Horribilis

 Horribilis par la compagnie Gravitation.

Horribilis horribilisNous cheminons le long d’un canal avant de découvrir cette médiathèque et salle de spectacles moderne édifiées à la sortie de Baumes les Dames. La compagnie Gravitation créée en 1994 par Fabien et Jean-Charles Thomas se consacre à des publics qui ne fréquentent pas les institutions, elle aime aller à la rencontre des  « vrais gens » en dehors des théâtres.
Nous avions découvert avec plaisir Vendez tout au Château de Joux, il y a une dizaine d’années, puis Monsieur Kropps, un débat sur l’habitat collectif à la Franc Comtoise de rue au Festival Chalon dans la rue en 2012 et aussi Le village d’à-côté dans le Nord Pas de Calais. Gravitation aime dialoguer avec les spectateurs avec un humour décapant.
Horribilis se présente comme une vraie/fausse conférence sur les films d’épouvante pour des enfants qui en ont « assez de Tchoupi et Doudou ». Une jeune femme interpelle les enfants assis autour d’elle pour leur demander ce qui leur plaît dans ces films d’horreur qui sont généralement interdits aux moins de 12 ans.
Avec l’aide de son acolyte,  elle va leur démontrer ce qui fait peur dans Frankenstein, Dracula, et dans les histoires de loup-garou et le maisons hantées. La lumière, la musique, les accessoires et les maquillages, le faux sang, autant de moyens de terrifier le public. Des extraits de films, des démonstrations comiques avec des visages aux dents de vampire et le travestissement de son partenaire provoquent les rires salutaires et joyeux d’un public très majoritairement adulte qui remplit la salle.

Edith Rappoport

Compagnie Gravitation, Centre d’Affaires et de Rencontres de Baume les Dames

http://gravit.org


Archive pour octobre, 2013

Cyrano de Bergerac

Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand,  mise en scène de Georges Lavaudant.

 

Cyrano de Bergerac cyranoUn rôle titre de plus de 1.400 vers, cinq  décors,  des  actes  de style  très différent qui vont des scènes d’amour à la grande bataille d’Arras, et un grand nombre de personnages, dont trois principaux, Cyrano, Christian et Roxane jeunes encore, puis quinze ans plus âgés.
Des  costumes d’époque  qui donnent la couleur à la pièce, et un texte qui,  pour être formidable,  est  en général très peu  apprécié des universitaires!  Ce qui est plutôt bon signe.
Notre amie, elle,  Christine Friedel  ne renie pas la pièce mais pense qu’un Cyrano tous les dix ans, cela suffit…Pas de pot, après celui de Gilles Bouillon, puis celui de Dominique Pitoiset repris en janvier  au Théâtre National de Bordeaux, qui va être dirigé par Catherine Marnas, voici celui de Georges Lavaudant
.
C’est en tout  cas  la seule pièce française qui soit encore plus que l’Avare, très populaire et  devenue comme une sorte de petit trésor collectif que les générations se refilent, et qui est sans cesse reprise depuis sa création triomphale en 1897.  Tout le monde l’a lue ou étudiée à l’école,  vue au théâtre ou du moins au cinéma.
C’est  écrit en alexandrins parfois faciles et un peu mirlitonesques, où on a parfois l’impression que  Rostand se moque de lui-même, et la pièce a quand même des longueurs, surtout au début. A la fois bourrée de fantaisie et absolument tragique: à la mort de Christian et le désespoir de Roxane, et à celle de Cyrano, il y a toujours un  grand silence rare dans la salle! 
Rostand,  encore jeune écrivain a su,  avec un sens de la dramaturgie redoutable,  mettre en scène un personnage des plus attachants, qui sait qu’il va perdre, et qui dépense beaucoup d’ énergie  à se lancer dans des rêves inaccessibles. Pour la beauté du geste,  la seule chose qu’il réussit à faire. Comme il le dit lui-même, il aura tout raté , même sa mort digne d’un fait divers et non d’un militaire.

