux espaces de jeu, il y a une petite cabine insonorisée, où  Ursina Lardi, avec l’aide d’un petit écran, dit le texte au micro, pendant que les images filmées défilent sur le grand écran… L’actrice enfermée dans un m2 est absolument incomparable dans la façon qu’elle a de donner vie au texte. Vraiment du grand art.
Sand doute, nous dira-t-on,  n’est-ce pas la première fois que l’on nous retransmet certaines scènes d’un spectacle, via des caméras sur un écran et, dans le genre, on aura tout vu, y compris ce stéréotype du théâtre contemporain qui consiste à filmer les  acteurs sortant du champ visuel et regagnant leurs loges par les couloirs!
Mais ici, rien de tout cela; il y a, au contraire,  rien de racoleur mais une grande économie d’images dans les belles lumières un peu mélancoliques de Jack Knowles; Katie Mitchell va à l’essentiel et s’attache à une expression du visage,  à la position d’un corps sur le lit ou un détail de l’architecture de l’appartement.
Ce qui frappe dans ce travail scénique, c’est sa grande virtuosité;  Katie Mitchell a visiblement du plaisir à jouer avec la caméra comme outil de distanciation et  n’a pas peur d’inscruster des séquences déjà tournées comme celles où on voit le bébé dans les bras de son père. C’est servi par une équipe de cadreurs très doués mais qui n’arrivent pas toujours à se faire oublier, et les câbles qui traînent sur le sol par dizaines, font parfois un bruit infernal, ce qui nuit à ce qui reste malgré tout du vrai théâtre.
Il y avait bien dans le public quelques spectateurs qui faisaient la fine bouche et qui trouvaient que cela n’avait  rien à voir avec du théâtre et que la metteuse en scène aurait mieux fait de tourner un film. Mais c’est justement à cette croisée des chemins entre le théâtre avec cette actrice enfermée dans sa cabine mais d’une profondeur de jeu et d’une présence remarquable, et les scènes muettes jouées par les acteurs que se situe l’intelligence d’un tel spectacle.

Certes, la Schaübuhne de Berlin dispose de moyens importants, mais quelle scénographie ( Giles Cadle)mais quelle précision, quel art du jeu, quelle attention portée au moindre détail! Katie Mitchell ne triche jamais et sait diriger une équipe, mettre au point un découpage de scènes, conduire un récit théâtral (qui est parfois un peu sec) et nous obliger à avoir une autre vision d’une œuvre, même et si, surtout, elle est d’origine romanesque. Mais le spectacle a aussi pour nous la valeur d’une leçon de théâtre, loin des approximations bavardes et vieillottes, comme on voit trop souvent chez nous et qui donnent une bien mauvaise image du théâtre français.
En voyant le spectacle conçu et réalisé par Katie Mitchell et son équipe, on repense à cette phrase magnifique de Chikamatsu Monzaemon (1653-1724): « L’art du théâtre se situe dans un espace situé entre une vérité qui n’est pas une vérité, et un mensonge qui n’est pas un mensonge ».

Philippe du Vignal

Ateliers Berthier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe 1, rue André-Suarès, Paris 17e. Tél. : 01-44-85-40-73. A 20 heures, jusqu’au jeudi 26 septembre.

 

 


Archive pour septembre, 2013

La conférence des oiseaux

Festival mondial des théâtres de marionnettes : La Conférence des oiseaux,  mise en scène de Jean-Louis Heckel

 

