Une semaine en compagnie

Une semaine en compagnie 

Depuis quelques années, Frédéric Fachena et Laurent Vergnaud, directeurs du Collectif 12 de Mantes-la-Jolie, ont initié avec l’aide d’ARCADI, de la Maison des Métallos et de Christophe Rauck, directeur du Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis, une rencontre de compagnies naissantes qui méritent de prendre leur place dans le réseau de la décentralisation. Avec six spectacles présentés du 10 au 15 septembre, à la Maison des Métallos et au Théâtre Gérard Philipe.

Femme de chambre, adaptation et mise en scène de Sarah Capony, d’après le roman de Markus Orths.

Ce spectacle étrange, à la mise en scène remarquable, mais à la distribution inégale, et qui avait obtenu le prix du Théâtre 13 en 2012, a le mérite de révéler un romancier allemand d’une nouvelle génération révoltée qui fascine.. ( voir Le Théâtre du Blog).

Modeste proposition, de et par Jonathan Heckel.

Jonathan Heckel, après un parcours d’acteur au Théâtre du Nord à Lille, avait travaillé avec Gloria Paris dans Les Amoureux de Goldoni qui avait laissé le souvenir d’une belle écriture scénique. Il se lance ici dans une adaptation de Modeste contribution pour empêcher les enfants pauvres d’être à la charge de leurs parents et de les rendre utiles au public de Swift.
Mais ce sympathique solo, devant une table chargée de  nourritures qu’Heckel s’efforce d’offrir au public, n’a rien de la férocité de Swift et n’éveille aucune terreur salvatrice dans le public qui reste simplement amusé. L’évocation de la dégustation de la chair enfantine par un public de riches gourmets peine à se faire entendre.
Jonathan Heckel ferait sans doute mieux de poursuivre encore un temps une carrière d’acteur si bien commencée…

Les Juifs de Lessing, mise en scène d’Olivia Kryger.

De Lessing, on se souvient avec émotion de Nathan le sage écrit en 1779, vue dans la belle mise en scène de Bernard Sobel à Gennevilliers, puis de Dominique Lurcel au Théâtre Silvia Monfort, et enfin de celle très récente de Bernard Bloch à Colmar.
Les Juifs, écrit par Lessing quelque trente ans avant Nathan le sage, aborde le thème de l’antisémitisme virulent qui régnait déjà en Allemagne. Des personnages masqués au nez crochu, avec une longue barbe se frappent la poitrine : « Si j’étais roi, je n’en laisserais pas un seul en vie. Les juifs, c’est un peuple de fripouilles intimes ! ».
On retrouve un voyageur qui a sauvé d’une agression par de soit-disant juifs, un noble qui l’héberge avec son domestique. La jeune fille de la maison le remercie, échange des propos avec lui, mais le jeune homme souhaite partir au plus vite, son domestique a préparé les bagages. Le valet de son hôte a dérobé la tabatière en argent du sauveur, il en fait cadeau à une servante. La tabatière passe de mains en mains, pendant qu’une histoire d’amour se noue entre le sauveur et la fille de la maison.
Le père, agressé par les faux juifs, veut donner sa fille en mariage au jeune homme, mais celui-ci commence par refuser,  vu les propos antisémites qui dominent dans la conversation. Mais le pot aux roses est découvert, les agresseurs ne sont pas juifs, par contre le jeune sauveur en est un ! Et tout finit par un mariage providentiel ! Interprété sur un plateau nu, avec  sur une composition musicale et sonore de Pierre Badaroux, par six comédiens, ce spectacle, malgré un aspect un peu manichéen et simpliste, retient  le public en haleine.

Paradis impressions de Christophe Giordano et Lucie Valon.

Lucie Valon, qui a déjà à son actif plusieurs spectacles ( voir Le Théâtre du Blog), avec son nez rouge de clown, sa voix flûtée changeante, son fil blanc vers le paradis, a une présence certaine et une bonne technique. Mais on oublie très vite ce qu’elle nous raconte, malgré les rires bruyants d’une partie du public. Et, ce qui est plus ennuyeux,  aucune émotion ne surgit de ce spectacle…

Les Optimistes par le Théâtre Majâz.

Le Théâtre Majâz (métaphore, en arabe) a été fondé par trois étudiants issus de chez Jacques Lecoq, Ido Shaked, Lauren Houda Hussein et Hamideh Gadhirzadeh en 2007. Issus du Liban, d’Israël, de Palestine, d’Espagne ou d’Iran, chaque comédien apporte un morceau de son histoire à la compagnie. Après Croisades de Michel Azama, le Théâtre Majâz avait été accueilli en 2011 au Théâtre du Soleil par Ariane Mnouchkine, pour poursuivre son travail avec une nouvelle création Les Optimistes entreprise depuis mai 2010 au Théâtre de la ville de Saint-Jean d’Acre et à l’Espace culturel Arabita de Jaffa.
Trois générations se croisent à Jaffa, quartier autrefois palestinien annexé par Tel-Aviv . On y voit le jeune Samuel envoyé par son grand père pour vendre sa maison autrefois habitée par une famille palestinienne qui a dû émigrer dans un camp de réfugiés. Retour dans le passé, son grand-père Beno, dont la famille a été massacrée en Pologne, émigre en 1948 à Jaffa, bien décidé à habiter « cette terre sans peuple », et s’installe dans cette maison. Journaliste, il prend conscience de la discrimination subie par les Palestiniens contraints de se réfugier au Liban. Il se lie d’amitié avec ses voisins arabes de Jaffa et même avec un prêtre arabe qui parvient à transmettre des messages et même un film fictif, aux exilés qui demandent des nouvelles des orangers disparus.
On se perd un peu dans ce croisement des générations, mais avec un décor très simple, un cadre métallique suspendu aux cintres que les comédiens font tourner à vue, des piles de dossiers entassés à l’avant- scène puis relégués au fond, un canapé, une table et des chaises, on assiste à un témoignage revigorant sur des liens d’amitié entre des peuples qui se sont déchirés. On y parle l’hébreu, l’arabe, l’anglais et le français, le banc de surtitrage reste lisible, mais on reste parfois tellement captivé par ce qui se passe sur scène qu’on oublie de le regarder.