Et les quatre  amoureux:  Christian mourant,  Cyrano mourant aussi mais plus tard,  comme  de Guiche  et Roxane, comme devenue deux fois veuve, sans enfant, retirée dans un couvent, seront eux aussi  tristes et déçus par une  vie qu’ils n’auront pas réussi à maîtriser!
Il ne restera donc personne pour témoigner  de leur  combat et de leur grand amour sans issue. L’échec et la mort sont  au bout du chemin de ces quatre  personnages don Quichottesques. Rostand connaît les bonnes et vieilles grosses ficelles  qui faisaient autrefois pleurer Margot,  et maintenant des petites filles qui s’appellent Mélanie ou Léontine…
Georges Lavaudant, qui a une sacré parcours-il aura  monté Shakespeare mais aussi Pirandello, Brecht, Labiche et Feydeau mais aussi des écrivains contemporains comme Jean-Christophe Bailly ou Michel Deutsch- a créé ce Cyrano pour Les Nuits de Fourvière donc pour le plein air, dans une version moins classique. Avec une scénographie des plus légères. Il lui aurait été impossible évidemment d’y installer des décors imposants qui n’auraient pas fonctionné  dehors et  il a demandé à Vergier son scénographe, de lui recréer juste un  bosquet d’arbustes  verts qui servira à tout et en particulier à la fameuse scène du balcon, et quelques bancs, et aussi quelques vidéos en surimpression. Ce qui fait quand même un peu pauvret…C’est comme un curieux cas d’école: comment monter Cyrano dehors avec des moyens, somme toute,  limités?Bon exercice pour les élèves scénographes des Arts Déco.
Lavaudant a  coupé tout le début du texte et il a sans doute bien fait; il a aussi  raccourci un peu certaines scènes, de façon à gagner du temps et à pouvoir supprimer l’entracte. Mazis de temps en emps, cela sent quand même les coupes. Et il a introduit une sorte de rupture radicale en choisissant des costumes dits d’époque et d’autres tout à fait contemporains, ce qui n’était sans doute pas la meilleure idée du siècle mais bon…
On a donc affaire à une sorte de lecture personnelle format poche de Cyrano où tout est recentré sur l’interprétation de Cyrano par  Patrick Pineau, et de Roxane par Marie Kauffmann, comme s’il avait craint que les personnages ne soit étouffés par les autres et par les nombreux comparses.

Et cela donne quoi? Côté scénographie, passent un peu à la trappe les scènes dans la pâtisserie de Raguenau comme le siège d’Arras et l’unité donné par  ce bosquet d’arbres- pas très réussi sur le plan plastique- est un peu artificielle. Certes,  monter Cyrano est aussi une épreuve budgétaire! Ici, les cadets de Gascogne sont en nombre limité. Et le panache et  le faste, qu’on le veuille ou non,  font partie du plaisir visuel qui disparait un peu dans cette version janséniste…
On repense  aux magnifiques toiles peintes de Michel Lebois pour la mise en scène de Jérôme Savary,  et sur un plateau, on peut suggérer bien des choses sans pour autant l’encombrer de carrosses et de nombreux  accessoires.

Aux meilleurs moments, on retrouve la verve du langage de Rostand  et Lavaudant a  bien traité les scènes d’amour, et la mort de Christian comme celle de Cyrano. Mais la grande salle de Bobigny n’est pas un cadeau en matière d’acoustique,  et comme Patrick Pineau boulait souvent son texte- la fatigue en fin de semaine?-on ressort de là quelque peu frustré. D’autant qu’il n’est pas très fameux dans les grandes tirades, et celle du nez- abrégée par Lavaudant comme s’il avait craint qu’il n’y arrive pas- est carrément ratée.
La jeune personne de neuf ans assise pas très loin de moi, a déclaré à la fin:  » C’est bien, mais on ne comprend pas  tout  ce que disent  les acteurs. Ils parlent trop vite et c’est dommage ». Il faut toujours écouter les enfants, Monsieur Lavaudant…
Alors à voir? Oui, pour les scènes avec dialogue, le reste- c’est à dire les scènes de groupe est vraiment un peu juste et vous risquez d’être déçu. A vous de décider…