La conférence des oiseaux conf-oiseaux-esnam9-photo-christophe-loiseauLa ministre de la Culture, Aurélie Filippetti a rencontré les directrices du festival Anne-Françoise Cabanis et Lucile Bodson directrice de l’Institut International de la Marionnette, entourée de ses élèves-comédiens. Jean-Louis Heckel, directeur pédagogique,  a mis en scène des élèves  dans une adaptation de cette fable persane du XIII siècle qui  raconte l’histoire du peuple des oiseaux, qui ont un jour décidé  de quitter le confort établi pour partir à la découverte de leur roi.
Ce texte mythique, qui avait  connu un grand succès,  avec la création de Peter Brook en 79 au festival d’Avignon, est une métaphore du destin humain. Il décrit la quête profonde d’hommes pour mieux se comprendre et pour mieux vivre. Et, pour incarner les oiseaux, le metteur en scène a travaillé avec  six élèves-comédiennes par les élèves de la neuvième promotion de l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette: brésilienne, allemande, russe, lituanienne et française.
  Ce qui impliquait  donc de trouver un langage commun. Chacune manipule des  marionnettes à gaine qui ont la  tête d’un oiseau, réalisées  par Pascale Blaison.  Un comédien et une comédienne jouent eux les maîtres de cérémonie pour nous introduire dans l’histoire.
Le spectacle qui  a été joué cinq fois seulement, n’a pas encore trouvé son rythme. Il y a, au milieu du spectacle,  une vidéo beaucoup trop longue, où, dans les coulisses, chacun des oiseaux se pose des questions quand à sa destinée.  Ce travail de fin de deuxième année est  encore  en devenir mais il y a déjà de beaux moments, quand, au début, les personnages sont représentés en ombre chinoise,  et, à la fin, où on s’envole par la pensée, avec une nuée d’oiseaux en liberté.
La Conférence des oiseaux affichait complet comme la plupart des représentations  ce week-end, ce qui doit faire réfléchir à l’organisation future de ce festival qui s’Avignonise, et où chaque spectacle ne se joue que quelques jours. Les salles sont d’emblée absolument pleines, et mieux vaut donc réserver à l’avance: tant pis pour  le spectateur curieux mais plus cigale que fourmi, qui se trouve fort dépourvu !

Jean Couturier

Théâtre de l’Institut de la Marionnette les 20 et 21 septembre.                   

Amédée

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Amédée, texte et mise  en scène de Côme de Bellescize.

C’est l’histoire d’Amédée, la vingtaine, passionné de jeux vidéo; il a une petite amie, un grand ami et  l’intention de devenir pompier. Donc, tout va bien pour lui et la vie lui est ouverte.  Mais sur la route, sa moto croise un camion… Collision tragique:  Amédée, jusqu’à la fin de sa vie, ne pourra plus jamais marcher, ni bouger, ni même parler; l’horreur absolue pour  comme pour sa mère qui sera là en permanence  à ses côtés.
Côme de Bellescize s’est inspiré de façon tout à fait libre de l’histoire de Vincent Humbert. Rappel des faits récents:  un jeune pompier  devenu aveugle,  muet, tétraplégique mais lucide, qui  ne communiquait plus que par son pouce droit à la suite d’un accident de la route en 2000 et à qui-sur sa demande-sa mère avait administré  une forte dose de pentobarbital, ce qui l’avait  plongé alors dans le coma. Le docteur Chaussoy lui avait ensuite injecté du chlorure de potassium entraînant aussitôt le décès de son patient.
Chirac, alors président, confia alors à Jean Léonetti, médecin et député du projet de loi concernant les droits des malades en fin de vie déposé en 2004. Mais Marie Humbert et le docteur Chaussoy furent mis en examen elle pour administration de produits toxiques et lui, pour empoisonnement.. ce qui provoqua un  violente polémique en France. Mais une loi fut adoptée en 2005 sur le droit à laisser mourir et les deux accusés bénéficièrent d’un non-lieu l’année suivante.
 Le thème est lourd puisqu’il s’agit d’un conflit entre, d’un côté,  la liberté de tout individu à décider de son sort:  ici, la prise de position clairement exprimée par ce jeune homme très handicapé dans sa chair mais tout à fait lucide, et de l’autre côté, la mort volontairement provoquée par autrui. Alors que tout le monde sait bien et l’a souvent vécu, que la frontière est parfois très mince entre un dosage de produits hautement toxiques et un autre…capable de faire rapidement le patient.
Reste à savoir comment on peut traiter ce thème au théâtre ans tomber dans le pathos, tout en maintenant l’attention du spectateur.   » Tout au long de la pièce, nous dit Côme de Bellescize, Amédée cloué sur un lit ou dans un fauteuil roulant est confronté à Clov, un personnage imaginaire, tout à tour boxeur,  flic, petit comptable, prostituée, journaliste ou ange: il incarne les différentes facettes de son esprit, différents temps de sa vie, différentes étapes de son parcours.  » le metteur en scène fait alors se dédoubler le personnage qui donc exister à côté de  lui désormais immobile et muet.
Côme de Bellescize dont la mise en scène est souvent habile, peine quand même à rendre fort un texte souvent bien bavard, et les  scènes les plus réussies sont muettes: ainsi celle où la fiancée d’Amédée vient se coucher sur lui et le caresser. La direction d’acteurs est à la fois  juste  et précise, et c’est plutôt bien joué, en particulier par Eléonore Joncquez, qui passe avec la plus grande facilité du rôle de Julie la fiancée d’Amédée, à la journaliste de télé ou à l’infirmière; on l’avait déjà vue dans Protée monté par Philippe Adrien mais elle est ici tout à fait remarquable.

