La Locandiera
La Locandiera de Carlo Goldoni, mise en scène de Marc Paquien.
Carlo Goldoni (1707-1793 aura écrit plus de deux cent pièces dont- les plus connues, des comédies comme cette Locandiera en 1753. Il a 46 ans quand il l’écrit sans doute et c’est encore l’une des plus jouées actuellement. Ses pièces participent d’une peinture réaliste et foncièrement drôle de la société de son époque avec des personnages souvent hauts en couleur et où les femmes ont un rôle prépondérant. Ici, cela se passe en trois actes, dans une auberge ou plutôt une sorte de pension de famille à Florence, tenue par Mirandolina, une belle femme indépendante, qui aime bien se faire courtiser par ses clients comme le marquis de Forlipopoli, un petit noble désargenté ou le comte d’Alabafiorita, plutôt riche, deux dragueurs professionnels, rivaux un peu ridicule et qui ne sont pas insensibles aux charmes de deux comédiennes Ortensia et Dejanira. Mais il y a un chevalier de Ripafratta qui est arrivé dans la pension de famille, depuis toujours misogyne et qui s’est bien promis de garder son indépendance et de ne jamais devenir amoureux, quelles qu’en soient les circonstances.
Mais cette Locandiera, dans un personnage qui préfigure ceux de Marivaux, s’amuse beaucoup, parfois même avec un soupçon de cruauté à préparer ses pièges et se promet bien de voir le chevalier tomber amoureux d’elle. Même et surtout, quand il proclame haut et fort sa misogynie. Et Mirandolina va s’amuser à le faire tomber dans ses filets. Le chevalier est de plus en plus amoureux et la belle .Locandiera fait tout pour qu’il le reste.
Mais il y a aussi, dans l’ombre, discret et qui semble attendre son heure, le beau Fabrice, valet de Mirandolina, … qu’elle finira par épouser. Pour respecter le vœu de son père mais aussi parce qu’elle pense que le chevalier n’est pas le genre de mari indispensable.
C’est à la fois drôle, d’une cruauté indéniable et même émouvant à la fin quand Goldoni, en excellent connaisseur des travers humains, redistribue les cartes avec un certain cynisme. La Locandiera est souvent jouée en France; reste à savoir comme d’ailleurs les autres pièces du célèbre auteur, comment on peut le mettre en scène aujourd’hui. Soit on respecte à la lettre les intentions de Goldoni, soit on l’adapte; mais dans les deux cas, il y faut une véritable exigence par rapport au texte qui semble facile mais qui ne l’est pas du tout, et unesolide dramaturgie qui fait terriblement défaut ici.
On peut dire que, ces dernières décennies; l’on aura tout vu, pour le pire comme pour le meilleur, le plus souvent dans la ligne de Strehler, comme cette Trilogie de la Villégiature par Alain Françon à la Comédie-Française, ou avec des moyens nettement plus limités… mais avec une lecture des plus intelligentes par Thomas Quillardet.
Le danger étant évidemment de tomber dans le pittoresque facile. Marc Paquien, lui, ne s’en sort pas très bien. Certes, il y a, au début, une belle image, grâce à la scénographie de Gérard Didier, inspirée de peintures vénitiennes de l’époque sur fond de mur rouge. Mais cela ne dure pas et la mise en scène qui a déjà quelques dizaines de représentations au compteur, semble comme fatiguée et manque singulièrement de rythme. Tout se passe en fait comme si Paquien comptait sur ses acteurs. Sans doute, Dominique Blanc et André Marcon ont une solide expérience de la scène mais n’ont plus vraiment l’âge du rôle et ne semblent guère dirigés. En les voyant, désolé, mais on a peine à imaginer Mirandolina et Ripafratta. Quant au reste de la distribution, on aimerait qu’il y ait moins de caricature et plus d’humanité. Les personnages de Goldoni ne sont en rien des marionnettes! Et Paquien aurait dû les diriger avec plus de rigueur; on est souvent ici dans l’a peu près, dans le sur-jeu et les criailleries mais jamais, sauf à de très rares moments, dans le juste.
Si vous n’êtes vraiment pas très difficile, cette Locandiera peut se voir à la rigueur mais on vous aura prévenu: c’est un peu comme une ersatz poussiéreuse de Goldoni, et pas vraiment intéressante. Et les places ne sont pas données: de 40 à 15 €…
Donc, à vous de voir…
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Atelier Paris