Philippe du Vignal

Spectacle vu  à la Maison de la Culture de Bobigny  et actuellement en tournée.Le Grand T – Nantes7 < 16 Novembre 2013-Le Carreau, Scène nationale de Forbach et de l’Est Mosellan19 < 20 Novembre 2013-L’espace des Arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône.27 < 30 Novembre 2013-Les Gémeaux – Scène nationale de Sceaux.4 < 15 Décembre 2013-Scène nationale de Sénart.17 < 20 Décembre 2013-Théâtre de L’Archipel – Perpignan.9 < 11 Janvier 2014-La Criée – Théâtre National de Marseille.15 < 18 Janvier 2014-Maison de la Culture d’Amiens.22 < 24 Janvier 2014-La Comète – Scène nationale de Châlons-en-Champagne.27 < 28 Janvier 2014-Théâtres en Dracénie.31 Janvier < 1er Février-Sortie Ouest – Béziers.6 < 9 Février 2014-La Filature, Scène nationale de Mulhouse.12 < 14 Février 2014

Image de prévisualisation YouTube

Borderline

Borderline,  chorégraphie de Sébastien Ramirez en collaboration avec Honji Wang

Borderline photo2Ce n’est pas la première fois que l’on fait se mouvoir des danseurs au bout de câbles, mais ici ces jeux suspendus s’associent à d’autres formes de danses moins couramment accueillis dans les institutions, le hip hop, et la break dance, dont le chorégraphe est issu.
Avec sa compagne Honji Wang qui vient de la danse classique et urbaine, il a conçu ce spectacle pour trois danseurs et deux danseuses dont elle-même.
Cette chorégraphie se situe à la lisière de différentes formes de danses, mais ce que l’on retient ici, ce sont les moments où les danseurs se jouent de la pesanteur grâce à un système très élaboré de poulies et de câbles, dirigées par  un responsable du gréage.
Parfois des mouvements  de break danse sont initiés avec une belle énergie,  en solo, en duo ou en trio, ce qui  permet aux danseurs de retrouver le sol. D’une  présence physique certaine sur ce plateau nu,  parfois occupé par  une sorte de mobile géant en forme de cube sans cloisons, les artistes ne s’économisent pas.
Il est difficile de trouver le lien dans cette succession de tableaux  et l’accompagnement musical  est du même ordre : plaisant mais quelque peu inclassable. D’autant que des fragments de textes nous ramènent à la «vraie vie», confidences du père ouvrier du chorégraphe, ou  témoignage sur une irruption de policiers dans une classe, sont peu compréhensibles…
Ce patchwork, qui manque  réellement d’unité, comporte de beaux moments mais cela suffit-il à faire un  spectacle?  Un travail dramaturgique  approfondi donnerait sans doute plus de valeur à ces performances dansées.
Malgré tout,  le public semble ravi et fait chaque soir un bel accueil à cette jeune troupe.

Jean Couturier

Au théâtre des Abbesses jusqu’au 31 octobre

Le Banquet de la vie

Le Banquet de la vie, mise en scène de Léa Dant.

Le Banquet de la vie banquet  Le Théâtre du Voyage intérieur a été invité à présenter sa dernière création  à l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Val de Seine installée en partie dans la SUDAC, une  ancienne usine d’air comprimé sur les bords de Seine. Son ancienne cheminée toute de briques rouges, bien restaurée est à elle-même une belle sculpture.
Nous sommes une trentaine à patienter dans un hall,  une bouteille ou un gâteau à la main,  puisqu’il était demandé de venir au spectacle avec quelque chose à boire ou à manger.
« Ce spectacle, comme il était dit sur l’invitation, sera un banquet, pour célébrer la vie et se nourrir.Se nourrir de nos expériences de vie mutuelles. De nos regards différents portés sur l’existence. Vous êtes invités à vous attabler en cercle autour d’un banquet foisonnant et baroque ».