Sigolène de Chassy a réussi à créer une scénographie capable de resituer l’action dans de nombreux espaces différents: l’hôpital, l’extérieur, etc… Mais le texte-à l’impossible, nul n’est tenu-devant un thème pareil-n’est pas toujours en adéquation avec la mise en scène qui essaye comme elle peut de se dépêtrer  d’une situation dramatique qui est sans doute un faux bon projet théâtral.
« Le spectacle dit Ariane Mnouchkine, est du théâtre, du beau, du vrai théâtre ». C’est vrai que cet Amédée fait parfois penser aux plus récents spectacles de la grande Ariane, y compris dans la façon de prendre son temps pour dire une fiction dramatique mais le texte ne nous a jamais vraiment touché et  patine singulièrement surtout sur la fin.
Alors à voir?  Oui, surtout pour découvrir un jeune metteur en scène qui crée aussi des opéras…

Philippe du Vignal

Théâtre 13/ Seine 3à rue du Chevaleret 75013 Paris jusqu’au 13 octobre.

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Top girls

Top girls de Caryl Churchill, mise en scène d’Aurélie Van Den Daele.

Top girls f-2ff-4ca9a9825200aMarlene assure. Devenue cadre sup à la force du poignet dans une entreprise de recrutement–heureux temps où la question n’était pas le chômage mais la chasse aux têtes-elle fête sa promotion avec une bande de copines, « top girls» de tous les temps, dont la papesse Jeanne, toutes triomphantes et toutes défaites, chacune ayant payé très cher son élévation.
Manque Margaret Thatcher qui n’est pas une légende, mais l’actualité. Après le banquet, après les flots de vin et les cascades de rire, les larmes essuyées, retour au bureau, retour, finalement, au bled d’origine.
Marlene a une sœur, Joyce, restée pauvre, amère et de gauche. Et une nièce, Angie, quinze ans, rebelle sans cause, bonne à pas grand-chose, sinon à idolâtrer sa tante et à jouer avec une gamine plus jeune.
Passons sur le mystère de la naissance de la dite Angie…
La pièce a les qualités et les défauts du théâtre anglo-saxon des années 80 : thèses et débat clairement posés mais l’explicatif l’emporte sur le dramatique, et les personnages bien dessinés: tout cela donne un effet  daté. Apparemment, le public est devenu plus rapide, plus zappeur et comprend plus vite.

