C’est l’usine !
C’est l’usine ! exposition-installation de Nabil Boutros
La résidence artistique de Nicolas Frize, à l’usine PSA Peugeot Citroën de Saint-Ouen où il travaille depuis plus d’un an, permet au compositeur de mener une expérience artistique singulière, mêlant plusieurs disciplines.
Grand témoin, Nabil Boutros, plasticien et photographe qui accompagne le musicien depuis le début du projet, s’en fait la chambre d’écho avec cette première restitution, sous forme d’images.
La seconde, création musicale de Nicolas Frize intitulée Il y a un chemin, ou Intimité, concert public donné dans plusieurs lieux de la ville, est programmée début 2014.
Que se passe-t-il derrière les murs austères de l’usine PSA Peugeot Citroën, située en plein cœur de Saint-Ouen ? Ensemble, ils sont allés voir, recueillir la parole, sentir, réagir, et rencontrer ceux qui fabriquent les pièces. La direction leur a ouvert les portes, les travailleurs ont donné leur confiance.
C’est l’usine ! témoigne du monde ouvrier. En immersion totale et aux aguets, le photographe a observé les opérateurs en action, à leur poste de travail, capté leurs gestes et mouvements qu’il ré-interprète par différentes méthodes de traitement de l’image. L’exposition-installation restitue sa traversée, livre ses trouvailles, ouvre sa boîte à idées autant que sa boîte à outils et fait la part belle à la place de l’homme face aux machines.
Le lieu d’exposition a l‘allure d’une usine. Au rez-de-chaussée les murs sont tapissés de papiers dessinés à la main et collés à la manière de papiers peints, qui en donnent la perspective et l’illusion. L’artiste a lui-même conçu et réalisé la scénographie et parle du lieu et du geste.
Une première série de photos en couleurs placées en hauteur, décrit la circulation animée à l’intérieur de l’usine, par superposition, décomposition des mouvements et démultiplication des personnes. La série du dessous suggère les gestes des travailleurs, et une installation vidéo montre en gros plan leur précision, ainsi que l’objet en cours de transformation sur la chaîne en mouvement.
Au premier étage, dans un autre beau volume d’exposition, sont présentées les figures : une série d’images faites de graphismes et de photographies qui souligne la place de la figure humaine dans l’univers rationalisé de la production. On dirait un univers de bande dessinée à la Peeters et Schuiten.
Des photographies de lieux, ou d’objets trouvés ça et là, sont posées en vis-à-vis, objets décontextualisés qui prennent la dimension de personnages ; plus loin, des ombres et objets de l’usine sont projetés dans la force de leur interprétation et de procédés photographiques complexes. Ils touchent au fantastique, au rêve, au poème et témoignent de la force créatrice de l’artiste, qui met en perspective ces objets en principe très ordinaires, ou trop précis. Et toujours, la présence de l’homme, comme cette série de photos de gants de travail posés en fin de service sur les outils, qui complètent les images défilant sur l’écran.
Cette écriture d’images avec ses pleins et ses déliés, le trait et la couleur qui dans l’usine fonctionne par codes comme le rappelle Nabil Boutros, humanisent le lieu de travail où se répètent et se superposent les gestes, où se concentrent les visages.
A partir d’un sujet aride et complexe, l’usine, le photo-scéno-graphe joue d’inventivité aussi bien dans l’habillage et l’interprétation de l’espace que dans la jonction du bas avec le haut où l’on accède comme au cœur d’un mastaba aux parois d’images imaginées à partir du réel.
Le geste artistique, dans son amplitude, les différentes techniques mises en action et concordance, la fidélité au sujet dans lequel il taille sa liberté d’expression(s), rendent compte de cet univers du travail, avec justesse, humanité et sensibilité.
Brigitte Rémer
Espace 1789, 2/4 rue Alexandre Bachelet, métro: mairie de Saint-Ouen ou Garibaldi, jusqu’au 15 février 2014, du lundi au vendredi, de 10h à 12h et de 14h à 17h30, samedi et dimanche, de 14h30 à 18h.