Dans un grande halle haute de plafond,  une table en rond, avec  une cinquantaine de couverts bien disposés  et,  au-dessus, des guirlandes lumineuses et quelques projecteurs. Aucun comédien repérable, du moins au début, mais des gens en tenue de ville. Chacun  a déposé son gâteau ou sa bouteille. C’est plutôt sympathique, même si un quart des places  reste vide, ce qui fait toujours un peu désordre…
L’idée du repas partagé, avec des interventions de comédiens assis parmi les spectateurs disant des fragments de texte ou  chantant des airs,  n’est pas neuve mais peut être efficace. Le Théâtre de l’Unité autrefois,  avec Noce et Banquet au festival d’Avignon au bord de la piscine d’une luxueuse maison provençale,  avait bien réussi son coup, comme  Catherine Marnas, entre autres,  avec un bon repas italien dans une salle de  château,  au Festival A Corte de Turin ( voir Le Théâtre du Blog).
Ici, il y a un effet de surprise bien amené de théâtre dans le théâtre. Qui est acteur, qui ne l’est pas? Les textes visiblement sortis  d’un atelier d’improvisation à partir d’histoires vécues,  sont  plutôt bien dits et,  même s’ils ne sont pas très  passionnants,  on écoute en grignotant quelques petits trucs. «  La nourriture présente sur la table, est riche du sens à transmettre et véhicule de sensations et d’actions rituelles partagées. Chacun aura accès à la poésie du vivant, et ensemble nous chercherons à vibrer de vie, de plaisir, d’émotion » dit encore le programme…
Mais, en fait,  côté nourritures   spirituelles, cela tient de l’effet d’annonce et on reste un peu beaucoup sur sa faim dans ce grand hall trop sonore…Il 
y a pourtant quelques belles idées  comme  celle d’une boîte à rêves où chaque spectateur est invité à écrire son rêve sur un petit carton  mais la lecture de  ces rêves à la fin n’est pas exploitée. Dommage! A la fin,  il y a un petit bal où les cinq comédiens essayent d’entraîner les spectateurs…
C
ôté nourritures physiques, les gâteaux ou mets apportés par le public ne passent pas vraiment  autour de la table, et le partage  ne se fait donc pas! Dommage aussi … Quand  au banquet et à la possibilité d’un voyage intérieur, annoncés, ils font  pschitt, sauf à de trop rares moments…
Il faudrait sans doute que Léa Dant  fasse  les choses plus simplement: d’abord resserrer cette table ronde trop grande où les bonnes intentions se dispersent, servir  une simple assiette de spaghettis à tout le monde,  plutôt que de faire partager  des choses sous plastique apportés par le public (ce qui créerait déjà une communauté) recentrer les choses sur quelques  histoires et aérer le tout avec quelques musiques jouées en direct.
Le spectacle devrait sans doute s’améliorer quand il sera repris mais, pour le moment, le compte n’y est pas vraiment… Léa Dant, encore un effort!

Philippe du Vignal

Spectacle présenté en avant-première à l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Val de Seine.

 

La biennale de Venise 2013

Biennale de Venise 2013: pavillon de Venise.