Edith Rappoport


Archive pour septembre, 2013

L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk

L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk l1020117

L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk,roi du Cambodge d’Hélène Cixous, recréation en langue khmer d’après la mise en scène d’Ariane Mnouchkine (1985), mise en scène de Georges Bigot et Delphine Cottu.

En 2011, s’est jouée en France la première époque de L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, une tragédie historique aux splendides accents shakespeariens, dont la mise en scène de Georges Bigot et Delphine Cottu, s’inspirait de la création mythique d’Ariane Mnouchkine (1985). Mais la singularité de ce retour d’un spectacle éclatant sur les scènes contemporaines tenait au fait qu’il ne s’agissait pas d’une simple reprise, d’une nouvelle présentation ou d’un rêve audacieux de théâtre qu’on redonnerait à plaisir au spectateur. Norodom version 2013 – avec la lancée de sa deuxième époque et d’une « Intégrale » rituelle – est bien une recréation mais en langue khmère, le fruit d’une collaboration choisie dans le temps, d’un échange, d’une relation de transmission, entre d’une part, les artisans du Théâtre du Soleil : Ariane Mnouchkine, Durozier, Bigot, Cinque, Cottu, et d’autre part, une trentaine de jeunes comédiens apprentis du Phare Ponleu Selpak de Battambang,
La plupart sont de jeunes « héritiers » malheureux de l’histoire épouvantable du Cambodge, pays de leurs pères et mères massacrés. Presque trente ans après la création du Soleil, de jeunes acteurs cambodgiens ont travaillé à Battambang, à la fois le métier du théâtre et leur propre Histoire nationale dont deux générations successives avaient rendu confus les enjeux passés.
Ashley Thompson, linguiste et ethnologue à l’écoute du peuple khmer et qui est à la source de cet échange singulier, évoque les enjeux liés à la mémoire des événements historiques : « Ce projet implique la traduction, dans l’idiome linguistique, culturel, politique d’une post-colonie, d’une pièce historique moderne traitant d’un héritage colonial, écrite pour un public occidental »
La pièce couvre une large période, de 1950 à 1980, dont les références passent de la Chine, au Viet nam, à l’URSS et aux Etats-Unis, en passant par la France. Le prince Sihanouk, homme de théâtre par excellence, dont le rôle investi par Georges Bigot, a été revisité aujourd’hui avec panache par l’actrice cambodgienne San Marady – (le cruel Pol Pot est aussi joué par une femme), s’est éteint l’année dernière.
Sur la scène, à la fin de la première époque, Sihanouk est en exil à Pékin, destitué ; la deuxième époque débute en mars 1970 : le peuple khmer fuit l’Amérique pour se retrouver dans le giron de l’idéologie communiste. « La pièce se termine le 6 janvier 1979, jour où le Vietnam, armé par l’URSS, s’empare du Kampuchéa démocratique de Pol Pot, rejette les khmers rouges dans les maquis, sauve un reste de peuple à l’agonie, puis absorbe le pays…comme le souligne Hélène Cixous.
Aujourd’hui, sonne le temps des procès pour les tyrans sanguinaires du peuple khmer… et c’est une autre histoire. Si le monde est un théâtre, la scène de Bigot et Cottu s’inscrit sur le plateau avec cran et conviction dans la fidélité rigoureuse à la pièce historique.
Un rideau orange s’ouvre et se ferme majestueusement sur les tenants du pouvoir – prince, ambassadeur, ministre, maréchal…- qui entrent sur la scène et en sortent, pressés le plus souvent. Une estrade de beau bois verni est installée en guise de sol politique présidentiel, avec autour les « douves », les fossés du Bas où se joue la geste populaire.
En haut, des hommes à la mise sévère débattent du destin du pays, à côté de Sihanouk et de la princesse. Les tortionnaires – dont une femme, avec l’écharpe révolutionnaire, qui passent du Bas vers le Haut, portent des sandales, confiants en la seule terre des champs et des campagnes, avides de désurbaniser le pays et d’annihiler Histoire et Culture. En Bas donc, les femmes et les enfants se replient dans la vie des scènes populaires, une grand-mère, sa sœur et un petit-fils orphelin adopté, victimes de la tyrannie, de la cruauté et de la faim.
Le peuple verse des pleurs à la pensée de ses morts. Sihanouk de son côté, converse avec le spectre pittoresque de son père disparu. San Marady ( Sihanouk) prince de comédie tragique – dispose d’une rare souplesse gestuelle, capte tous les regards et illumine le plateau de ses mimiques expressionnistes.
Mais la leçon Théâtre et Histoire  est collective, soutenue aussi par les musiciens cambodgiens, tandis que d’autres massacres  » khmers rouges » se perpétuent encore ailleurs et en Syrie.