Qualités et défauts de la mise en scène sont du même ordre : la pièce avance, avec justesse, pas à pas. La scénographie, forcément étouffée dans ce petit lieu, ne fonctionne pas tout à fait. On aurait aimé un montage plus vif, plus violent et  moins  démonstratif.
On aurait aussi aimé, par exemple, que l’indication de l’auteur: « faire des répliques une musique polyphonique » (surtout dans l’épisode du banquet mythologique) ait été suivie avec plus d’audace, pour arriver à une vraie musicalité plutôt qu’à la confusion des paroles. Et on n’aurait pas regretté de larges coupures dans le long prologue que constitue la scène du banquet.
Malgré cela, il faut saluer les comédiennes, justes, drôles, émouvantes, avec une palme spéciale pour Sol Espeche (Marlene). Le défaut de jeunesse de cette mise en scène: un trop grand respect d’une écriture qui aurait besoin d’être bousculée…

Christine Friedel

Théâtre de l’Atalante jusqu’au 6 octobre. T: 01 46 06 11 90

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la Noce chez les petits-bourgeois

Noce de Bertolt Brecht, mise en scène d’Olivier Perrier.

la Noce chez les petits-bourgeois 1236769_609917272404953_1520235424_nOn la connaît, cette Noce remise sur le métier chez les petits-bourgeois par le jeune Brecht. C’est sarcastique à souhait: il dézingue la pauvre passion des apparences de ce jeune marié « qui a tout fait lui-même » pour son futur foyer, pour cette jeune mariée chaste et pure… et déjà enceinte. Brecht tire à vue sur la sottise et la méchanceté–volontaire ou non-des invités, leur vulgarité, l’obscénité de la fausse joie et des youpi de la fête...
Le copain pelote outrageusement la mariée, le couple d’ »amis » préfigure lamentablement l’avenir des “héros du jour“. Et l’on boit, et l’on boit, et l’on monte encore des bouteilles de la cave, et tout se déglingue, craque lamentablement dans la honte et la souffrance.
Et nous, en face, nous rions de ce désastre, pas si loin de ces invités odieux et pitoyables. Pourtant quelque chose dans le spectacle nous sauve, nous laisse du bon côté de la vie. Ce n’est rien d’autre que l’art du théâtre. Olivier Perrier, en effet, ne triche ni avec la pièce ni avec les personnages.

Et d’abord, il a une trouvaille rare:les personnages–les comédiens entrant en scène-saluent  non comme d’habitude à la fin mais  avant la représentation. Nous voyons donc le comédien se transformer en personnage, nous sommes pris en considération. Du coup, cela nous amène à prendre aussi en considération ces pantins en face de nous, hommes et femmes. Respect dans la cruauté!
À la toute fin, quand tous les invités sont partis, amers, chassés, ridicules, furieux, il ne reste plus que le jeune couple: le marié et la mariée se vengent l’un sur l’autre de la soirée ratée et  des apparences trahies.

On ne rit pas : Brecht a vu toutes ces rancœurs faire le lit du nazisme, à nous de tenter d’être moins moches… Cela dure jusqu’à l’insupportable, et jusqu’au sublime: les deux jeunes mariés sont maintenant tombés au plus bas, alors peut-être partageront-ils ensemble ce malheur, et ce sera le début, fragile, d’un amour très petit mais véritable.
Le tout est réglé avec une précision incroyable, et un sens unique de la temporalité. Du coup, nous rions aussi, le cœur libre, du plaisir de cette maîtrise. Ça ne se passait pas n’importe où-ce serait possible-mais au Cube de Hérisson qui  abrite aujourd’hui la compagnie La Belle Meunière de Pierre Meunier (on pourra la voir en décembre au théâtre de la Bastille à Paris), et les jeunes compagnies qui viennent y répéter et y préparer leurs spectacles. Ainsi l’a voulu naguère, obstinément, Olivier Perrier, fédéré avec Jean-Paul Wenzel et Jean-Louis Hourdin : décentraliser la création théâtrale dans un  village.