La 55eme Biennale de Venise, avec  88 pavillons nationaux,  est installée de l’Arsenal aux “Giardini” (jardins environnants), avec aussi des happenings  dans toute la ville. De jeunes artistes côtoient  les plus confirmés. Cette année, le pavillon de Venise regroupe trois grands noms : Fortuny, Bevilacqua et Rubelli, entreprises artisanales d’une qualité rare qui, malgré la conjoncture actuelle, produisent et créent toujours à Venise.
Chacune de ces  entreprises a ses invités. Le directeur artistique de  Fortuny, Pietro Luneta, explique son choix: deux artistes, un de l’Est et un de l’Ouest, qui  ont été sélectionnés pour le voyage qu’ils offrent à travers leurs créations.
Le groupe russe AES+F  a été  créé en 1987 par Tatiana Arzamasova, Lev Evzovich, Evgeny Svyatsky, rejoints en 95 par le photographe Vladimir Fridkes qui vivent et créent à Moscou. Leur travail est fondé sur la photographie digitale, la vidéo mais aussi le dessin, la sculpture et  la peinture.  Ils avaient déjà présenté à la Biennale de Venise  une vidéo Last Riot, et,  en  2011, Allegoria Sacra, la dernière partie d’un projet, a été exposée au musée d’art du multimedia à Moscou pour la Biennale d’art contemporain.

   Ici, c’est l’élégance de leur photographie digitale qui a été retenue. On découvre des photos-tableaux de la taille d’un grand mur.  La qualité et la réalité des visages et des corps de modèles vêtus de tuniques blanches ou en couleurs qui se distinguent dans leur forme et dans leur pose,   sont un témoignage d’innovation en matière de créations digitales.
Pour le directeur artistique, elles sont un hommage à la vision et à l’invention du maître des lieux, Mariano Fortuny. ( voir l’article consacré au musée Fortuny dans le Théâtre du Blog).
Chaque photo digitale est un tableau qui nous projette dans une histoire.  Mais l’Iranienne Anahita Razmi,  est seule à présenter une  création avec à la fois vidéo et tableau  comme supports, et  un objet iranien à l’intérieur,  qui symbolise  l’isolement de son pays. Deux mondes s’opposent et nous offrent  un voyage artistique et esthétique différent à comprendre.
« Un artiste, dit Pietro Luneta,  sait que la route à parcourir pour une création est faite de beaucoup de solitude et d’incompréhension”.

Nathalie Markovics

Biennale de Venise jusqu’au 24 novembre.

D à Honnô-ji, Dancing, Drawing, Drumming

D à Honnô-ji, Dancing, Drawing, Drumming.

 

D à Honnô-ji, Dancing, Drawing, Drumming attachment-1  Cent cinquante spectateurs assis sur des gradins en forme de L entourent un ensemble d’instruments de percussion, en bas d’un plateau, avec,  en fond de scène, une toile blanche de plus de dix mètres de longueur.
Le spectacle a été créé à Kyoto en mai dernier  pour la commémoration des six cent  ans d’un des temples les plus connus au Japon,  le Honnô-ji. C’est une performance chaque soir unique, qui associe trois artistes, une percussionniste , Kuniko Kato, un danseur , Kim Itoh, et un peintre,  Minoru Hirota.
Au  début et à la fin du spectacle, des chants de cérémonies boudhiques Shômyo, sont interprétés par deux moines.
La percussionniste  passe d’un instrument à un autre : des tambours, à des baguettes utilisées comme  fouets sonores qui donnent le rythme musical à l’ensemble,  à partir d’extraits de Xenakis, et de morceaux improvisés. Le danseur,  très impressionnant avec son crâne rasé, et  un bandeau noir masquant le traumatisme ancien d’un œil, occupe seul la scène dans une improvisation dansée.
Le peintre, lui,  va successivement utiliser des fusains, des peintures acryliques ou des feuilles d’or, pour fixer sur la toile les mouvements du danseur et de la percussionniste. Il voit le danseur le plus souvent de dos,  et, de ce fait, son  visage n’apparaît pas sur la toile.
Le peintre semble précéder,  dans ses esquisses, les gestes du danseur. Et chacun des trois artistes joue sa partition en phase,  ou en décalage par rapport aux autres. Le spectateur de cette performance originale fondée sur des improvisations, est  soumis à différentes stimuli, ce qui suppose une  attention  constante et qui peut induire un problème de rythme. Le soir de la première, vingt minutes se sont ajoutées  au quatre-vingt-dix  initialement prévues…
Cela fait partie des risques liés aux aventures artistiques que propose la Maison de la Culture du Japon mais qu’il ne faut cependant pas à hésiter à tenter.