Véronique Hotte

Les 27, 28 et 29 septembre 2013 à Limoges au Festival des Francophonies en Limousin / Théâtre de l’Union : 05 55 10 90 10.

Du 3 au 26 octobre 2013 à la Cartoucherie (Théâtre du Soleil/Festival d’Automne à Paris). Du mercredi au vendredi à 19h30 : Première ou Deuxième Époque en alternance, durée 3h30. Le samedi (sauf le 26) à 15h et à 19h30 : Première et Deuxième Époque, à voir ensemble ou isolément. Le dimanche (et le samedi 26 octobre) à 13h : intégrale, durée 7h : 01 53 45 17 17 ou 01 43 74 24 08

Les trésors de la bibliothèque de la SACD

Les trésors de la bibliothèque de la SACD.

Les trésors de la bibliothèque de la SACD dans actualites affiche-sacd-logoAu fond d’une allée, à quelques encâblures de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) fondée par Beaumarchais en 1777 pour que les auteurs perçoivent des droits, se trouve une bibliothèque, créée en  1829. Ses rayons furent enrichis douze ans plus tard par une acquisition de 13.000 volumes.
Bien qu’ouverte au public depuis quelques années, la bibliothèque est encore peu connue et mérite de l’être.Qu’y trouve –t-on ? Qui la fréquente ? Comment vivent les fonds ? Quel intérêt présentent ses archives ?
Pour répondre à ces questions, une journée d’étude a été organisée, rassemblant les bibliothécaires et des chercheurs du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (CHCSC), laboratoire de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Outre les archives historiques de la Société, elle compte aujourd’hui environ 200 000 documents : 62 000 pièces, scénarii, partitions (dont 8.500 fictions contemporaines!); 45.000 programmes, dossiers de presse… Des lettres, autographes, gravures, photos, films…

Une véritable mine pour les chercheurs comme pour les artistes (auteurs, metteurs en scène, cinéastes) en quête d’éléments pour leurs futures réalisations. Un travail de fourmi pour les bibliothécaires. Les fonds se sont étoffés au fil des ans grâce aux œuvres déposées par les membres de la SACD. Les legs des auteurs et de leurs héritiers constituent aussi une de ses richesses. Pour exemple, les archives de Jean Vauthier.
Décédé en  1992, il a laissé derrière lui des brouillons, correspondances, projets divers réalisés ou restés dans ses cartons, et de nombreux livres annotés, ainsi que des manuscrits assemblés avec des pinces à linge de couleur ; la partie immergée de son œuvre enfin mise à jour ! Il a fallu la patience de la bibliothécaire, Florence Roth, et la collaboration précieuse de la donatrice, Monique Bertin, pour vider deux appartements, trier, identifier, choisir, classer. Soit  71 boîtes et 130 pages d’inventaire. Grâce à ce travail long et minutieux, l’inventeur du Capitaine Bada est enfin passé à la postérité. D’autant que, grâce à ces nouvelles sources, l’université d’Aix-Marseille a pu organiser un grand colloque pour le centenaire de la naissance de Jean Vauthier.
Depuis, ce fonds a permis de nombreuses expositions et rencontres qui contribuent à la pérennité de celui qui a  rêvé de « souder son siècle à celui d’Elisabeth », et  y parvint.

Autre exemple des richesses insoupçonnées de l’établissement, les archives Bernard :Tristan et ses trois fils dont le cinéaste Raymond Bernard. Grâce à un scénario retrouvé à la SACD, il a été possible de restaurer les Misérables réalisé par ce dernier en 1934 avec Harry Baur, Charles Dullin, Marguerite Moreno. Jusqu’ici la meilleure adaptation du roman de Victor Hugo.
Faute de temps, nombre de dépôts ne sont pas encore mis en rayons; l’archivage électronique viendra-t-il à la rescousse des bibliothécaires débordés, on peut en douter… Les supports électroniques  se dégradent en effet beaucoup plus vite que le papier ou la pellicule argentique et l’on peut craindre que le tout informatique entraîne des pertes irréparables. Il reste donc aux archivistes du pain sur la planche.

Mireille Davidovici

Bibliothèque de la SACD 5 rue Ballu du lundi au jeudi de 14 à 18 h et le vendredi de  14 à 17 h.   T: 01 40 23 45 20 bibliotheque@sacd.fr Pour en savoir plus, un moteur de recherche multi-critères permet des interrogations par auteur, titre, nombre de personnages, etc.

A Queen of Heart

A Queen of Heart, Music hall, de Juliette Deschamps.