Et ça marche: la petite commune de Hérisson est devenue –avec quelle fierté- lieu de création théâtrale d’importance nationale. Les Anglais du Footsbarn Travelling Theatre sont venu y planter leur base, d’autres, innombrables, sont venus s’y ressourcer. Les mêmes Fédérés, toujours aussi obstinés, ont obtenu la création d’un théâtre à la mesure de leurs inventions à Montluçon, puis le titre de Centre Dramatique National. Titre ? Pas seulement. C’est bien davantage une responsabilité politique : prouver, par la joie et les belles œuvres partagées, que le théâtre est un besoin et les CDN une nécessité. À Montluçon, les Fédérés ont laissé la place au Festin, dirigé par Anne-Laure Liégeois, puis au Fracas.

Pour les vingt ans du CDN, Johanny Bert, son actuel directeur, a voulu que la fête dure toute la saison. Lui-même y donnera ses créations, Anne-Laure Liégeois reviendra à Montluçon avec son Macbeth. Et c’est Olivier Perrier qui a ouvert le bal à Hérisson, là où toute cette aventure est née.
Sa Noce, créée il y a onze ans et reprise avec les mêmes acteurs pour l’occasion, ne partira pas en tournée. On peut le regretter, mais le théâtre peut aussi être un cadeau magnifique et éphémère. Cet article n’est pas là pour vous dire: allez-y, mais pour vous rendre exigeants si une Noce chez les petits bourgeois passe près de chez vous :  vous avez  droit au meilleur théâtre, et partout.
Allez voir.

Christine Friedel

Le Fracas, Centre Dramatique National de Montluçon-Région Auvergne, 04 70 03 86 18

Pascal Rénéric (le jeune marié) a réalisé en 2002, au moment de la création de La Noce à Hérisson un film de 23 minutes, Fausse noce d’une rare drôlerie, d’une liberté et d’une originalité plus rares encore, jusqu’à la poésie. Et ce n’est pas un vain mot. Il ne nous reste qu’à organiser une pétition pour qu’il soit diffusé.

Festival mondial des théâtres de marionnettes : Le musée de la marionnette fraîche


Festival mondial de Charleville-Mézière : Le musée de la marionnette fraîche par la Compagnie des chemins de terre.

Festival mondial des théâtres de marionnettes : Le musée de la marionnette fraîche photo1La ville a eu un petit goût de festival d’Aurillac avec cette exposition/parcours de trente minutes, jouée par Stéphane Georis, artiste belge invité pour la 17ème édition de ce festival. Chaque jour, au Leader Price proche de la gare, habillé d’une blouse de magasinier, coiffé d’un casque de chantier jaune à plumes et armé d’une machette en poireau, le comédien embarque les spectateurs dans son univers à la recherche d’un lieu légendaire : le cimetière des marionnettes justement situé dans cette ville. Absurde et poésie  sont au rendez-vous  dans cette déambulation entre les rayons du supermarché.
« C’est, dit-il,  une légende wallonne qui en parle. Les anciens se la transmettent en langage morse les soirs de solitude,  de masure en masure. Et de rares documents l’attestent : il existe quelque part dans les profondeurs de la forêt ardennaise un lieu magique où vont mourir les marionnettes».
Georis  nous conte l’aventure de  Wonder Woltje et Indiana Tchantchès à la recherche de cet endroit localisé précisément, au final du parcours  au milieu du rayon  boissons. Au fil de ce trajet, les spectateurs vont être amenés à pagayer et à chanter en chœur,  et  vont découvrir les produits d’achat du quotidien, mais détournés  de leur fonction initiale et supports de rêve. Pendant que les autres clients du supermarché,  imperturbables,  poursuivent leurs courses.
Changer son rythme quotidien de vie, c’est vrai, peut se révéler pour certains assez déstabilisateur…Ceux qui avaient un esprit plus libre, ont assisté à un beau moment de folie légère. C’est le rôle de l’artiste de nous inviter à cette bulle de liberté.  » En vérité,  disait déjà Albrecht Durer, l’art est enfermé dans la nature; celui qui peut l’en extraire, celui-là est un maître ».

Jean Couturier

Visité guidée chaque jour à 11h33 au  Leader Price du 20 au 29 septembre.

www.chemindeterre.be

16e Festival des arts dans la rue à Chatillon

16 ème Festival des arts dans la rue à Chatillon.