 

Jean Couturier

Spectacle joué le 25 et 26 octobre à la Maison de la Culture du Japon.

http://mcjp.fr

 

Mademoiselle Else

Mademoiselle Else, texte d’Arthur Schnitzler, spectacle d’Alma Palacios et Franck Vercruyssen.

 

Mademoiselle Else mademoiselle-else-1-tim-woutersMademoiselle Else est une nouvelle singulière d’Arthur Schnitzler, publiée en 1924. Si ce n’est des  bribes de dialogue, l’œuvre n’est composée que de la parole intérieure d’Else, une jeune fille de la bourgeoisie viennoise  pour quelques jours en vacances à San Martino, une station thermale italienne.Le temps passe agréablement, entre le court de tennis où elle joue avec son cousin, et salutations polies à l’élégant Dordsey, un riche marchand d’objets d’art, flanqué de sa femme visible et  sans doute d’une maîtresse cachée.
Else commente avec gourmandise cet entourage estival conventionnel à l’extrême. La satisfaction de ce bourgeois, croisé à des dîners, irrite la jeune fille, d’autant qu’elle est pleinement consciente des ravages de sa beauté sur les sens en alerte de ce personnage qui se révèle grossier.
Pourtant, dans  ce paysage sylvestre et montagneux, « l’air est comme du champagne », comme le dit, satisfait, Dorsey, avec son éternel sourire. De son côté, Else est libre, fière et altière, posture subversive en ces temps policés de domination masculine. Elle a appris le piano et les langues étrangères, et ne partagerait jamais sa chambre avec son mari ni avec ses nombreux et futurs amants.
La vie de luxe lui convient et elle aimerait ne pas rentrer chez elle en ville. Elsa se moque d’elle-même et de son incapacité à travailler. Mais la jeune rêveuse retombe brutalement dans la réalité quand  elle est sommée par  sa mère de demander à ce fat de Dordsey une somme conséquente pour sauver son père avocat de la ruine.
Partagée entre la fidélité paternelle et l’impossibilité de consentir au moindre désir du marchand d’art, la jeune fille narcissique et enfant gâtée fait en même temps preuve d’intelligence. Elle a un certain goût pour la solitude et la dimension tragique,  et a donc aussi la possibilité de choisir sa mort. Chacun est seul et a peur de l’autre, le reste n’est que plaisanteries. Dévergondée sans doute, mais putain, non, pense-t-elle.
Dirigé par Franck Vercruyssen du tg STAN qui accompagne aussi cette figure féminine en  jouant tous les autres personnages-il suffit d’un geste, d’un vêtement, d’un accessoire, d’un accent marqué, ou d’un signe comique pour les identifier- le spectacle est interprété avec noblesse et grâce, par la svelte et lumineuse Alma Palacios formée chez Anne Teresa de Keersmaeker.
Imprégnée d’une indifférence énigmatique qui attire d’emblée le regard comme la lumière-le sentiment de sa liberté triomphante-la danseuse se révèle être une comédienne attachante, fixant le public quand elle se parle à elle-même, l’interpellant, l’obligeant à s’interroger et à réfléchir, à peser le poids de toute existence avec ses idées, ses valeurs, ses sentiments, ses désirs.
Un bel exercice d’éveil à la conscience de soi, hors des clichés et des repères bien-pensants…

 Véronique Hotte

 Théâtre de la Bastille. T : 01 43 57 42 14  les 26, 27, 31 octobre et 1er, 2 novembre  et du 28 janvier au 8 février 2014. 

 

Résumons-nous la semaine a été désastreuse

Résumons-nous, la semaine a été désastreuse d’après Chroniques de La Montagne d’Alexandre Vialatte, adaptation de Jacques Nichet, mise en scène de Charles Tordjman.