 A Queen of Heart a_queen_of_heartRosemary Standley est la chanteuse franco-américaine, xylophone et kazoo, du célèbre groupe Moriarty. Quand Juliette Deschamps crée pour elle A Queen of Heart, un tour de chant entre classique et jazz, mélodies et chansons, la star décomplexée n’y va pas par quatre chemins pour occuper vaillamment la scène.
De magnifiques rideaux de music-hall, fluides et légers, voltigent entre l’ombre et la lumière, recouverts d’une poussière scintillante d’or. L’accessoire est kitch mais efficace : il propulse le public dans le brillant merveilleux du rêve et de l’imaginaire.
Pour l’apparition de la star sous les projecteurs, les voilages princiers s’ouvrent sur le passage d’une silhouette glamour à l’excès, à la fois moqueuse et généreuse, un rien amusée. Sylvain Griotto, jeune pianiste brun gominé aux allures de gentil ou mauvais garçon – veste manches courtes et queue de pie ailée -, accompagne avec humour la mutine de son répertoire classique et improvisé.
C’est d’abord Marlène Dietrich ou Marylin Monroe – version rousse -  robe à plumes et duvet blancs -côté tutu romantique , que serre violemment à la taille une ceinture pincée
qui force l’admiration du spectateur,. La chanteuse écrit à la craie sur un pan du piano, The Man I Love,de George Gershwin, un titre qu’elle interprète avec une sincérité émouvante.
Accoudée, puis appuyée nonchalamment sur le piano, ou bien les mains sur les hanches pour donner à voir sa silhouette avantageuse, la cantatrice déploie dans les gammes à la fois profondes et célestes, les mélodies les plus diverses. L’artiste use aussi bien de la langue française : La Reine de Cœur et Hôtel de Poulenc, Je ne t’aime pas de Kurt Weill, India Song de Carlos d’Alessio, La Nuit Je mens de Bashung. Elle s’arrête parfois à l’espagnol avec El Negro Zumbon de Armando Trovajoli.
Mais c’est la langue anglaise qui a sa préférence : Johnny Guitar de Victor Young, When I am laid de Purcell, When I ride de Moriarty, Because de John Lennon… Entre-temps, il y a eu une pause dévolue au pianiste qui, après avoir bu une goulée de gnôle,  s’adonne librement à ses propres créations instrumentales, le piano à queue déployé.
À présent, la vedette radieuse à la robe blanche des années cinquante laisse alors place à une icône tout aussi fascinante mais romantique et plus sombre, proche de Rita Hayworth, Billie Holiday ou Nina Simone et , engoncée dans une robe Empire à traîne.
Un présage de malheur, yeux humides et maquillage souillé. En effet, du fond des premières promesses amoureuses-attentes, espérances et plaisirs cachés- la passion de l’excentrique a basculé dans le désenchantement des peines de cœur et l’amertume des pleurs.
La grâce de l’interprète n’a pas pour autant disparu: la chaleureuse Rosemary Standley est fidèle à son art musical céleste, jouant de la profondeur vocale comme de l’élévation inouïe des notes aériennes.
Un tour de chant piquant et acidulé que ne boude nullement le plaisir du théâtre.

Véronique Hotte

Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette 75011 : 01 43 57 42 14 jusqu 11 au 15 septembre 2013 à 20h, dimanche à 17h, relâche le 13 septembre et du 21 au 28 juin 2014 à 20h, dimanche 17h, relâche les 23 et 26 juin. 

Des arbres à abattre

  Des arbres à abattre, d’après le roman de Thomas Bernhard, mise en scène de Claude Duparfait et Célie Pauthe

  Des arbres à abattre des_arbres_a_abattreÀ Vienne dans les années 1980, le narrateur – double de l’auteur du roman Des arbres à abattre – se rend aux obsèques d’une amie de jeunesse qui s’est donné la mort.
À cette occasion, l’écrivain asocial renoue avec des relations qu’il n’a volontairement plus revues depuis trente ans. Ainsi, les époux Augsberger convient le misanthrope à se rendre au dîner qu’ils organisent en l’honneur d’un acteur du Burgtheater.
Sitôt l’invitation acceptée, s’impose au solitaire le regret amer d’avoir consenti par faiblesse à une compromission morale. Comment le protagoniste peut-il prêter de nouveau l’oreille à cette comédie autrichienne bien-pensante qui fait théâtre d’elle-même, lui qui se targue de dénigrer un monde de mensonges ? Cette coterie de créatures est proche de l’artifice et non de l’art, des marionnettes de théâtre manipulées, fascinantes autant que repoussantes.
Comme le héros de Minetti, le narrateur autocritique reconnaît avoir succombé à une idée démentielle, « atteindre son but » en recherchant l’œuvre d’art qui oblige à sortir de la nature et de la société. Amour et haine du théâtre, perte de temps et déploration. L’écriture bernhardienne est envoûtante, inscrite dans un art mobile de la répétition et de la variation dont le rythme n’obéit qu’au souffle dansé d’une parole humaine incertaine.
Claude Duparfait et Célie Pauthe ont choisi d’adapter pour la scène ce roman flamboyant et doux-amer. Malgré un fauteuil à oreilles, accessoire scénique plutôt laid qui en rajoute sur le manque de grâce existentielle, Claude Duparfait incarne un auteur – créateur de théâtre – juste et précis. Le comédien s’immerge dans la coulée verbale de Bernhard avec esprit, à l’écoute sensible des avancées ou des retraits d’une improbable stratégie. Le discoureur honore un rendez-vous lumineux avec le public de théâtre.
Un deuxième temps de la représentation met en situation le spectateur et le narrateur, assis à l’écart, face aux morceaux de bravoure d’un dîner cocasse de suffisance arrogante. Hélène Schwaller en Madame Verdurin d’un salon proustien et François Loriquet en pianiste authentique, sont un couple de musiciens illuminés et égarés dans la contemplation de leur réussite bourgeoise.
À leurs côtés, Michèle Mercier interprète une amie désinvolte, la romancière Jeannie Billroth, qui aimerait qu’on la compare à Virginia Woolf. Fred Ulysse est le comédien magistral du Burgtheater que fustige avec hargne l’invité, même si le premier donne sa confiance à la forêt. Le narrateur aussi aspire à « Entrer dans la nature … et être effectivement et pour toujours chez soi uniquement dans cette nature, c’était cela, il le sentait, le bonheur extrême… »
Des arbres à abattre
, tels des errements à éviter, dont tout homme, arbre de vie et du vivant, fait l’épreuve. Le misanthrope aspire à se retirer dans la forêt, à la façon de Rousseau confessant sa découverte des débuts de l’humanité. Si la cité – dont une société de faiseurs d’art et de théâtre – perd son sens, c’est que l’Histoire éloigne peut-être les êtres de la raison.
Une retraite dans les futaies s’avère nécessaire pour qui veut se retrouver et connaître enfin sa vérité.

