Aragon
Aragon, ce livre ouvert, textes de Louis Aragon, adaptation d’Alain Paris, musique de Stéphane Puc.
Au bout d’un parcours labyrinthique, on se trouve, face à un Aragon que l’on connaît peu, Aragon le bâtard. Il a raconté, non sans humour ni sans quelque amertume, la légende de son enfance : sa mère se faisait passer pour sa sœur, lui-même pour le fils adoptif de sa grand-mère, son père, sans le « reconnaître », ne lui a révélé son nom qu’au moment de son départ pour la guerre. Sa tombe devait afficher son identité… Pas étonnant, après cela, qu’il se soit choisi un nom de prince et qu’il ait réinventé l’amour…
Alain Paris glisse avec une grande maîtrise de la prose autobiographique à la poésie et de la poésie à la chanson. Le style précisément bâtard d’Aragon permet ces glissements : haute langue et popularité, avec un mot canaille de temps en temps. Le rythme de la phrase balance l’alexandrin, qui scande de ses hémistiches la grande chanson à la française. On reconnaît la noble grandiloquence de Léo Ferré dans le poème de la grande guerre « Tu n’en reviendras pas, toi qui courais les filles, jeune homme dont j’ai vu battre le cœur à nu quand j’ai déchiré ta chemise… ». Le décasyllabe de la poésie courtoise chante dans le poème d’amour: «Il n’aurait fallu, qu’un moment de plus, pour que la mort vienne »…
Alain Paris a une belle voix, ample et nuancée, presque trop grande parfois pour cette salle (qui n’est pas si petite) et il nous fait la grâce de chanter sans micro. Enfin une voix naturelle, libre, sans les parasites et les souffles du son électrifié ! … Stéphane Puc, à l’accordéon, donne un beau coup de neuf aux mélodies de Ferrat et Ferré, et apporte ainsi une touche supplémentaire d’élégance au spectacle.
Christine Friedel
Théâtre de Ménilmontant, 01 46 36 98 60, jusqu’au 27 octobre.