  Ce festival initié par Christian Lalos, directeur du Théâtre de Châtillon, est fort bien organisé dans cette pittoresque cité villageoise pentue, où l’on peut se promener du parc Henri Matisse à la Maison des Arts, en passant par la place de l’église au parc Henri Sarment, jusqu’à la rue Gabriel Péri, pour découvrir des spectacles insolites dans la journée et surtout le soir. Avec, au programme,  19 spectacles et une installation La table des pensées d’Ola Szostak et  Willemijn Schellekens, pièce assez décevante…
Nous n’avons pu attraper qu’une dizaine de minutes du réjouissant Panier piano de la compagnie Familia Stirman mais  nous avons  eu droit à quelques  belles surprises chorégraphiques.

Instinct de la compagnie Yann Lheureux.

Place de l’église, la nuit vient de tomber, on découvre cette danse « animale » interprétée avec rage,  sur des rythmes frénétiques par sept  danseurs de hip hop. Ils se contorsionnent, se roulent par terre, sautent à une vitesse fulgurante qui fascine les regards. À la fin du spectacle, Yann Lheureux présente les danseurs du spectacle né voilà deux  ans en Corée du Sud où s’est opérée, dit-il,  une mise en connivence, et qui  a été joué, entre autres, à Madagascar et à la Réunion . La compagnie créée en 9 et installée à Montpellier,  tourne dans le monde entier.

Les Aplatis, P2BYM
,
conception de Patrice de Bénédetti et de Yui Mitsuhachi, musique d’Yves Mara.

16e Festival des arts dans la rue à Chatillon les-applatis-210x300Nous avions pu découvrir ce couple de danseurs dans  les premiers pas qu’ils faisaient à Montpellier, voilà deux ans. Ils traversaient, retraversaient sans fin la voie du nouveau tramway, esquissaient des mouvements, s’asseyaient aux arrêts. Les Aplatis jouent ici sur le parvis d’un grand centre commercial: cinq  danseurs et un musicien armés de grands sacs plastiques , encombrés de vêtements, se déchaînent dans des transes rageuses, frappant le sol de leurs sacs vides.
Accompagnés par moments à la guitare sur fond de paroles grésillantes, sur des projections publicitaires, ils crient silencieusement la solitude et la misère des relations humaines écrasées par Big Brother du grand commerce international. Des vers de Rainer Maria Rilke nous reviennent en mémoire : « Pauvres, ils ne le sont pas ; ils ne sont privés que des biens essentiels/ Et livrés au hasard, sans force et sans volonté ».
Une compagnie à suivre, si vous croisez son chemin.


polar-247x300Polar ou la stupéfiante histoire du tango enflammé conception d’Hervé Perrin et Delphine Dartus, par la compagnie Bilbobasso (Besançon). 

 Difficile de suivre le fil de ce roman policier…  Mais ce concert de flammes et de voix interprété par une dizaine de comédiens, musiciens, chanteurs en tenue de soirée, a captivé les spectateurs rassemblés de part et d’autre de l’arène de sciure qui prenait feu en lignes, allègrement enjambées par des femmes en robes longues et des hommes en habit.
Le tango argentin a vite fait  vibrer la foule et monter une émotion collective.

Edith Rappoport

Festival mondial des théâtres de marionnettes : Ignorance

Festival mondial des théâtres de marionnettes : Ignorance par The Old Trout Puppet Workshop.