Véronique Hotte

Théâtre national de la Colline, 15 rue Malte-Brun 75020 Paris : 01 44 62 52 52 jusqu’au 28 septembre 2013, du mercredi au samedià 21h, mardi 19h, dimanche 16h.

Les accroche-cœurs d’Angers

Festival des accroche-cœurs d’Angers

Voilà des années que la ville d’Angers organise ce festival qui propose à ses habitants plusieurs dizaines de rendez-vous plastiques, mais aussi de musique  et de théâtre  le week-end de rentrée consacré aux habitants de cette belle ville ancienne. Pas de festival off, des milliers de personnes dans les rues, mais une circulation agréable, sauf  le samedi soir  avec un banal et trop long feu d’artifice par France Arts et Feux,  avec un funambule blanc entre les tours du château, accompagné par le Bagad Kemper.
Philippe Violanti, directeur artistique depuis trois ans avait soigneusement concocté un programme autour de l’Ouest.

Little big men par la  Compagnie Sterenn

Assis  sur une pelouse au soleil couchant devant une petite baraque de foire. Le rideau s’ouvre pour laisser apparaître deux hommes en noir qui entament un conciliabule silencieux autour d’une caisse et d’un disque. Jean Lucas (le clown Mr Wilson) et Anthony Gorius, musicien marionnettiste, apparaissent en pupazzi, marionnettes aux corps minuscules, dont les têtes sont celles de leurs manipulateurs.
Grotesques et ridicules, ils nous entraînent dans un petit ballet chinois, jonglent avec des balles blanches, font des exercices athlétiques, se tapent dessus en rigolant et chantent même Nous sommes deux sœurs jumelles  en faisant appel à la participation du public.
Rien de très fin, mais une grande efficacité, du théâtre de foire… comme au bon vieux temps…

Meeting Charlie/ L’art du bricolage de et par Emmanuel Vérité,  mise en scène de Benoît Lambert

Un solo d’Emmanuel Vérité dans la cour du cloître Toussaint en accès libre, où les spectateurs entrent et sortent. Mais cela ne perturbe guère Emmanuel Vérité qui joue Charlie Courtois-Pasteur, un passionné de cinéma et de bricolage. Avec sa chemise à fleurs, sa moustache et son ukulele, son chapeau, ses gants et lunettes, il évoque les vieilles vedettes, Dean Martin, Rahan des BD de notre enfance, L’homme qui tua Liberty Valance, et de vieux souvenirs des années 50…
Le spectacle
n’en est pas à la première représentation et possède  une réelle virtuosité mais est  un peu longuet et tient des lazzi de la commedia del’arte….

Far West 2037par la compagnie Jo Bithume

La compagnie, installée à Angers depuis 82, a fondé et dirigé les Accroche-Coeurs jusqu’en 2009, ainsi que la Paperie, devenu Centre National des Arts de la Rue, qu’ils ont quitté pour se consacrer à leurs spectacles. Far West 2037, « genre  futur simple mais plus ou moins proche » relève des catastrophes spectaculaires auxquelles se livrent malheureusement certaines compagnies qui  élaborent un spectacle pour plusieurs milliers des personnes, comme Générik Vapeur avec  son récent Waterlitz.
Sur une grande tour métallique, se démènent une dizaine d’humains qui tentent de construire une cité radieuse sur une plateforme oubliée des cartes. Les acteurs ont beau se déployer dans tous les sens, se suspendre sur des chariots, lancer des musiques tonitruantes, jeter des sacs de plumes et des confettis, la débilité et l’absence de poésie du texte noyé dans un fracas technique sont  des plus consternantes.
Les coproducteurs n’ont pourtant pas manqué en France, comme en Autriche et aux Pays Bas…

 

Le Cercueil par la  Brigade d’intervention théâtrale haïtienne, Théâtre de l’Unité