Résumons-nous la semaine a été désastreuse vialatteLe temps passe trop vite et nous n’avions pas encore eu le temps de vous parler de ce formidable spectacle- surtout ne le ratez pas-qui a a été créé au printemps  dernier au Théâtre Vidy-Lausanne;
Intelligemment adapté des Chroniques (environ mille) qu’Alexandre Vialatte (1901-1971), Auvergnat de souche,   écrivit
à partir de  1952 jusqu’à sa mort pour La Montagne,  le grand quotidien d’Auvergne.
Nous ne les avions découvertes qu’en 66 dans le Cantal quand notre  vieille voisine et amie nous refilait le journal de la veille, une fois rapidement lu, qui avait aussi des petites annonces  parfois  savoureuses du genre: « A vendre: robe de mariée n’ayant  servi qu’une fois ».
Charles Tordjman a mis en scène cette série d’extraits avec beaucoup d’humour et de savoir-faire. Rien ou pas grand-chose sur le plateau mais la présence de trois acteurs hors-pair qui, très bien dirigés,  se réjouissent à l’évidence, de donner corps à ces petits textes, parfois proches d’Alphonse Allais et écrits à la virgule près, et très ciselés. Mieux vaut oublier la scéno avec une espèce de petite grue inutile:  pas grave…
L’essentiel est ailleurs: Christine Murillo, Dominique Pinon et Julie Pilod sont excellents. Dans des personnages hors-norme, déjantés, les comédiens-diction et gestuelle impeccable-sont très à l’aise. Avec  un jeu, précis, qui correspond tout à fait au style comme à la pensée de Vialatte, romancier, journaliste mais aussi et surtout germaniste et  traducteur de Kafka, Nietzsche, Goethe, Brecht, Thomas Mann.. « C’est,  comme le dit très bien Tordjman, un théâtre comme une promenade, une flânerie en philosophie, en morale et en humour d’une rare délicatesse »

Vialatte adorait s’en prendre au conformisme ambiant, à cette soif de confort qui faisait croire à ses contemporains que c’étaient les recettes du bonheur… Il y avait chez lui une sagesse de vieux paysan qui ne n’en laisse pas conter et qui a surtout  quelques bêtes noires: le confort, la soif stupide de modernité et la bêtise humaine camouflée.
Il avait vécu avec horreur la défaite de 40 et avait dû être hospitalisé dans un hôpital psychiatrique. C’est dire qu’il n’avait plus guère d’illusions sur l’humanité: « On brise tout parce qu’on veut faire du neuf. On a donc l’illusion de pouvoir tout remplacer ». « L’homme serait un roseau pensant. Disons un roseau pensif… Ou même songeur… Disons un salsifis songeur. »
Mais Vialatte avait continué  tout de même, malgré la mort de sa femme, à savourer  la vie. Pensant peut-être à  Eschyle dans Les Perses: « Vieillards, jouissez chaque jour des joies que la vie  vous apporte car l’argent ne sert à rien chez les morts ». 

Et c’est bien d’avoir donné à entendre au théâtre un choix de ces Chroniques: Vialatte, même si son nom ne dit  rien aux jeunes générations, est resté un prodigieux conteur, quelque cinquante ans après ses Chroniques, depuis réunies et éditées: il aime raconter des histoires sur  la guerre,  la vie quotidienne, les animaux ou le dernier film qu’il a aimé, et propose même des solutions pour  s’accommoder de vacances pluvieuses…
Pas tendre, le Vialatte!  Et sans aucun doute  mordant, voire cynique  mais jamais amer, et généreux  malgré une lucidité impitoyable:  » L’homme moderne est devenu granuleux. » ou:  » Le poids de la question dépend de la densité de celui qui la pose ».
Et ses Chroniques se terminaient par le célèbre : « Et c’est ainsi qu’Allah est grand ».  Sans aucune connotation politique, ce qui ne serait plus guère possible aujourd’hui…
En ces temps de morosité et de désespérance, cela fait du bien de retrouver l’humour cinglant d’Alexandre Vialatte! On ressort de là,  comme plus intelligent et tout ragaillardi.
Allez, une dernière pour la route: « « Manger de l’ail; ça rajeunit l’organisme et ça éloigne les importuns ».