 

Festival mondial des théâtres de marionnettes : Ignorance  photoHumour et intelligence chez  cette troupe canadienne!  Dès le début,  le narrateur  avec une voix off  très cinéma nous pose une question essentielle: « Etes-vous heureux»? Sans attendre la réponse, le spectacle  va nous emmener à l’origine de l’homme, et fait alterner des scènes à l’âge de pierre et d’autres qui illustrent des fragments de vie de l’homme d’aujourd’hui.
Le plateau est occupé par de grandes branches pétrifiées par le temps, entre lesquelles une toile est tendue, avec, au milieu,  un feu de bois. Sur cette toile qui referme l’espace pour figurer une grotte, des vidéos projetées.
Deux types de marionnettes portées sont utilisées. Pour symboliser l’homme des cavernes, une tête ressemblant à un cailloux fendu au niveau de la bouche, une peau de bête et une branche suffisent; pour l’homme moderne, les trois comédiens utilisent une marionnette à hauteur de ceinture dont les pieds se confondent avec ceux des manipulateurs. Avec une musique très hollywoodienne, les tableaux se succèdent à un rythme soutenu, mettant en scène un humain qui n’a de cesse de rechercher le bonheur, mais qui en veut toujours plus, d’où son  éternelle frustration!
Un soleil en forme de ballon jaune marqué d’un sourire représente cette quête de bonheur inaccessible, qui, parfois, s’avère destructeur, quand il emporte le personnage dans les cintres, en le pendant !
Quand l’homme de l’ère glaciaire rencontre son double féminin, le narrateur nous dit: «Aimer est essentiellement un mécanisme pour partager la chaleur corporelle !». Nous apprenons, à travers différents tableaux,  que l’apparition du lobe frontal chez nos ancêtres témoigne de notre sortie du règne animal vers  le règne humain, car ce lobe  est responsable de l’imagination.
Le spectacle ne fait pas seulement sourire mais a parfois une mission didactique. Après avoir dépeint la condition de l’être humain, on nous invite à une certaine distance vis-à-vis de la scène, quand le narrateur nous dit:  «Si nous allons au théâtre, c’est pour constituer un groupe suffisamment nombreux afin de  pouvoir repousser l’ours de caverne !».
Pensez-y quand vous irez voir un spectacle!

Jean Couturier

Théâtre de Charleville-Mézières les 20 et 21 septembre

http://www.theoldtrouts.org/

Chez les Ufs, Grumberg en scènes

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Chez les Ufs, Grumberg en scènes, sous le regard de Stéphanie Tesson.

 

Jean-Claude Grumberg, fils et petit-fils de tailleurs déportés et disparus, tailleur lui-même de quatorze à dix-huit ans, apprend finalement pour son bonheur le métier d’acteur, puis devient auteur. Entre autres succès, il écrit Dreyfus en 1974,  qui a pour thème les répétitions d’une  pièce sur l »affaire Dreyfus par une troupe d’amateurs juifs polonais vers 1930. En 79, Grumber crée L’Atelier, avec un véritable succès; la pièce  qui met en scène en dix séquences  de 45 à 52, sur  la vie d’un atelier de confection à Paris, où Simone, attend son mari qui a été déporté. L’expérience de l’hôpital est évoquée dans Maman revient, pauvre orphelin (1994).
Chez les Ufs Grumberg en scènes, joué aujourd’hui  par Jean-Claude Grumberg, sa fille Olga et par Serge Kribus, jette sur le plateau des bribes joyeusement éloquentes d’une œuvre sombre à l’origine, fidèle à l’Histoire et tournée inlassablement vers le passé.À travers son expérience et celle de ses proches, l’auteur tente de comprendre avec les armes de l’humour et du rire, la terrible tragédie du siècle passé. Sans les larmes de l’amertume.
Durant cinquante ans, Grumberg alterne l’écriture de pièces courtes et celle de pièces longues : « Ce théâtre saisit le réel, dit-il,  avec une habileté rageuse comme pour protester contre l’aveuglement.» Un tel rire fait mal car il procède d’une émotion forte, née de la capacité de recul et de distance face aux événements inoubliables du XX é siècle. Une attitude artistique « positive » qui n’a d’autre  raison que de combattre l’antisémitisme, le racisme, et la différence pour mieux les balayer, une fois pour toutes.
Michu
(1967) par exemple, est une petite fable de théâtre loufoque  où le héros naïf va de surprise en surprise, découvrant grâce à son collègue Michu, au rôle de révélateur impitoyable et dévastateur, qu’il est non seulement pédéraste et communiste, mais encore juif ! Comment s’en sortir ?
Jean-Claude et  Olga Grumberg, et  Serge Kribus, jouent avec facétie encore des extraits des Rouquins (1984) de Ça va (2008), du Petit Chaperon Uf (2005) et de Pleurnichard, un chapitre de merde (2010). Cinquante ans d’écriture qui méritent un retour amusé sur soi sans nulle complaisance. Il s’agit plutôt de faire simplement l’aveu du plaisir d’écrire. La fille joue sa propre grand-mère et le héros n’est qu’un enfant Pleurnichard dont les gémissements sont gentiment moqués. Chez les Ufs (à entendre comme Chez les Juifs) se révèle un moment enjoué de spectacle  vivifiant, au fonctionnement humble avec,  pour seuls accessoires, une table, une lampe et une chaise d’écrivain d’un côté, et de l’autre, un portant  avec des costumes-blouse d’anesthésiste, foulard de vieille femme, etc…-qu’ Olga Grumberg et Serge Kribus  revêtent successivement. La vie des jours passés et de notre présent surgit à chaque réplique, vive et rebelle à tous les enfermements.
Une heure vingt de théâtre enjoué, où les acteurs sont  heureux d’être là ensemble, et  avec le public.