Les accroche-cœurs d'Angers uvj_1984   Une nouvelle forme de ce spectacle élaboré il a quelques années par Hervée de Lafond et Jacques Livchine,  a été revisité  pour le Festival des Quatre Chemins en Haïti en 2011,  et avait connu un bau succès l’an  passé  aux Préalables du Festival d’Aurillac à Morjou (Cantal) notamment, voir Le Théâtre du Blog).
C’est une sorte de  rituel funéraire ironique. Puisqu’on essaye une maison, un lit, une armoire avant de l’acheter, pourquoi alors ne pas vivre sa propre mort avant son dernier soupir? Une spectatrice volontaire est soumise à un questionnaire précis: on calcule l’âge probable de sa mort, avant de lui proposer d’essayer son cercueil. Elle se soumet à cette épreuve et la brigade haïtienne se livre à une furieuse déploration dans une danse frénétique étonnante. Le rituel achevé, la « morte » est enfin ressuscitée.
Le Théâtre de l’Unité qui a aussi formé des brigades en Italie, au Niger, au Chili et ailleurs, devrait être accueilli dans le cadre de Tous Migrants aux prochaines Fêtes d’Amiens avec ces artistes venus des quatre coins du monde.

Rives et dérives  par la compagnie Délices Dada, conception  de Jeff Thiébaut 

Comme toujours, Délices Dada nous a concocté une étrange promenade à travers les chemins d’un parc qui borde la Maine. Il faut prendre rendez-vous et l’on nous guide par petits groupes d’une trentaine de personnes jusqu’au bord du fleuve.
Une jeune femme s’est fait couper les pieds par une hélice de bateau, elle est assise devant un coffre attendant de se transformer en sirène. Puis Jean-Daniel traînant un lavabo qu’il doit réparer nous entraîne vers sa sœur qui remplit des seaux d’eau, les filtre et les rejette dans le fleuve.
La purification risque d’être longue…Plusieurs séquences se succèdent au cours de notre marche, un coureur de fond, un capitaine qui a mis pied à terre au moment de sa retraite. Gêné par le vacarme ambiant, ce Rives et Dérives n’a pas la dimension insolite des Visites Guidées ou de la Donation Schroeder.
Comme ils le disent « La poésie au secours ! » Mais ici, on ne l’a pas sentie vibrer.

Rapedondaine  de Ragalendo

Ces quatre mignonnes bretonnes en costume traditionnel avec coiffe  blanche,  en font des tonnes avec leurs guitares, binious, basse, scratch galette, en rappant avec force sonorisation sur le quai des Carmes. Plutôt drôle, mais trop long, trop bruyant et  surtout… pas très intéressant!
On peut toujours s’en aller mais on reste, parce qu’on n’a plus encore l’envie de marcher jusqu’au prochain spectacle.

Le Retour du grand renard blanc,  par Fred Tousch et compagnie.

Le grand Fred Tousch nous fait toujours  rire dans ses plus folles incartades, et ose l’invraisemblance jusqu’à la vulgarité en captivant son public. Nous sommes plusieurs centaines,  assis par terre place de la Rochefoucauld. Fred Tousch est à la recherche du grand renard blanc , avec sa tribu d’indiens musiciens coiffés de fourrures et deux cow girls.
Tout le monde se déchaîne entre deux tippees, autour de la recherche de ce renard blanc introuvable,  incarné par Jean-Pierre Camalessus du Gévaudan, alias Fred Tousch,  enrobé de fourrures immaculées.

Edith Rappoport

 

Anna .

Anna, paroles et musique de Serge Gainsbourg, d’après le film éponyme de Pierre Koralnik, adaptation et mise en scène d’Emmanuel Daumas. 

Anna, nouvellement embauchée dans une agence de pub parisienne,  découvre le milieu des créatifs tout aussi allumés que délurés mais elle traverse la vie d’un pied léger… Anna, ce fut d’abord Anna Karina, l’égérie de la nouvelle vague, qui donna son prénom au septième album de Gainsbourg, lui-même tiré de la bande originale d’un téléfilm diffusé le 13 janvier 1967 par l’ORTF. Elle y incarnait le rôle-titre auprès de Jean-Claude Brialy et Serge Gainsbourg.
Adolescent, Emmanuel Daumas a beaucoup écouté l’album et rêvé autour de l’intrigue amoureuse de cette comédie musicale : un homme tombe fou amoureux de la photo d’une de ses employées qu’il côtoie tous les jours sans la reconnaître.
Si « l’histoire est top », comme dit le metteur en scène, il reconnaît aussi que le téléfilm était « imparfait ». En effet, le scénario est bien mince. Le film tient donc sur une seule et unique idée, le génie de Gainsbourg et la présence magique d’Anna Karina assurant le reste. Adapter au théâtre un film à la dramaturgie incertaine était donc un sacré défi.
Pour ce faire Emmanuel Daumas a réuni une équipe de talent. A commencer par la belle et blonde Cécile de France qui crée une Anna nouvelle qui effaçe progressivement l’image le la brunette des sixties. De réservée et timide, elle s’affirme au fil du spectacle, entonnant, de sa petite voix sérieuse et précise,  le tube Sous le soleil exactement,  swinguant sur Roller Girl  et égrènant, imperturbable, les monosyllabes du joli duo Ne dis rien , malgré les contorsions superflues qui lui sont imposées. En contrepoint, l’interprétation désopilante des deux choristes danseuses (Florence Pelly et Crystal Sheperd-Cross) donnent du peps à ce show musical pop et reflète l’esprit de l’époque. Aidées par les arrangements de Bruno Ralle et Guillaume Siron,   la direction musicale  de Philippe Gouadin et l’habileté de ses musiciens.
Mais les chorégraphes Pierre Rigal et Mélanie Chartreux ont peine à faire évoluer les interprètes dans un décor encombré d’écrans, qui se veut mobile mais devient vite contraignant en dépit de belles idées telles que la projection de vues de Paris sur des panneaux pour figurer la quête effrénée de l’amoureux à travers la capitale ou son étreinte impossible avec l’image virtuelle d’Anna. Un coup de chapeau aussi au dessin animé pop de Mrzyk et Moriceau.
Cependant on est souvent loin de l’esthétique de Blow-up, de Dim Dam dom ou des images de  Jean-Christophe Averty : la prolifération des effets visuels, le kitch deuxième degré des costumes, la lourdeur des chorégraphies produisent une surenchère de signes, et  nuisent  à l’interprétation tout en finesse des comédiens et des musiciens
De bric et de broc, tous ces éléments jouent même parfois les uns contre les autres.  Et le spectacle n’est  pas toujours à la hauteur de ses ambitions…
Cela dit, on prend quand même bien du plaisir à entendre les chansons et la musique de Gainsbourg revisitées ici avec talent.