Philippe du Vignal

Théâtre de la Commune d’Aubervilliers Métro : Aubervilliers-Pantin-Quatre-Chemins. T: 01 48 33 16 16. Et  le 3 décembre  au Théâtre Jean-Arp à Clamart; les 6 et 7 décembre  aux Escales de Clermont-Ferrand; du 17 au 20 décembre  au Théâtre de la Manufacture, C.D.N. de Nancy. Le 17 janvier à la Scène nationale de Sète.  Et Les 28 et 29 janvier  au Grand Théâtre de Luxembourg. Enfin, du 4 au 7 février  à la Comédie de Picardie.

www.theatredelacommune.com



Ring de Léonore Confino

Ring de Léonore Confino, mise en scène de Catherine Schaub.

Ring de Léonore Confino 64312_5C’est en quelque 75 minutes, dix-sept courtes scènes qui mettent  en jeu un homme et une femme  qui se débattent et qui bricolent avec leurs envies sexuelles, leurs sentiments et leurs frustrations. Malgré les efforts de chacun pour vivre  avec l’autre, bref,  ce qu’ on voit tous les jours.
Sur le plateau, juste un grand lit comme unique décor, qui va servir de ring au rude combat d’abord érotique puis plus conjugal et qui  vire  à l’anéantissement du couple.
  Audrey Dana et Sami Bouajila-l’acteur bien connu du film Indigènes et qui a joué aussi au théâtre-ont du métier (parfois un peu trop: on est souvent  à la limite du sur-jeu) et la direction d’acteurs est, comme on dit, honnête. Et  ce marivaudage à la sauce contemporaine  au dialogue ciselé,  écrit par une jeune auteure de trente et un ans qui a dû vivre quelque chose d’assez proche de ce qu’elle nous raconte, possède une belle sincérité et une certaine fraîcheur du moins au début. Mais Léonore Confino est une sacrée bavarde et le spectacle fait ensuite du sur-place.
« Je voudrais, dit Léonore Confino,  que les spectateurs sortent de Ring, aussi épuisés qu’après avoir assisté à un combat de boxe, le désir au ventre de retourner à la vraie vie pour aimer et panser les blessures ». Malheureusement non, on ne ressort pas épuisé du tout mais  on reste même un peu sur sa faim.
Alors à voir? A vous de décider… Malgré les qualités du spectacle,  cela ne fait tout de même pas une soirée de théâtre.

Philippe du Vignal

Théâtre du Petit Saint martin 17 rue rené Boulanger 75010 Paris T: 01-42-08-00-32

Queue de Poissonne

 

Queue de Poissonne, mise en scène d’Ilka Shönbein, musique d’Alexandra Lupidi.

 

On retrouve avec  un plaisir mêlé d’angoisse, l’univers torturé d’Ilka Schönbein dans cette peinture terrifiante de La petite sirène d’après Hans-Christian Andersen.
Laurie Cannac émerge d’une barque en osier, se tord, se torture pour prendre une forme humaine, et perdre sa queue de poisson dans le but de  séduire son beau prince.
Il y a la beauté de son visage, celle du prince, les remous de la mer, et l’angoisse terrible de la perte d’un amour qui submerge le spectacle.
La voix d’Alexandra Lupidi grimée en pirate emprunte toutes les voies, du chant lyrique aux chansons de matelot. Cette Queue de de poisson nous ramène aux souvenirs d’Andersen’s Dream de l’Odin Teatret, vu au Théâtre du Soleil voilà quelques années.


Edith Rappoport

Le Grand Parquet jusqu’au 3 novembre, Jardins d’Éole 35 rue d’Aubervilliers, 75018, T:  01 40 05 01 50

 

123456

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...