 

Véronique Hotte

 

Théâtre de Poche-Montparnasse jusqu’au 17 novembre,  du mardi au samedi 19H, et le dimanche à 15 heures.

Festival de théâtre français, Seuls en scène

 Seuls en scène Festival de théâtre français à Princeton.

Festival de théâtre français, Seuls en scène fotolia_21626766_m1Au moment où les budgets connaissent un régime amaigrissant,  et donc celui de l’Institut Français créé en 2011 (ex-Cultures France) qui dépend du Ministère des affaires étrangères et qui a pour mission de promouvoir la culture française dans le monde, faut souligner l’existence de ce festival  très actif  à Princeton ( New Jersey).
Florent Masse, ancien élève de Daniel Mesguisch à l’Ecole du théâtre national de Lille a fondé L’Avant-Scène, un  Atelier théâtre à l’Université de Princeton. Il existe depuis plus de dix  ans, et dresse un pont entre la France et les Etats-Unis, mais aussi entre la pratique théâtrale universitaire et le monde des professionnels de théâtre français.
Des comédiens,  comme Guillaume Gallienne ou Pierre Nimey,  y ont donné des masters-class et des étudiants américains ont été accueillis au Conservatoire national supérieur d’art dramatique à Paris dont certains élèves ont découvert le théâtre new yorkais tout en suivant des cours d’anglais à l’Université de Princeton.
Quant au festival dont c’est la deuxième édition, il est  soutenu par le service culture de l’Ambassade de France, par l’Institut Français,  l’université de Princeton et une fondation artistique, The Lewis Center for the Arts. Le programme sur neuf jours est riche et éclectique, puisqu’il rassemble des pièces  de Marivaux mises en scène par  Clément Hervieu-Léger, de Valère Novarina qui ont été  dirigées par Céline Shaeffer, et de Marguerite Duras qui ont été adaptées par Clément Bondu et Pierre Giafferi. Guillaume Vincent y a présenté un de ses  textes, Rendez-vous gare de l’Est.
Au moment où beaucoup d’Alliances Françaises perdent,
du fait des restrictions budgétaires, leur  pôle d’action culturel et doivent se limiter  à l’enseignement de la langue française, de telles initiatives sont à souligner. Ce festival a aussi  le mérite de défendre le   français dans le monde anglo-saxon.
Comme l’écrivait en français Charles Dickens:  » La difficulté d’écrire l’anglais m’est extrêmement ennuyeuse. Ah!  mon Dieu ! si l’on pouvait toujours écrire cette belle langue de France !».

Jean Couturier

Festival de Princeton University du 21 au 29 septembre.
www.princeton.edu/arts

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