Mireille Davidovici

Théâtre du Rond Point, 75008 Paris, jusqu’au 6 octobre. Puis les 8-9 octobre 2013, Théâtre du Velllein, Villefontaine (38)-11 octobre, L’Avant-Seine, Colombes (92)-12-13 octobre, la Ferme du Buisson, Noisiel (77)-15-16 octobre, Théâtre d’Angers (48)-18-19 octobre, Théâtre de la Liberté, Toulon (83)-7 novembre, Théâtre de la Comète, Châlons-en-Champagne (51)-9-10 novembre Théâtre de la Ville de Luxembourg (Luxembourg)-13-17 novembre Théâtre communautaire d’Antibes (06)-21-23 novembre, Théâtre de Liège (Belgique)-26-30 novembre, Théâtre de Namur (Belgique)-3-4 décembre, Théâtre de Charleroi (Belgique)-6 décembre, Théâtre municipal de Roanne (42)-10-14 décembre, Comédie de Saint-Etienne (42)-17-18 décembre, Le Colisée Roubaix-20 décembre, Le Moulin du Roc, Niort (79)-21-22 décembre, Le Grand R, La Roche-sur-Yon (85)-8-11 janvier 2014, Théâtre national de Toulouse (31)-14-19 janvier, Grand Théâtre d’Aix-en-Provence (13)-22-23 janvier, Théâtre de Sète (34)

Pour en savoir + www.anna-le-spectacle.com

http://www.dailymotion.com/video/xztx52

Ferré Ferrat Farré

Ferré, Ferrat, Farré, textes et chansons de Léo Ferré, Jean Ferrat, Jean-Paul Farré, mise en scène de Ghislaine Renoir.

 

Ferré Ferrat Farré jpfarre_mg_5042 Il ne s’embarasse pas Jean-Paul Farré ! Quand le vocabulaire n’y suffit pas, il invente ses mots, et le néologisme du jour lui va bien. Votez poélitique ! clame-t-il, quand il présente sa candidature à l’élection du Président de la chanson Poélitique.
Côté jardin, il y a un piano à queue; une impatience à la boutonnière, le candidat attend ses musiciens retardataires. Arrivent en trombe, violoncelle sur le dos, Florence Hennequin, qui s’installe aussi vite, suivie de Benoît Urbain, qui se fait une place au piano et, qui, plus tard,  jouera aussi de l’accordéon.
Séquence avec dialogues de régulation entre eux, balance des instruments avant la répétition, puis conseils avisés des musiciens chargés d’aider à la composition d’un programme qui conduise le candidat au succès.
Et sa campagne électorale emprunte les chemins de poésie et d’anarchie, chers aux grands. Ironique, politique et poétique, Farré/Méphisto pose son habituel frac (sa marque de fabrique) et leur emboite le pas.
Et, entre les maillons du scénario, il ose Ferrat : On ne voit pas passer le temps, Tu verras tu seras bien, Je ne suis qu’un cri, Horizontalement et même Nuit et brouillard, dans un puissant contre-jour. Et il ose aussi  Ferré : Mon piano, Si tu t’en vas, C’est extra, L’âge d’or, Les poètes, Monsieur tout blanc, Les anarchistes. Et il ose enfin  Farré...
Et il a raison. De Ferrat et Ferré, il restitue les textes dans un phrasé parfait qui distille les mots – quel plaisir ! A sa manière, il nous permet de l’entendre lui, sans référence obligée à la version originale.
Ses propres textes ont une même force poétique, comme Paris et son guide où il indique aux touristes égarés les théâtres de la capitale, du Théâtre des Champs Elysées à celui du Châtelet. De la cour au jardin, jouant avec malice sur les extrêmes aigus du piano. Il rejoint sur le même thème Regarde-toi Paname de Ferrat, et Paris c’est une idée de Ferré. En fond de scène, une guirlande  lumineuse et clignotante en forme de grande dame de fer.
Son train pas comme un autre, une  fable où un président de la République tombe d’un train et se retrouve en pyjama de soie sur le ballast, est savoureuse et bon enfant et ses quatre vérités sont d’évidence: « Le bonheur c’est quand le chagrin se repose», ou encore : « Je déteste l’heure d’été, soixante minutes de perdu, du temps volé»… Tous ces moments made in Farré sont de pure poésie, comme aussi cette séquence musicale pour boîte à musique, à la manière d’une Symphonie des jouets (création sonore de Clément Lopez).
Un scénario malicieux, d’extraordinaires musiciens complices de Farré et un savant arrangement musical d’Isabelle Zanotti, participent de la réussite de cette soirée poélitique,  où se côtoient la gravité et le ludique, l’ironie et la tendresse, sur les pas de Ferrat et de  Ferré.
Courez-y! Jean-Paul Farré a un sacré tempérament-on le sait depuis longtemps-mais  il est ici très émouvant.

Brigitte Rémer

Vingtième Théâtre, 7 rue des Platrières, 75020. Métro : Ménilmontant, du mercredi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h, jusqu’au 13 octobre. Tél : 01-43-66-01-13, www.vingtiemetheatre.com et Compagnie des Claviers, cie.claviers@club-internet.fr

Adieu Valérie Benguigui

Adieu Valérie Benguigui,

Elle avait 47 ans et a succombé à un cancer du sein; elle  avait fait  partie de la toute première promotion de L’Ecole du Théâtre national de Chaillot alors sous la direction de Jérôme Savary, décédé lui aussi cette année- et dont je fus  le directeur. C’est elle qu’Andrejw Severyn, qui était l’un de ses professeurs, avait choisie pour être la Princesse de France dans Peines d’amour perdues de Shakespeare dont il avait assuré remarquablement  la mise en scène.
Dans ce rôle, elle s’était  vite imposé, encore débutante dans le métier, avec une sensibilité  et une majesté incomparable, entourée par une bande de jeunes comédiens, enthousiastes à l’idée de jouer Shakespeare. C’est cette image que nous retiendrons surtout d’elle… Et nous nous souvenons que l’émotion était palpable dans le public quand un envoyé venait lui annoncer la mort brutale de son père
Cette création, d’abord présentée en travaux d’élèves à Chaillot, avait connu un beau succès et Bernard Sobel l’avait ensuite invitée à Gennevilliers, avec l’aide de Savary,  après avoir été jouée au Festival de Blaye. Pour tous ces jeunes acteurs, cela avait été à la à la fois une belle aventure artistique et un formidable cadeau.
Ensuite Valérie Benguigui avait surtout joué au cinéma, notamment pour des séries, comme  Avocats et associés  et Kaamelot. Ellle avait mis en scène plusieurs spectacles de Valérie Lemercier et de Charlotte de Turckheim et  elle avait aussi été Babou, un des personnages du film Le Prénom où jouait aussi Patrick Bruel, et pour lequel elle avait reçu le César 2013.

Philippe du Vignal

Les obsèques de Valérie Benguigui auront lieu demain vendredi au cimetière du Père Lachaise à  15 heures.

La tribu des Carcana

La Tribu des Carcana en guerre contre quoi d’Armand Gatti, mise en scène d’Armand Gatti et Mohamed Melaa.

Créée au Festival d’Avignon en 74, à Théâtre Ouvert  (avec,  entre autres,  Olivier Perrier et Paul Allio), la  pièce  vient d’être reprise pour deux soirées à la Maison de l’Arbre par Mohamed Melaa, professeur à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, sous l’oeil  vigilant de Gatti.
Il est là  assis, toujours aussi jeune… à plus de 90 ans, avec son éternel  foulard rouge. Sur scène,  douze jeunes acteurs/ musiciens, onze  filles et un garçon en noir; à cour et à  jardin,  deux grands portraits de Durruti et  Antich, anarchistes espagnols exécutés par les fascistes, que Carcana et sa tribu avaient tenté de sauver.
Au centre du plateau, une  tour métallique que les comédiens escaladent pour crier leurs  convictions. Les acteurs se présentent un par un. L’énergie qu’ils déploient pour retracer le parcours de cette tribu Carcana jusqu’à la colonne Durruti est salutaire, et  élude les obscurités de ce texte qui s’interroge : « Qu’est-ce qu’un militant révolutionnaire ? Pour y répondre, nous avons réuni un premier tour : Louise Michel-Antonio Gramsci-Pierre Overney-Augusto Sandino-Ulrike Meinhof-Malcom X-Raymond Carcana-Darius Dessasis-Nguyen Van Troy. » Les militants inconnus l’ont emporté sur les célèbres.
Malgré les obscurités et les incompréhensions dues à  la rapidité du fleuve de mots lancés par ces jeunes comédiens, on ne décroche pas des images et des chants révolutionnaires dont on garde la nostalgie. Gatti,  vieux chêne rajeuni,  rayonne quand il vient saluer avec les acteurs.

Edith Rappoport

 Maison de l’Arbre de Montreuil, 30 août

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