Double suicide à Sonezaki
Sonezaki Shinjû, Double suicide à Sonezaki, en japonais surtitré en français mise en scène d’Hiroshi Sugimoto
Le metteur en scène, photographe contemporain reconnu, nous donne son interprétation d’une pièce traditionnelle japonaise tirée d’une histoire réelle à Osaka en 1702.
Un jeune homme est amoureux d’une courtisane, elle-même en admiration pour une divinité boudhique. En quête d’un bonheur post-mortem illusoire, les deux amants décident de se suicider. Comme le kabuki, le théâtre bunraku, véritable institution au Japon, est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco.
C’est cet art traditionnel de la marionnette que Philippe Genty a rencontré en 1962, à Tokyo lors de son tour du monde en 2 CV à la découverte des arts de la marionnette. Il en parle ainsi Paysages intérieurs publié récemment chez Actes Sud: « Avec le bunraku, j’ai le sentiment d’assister à une messe. Chacune des marionnettes est accompagnée de deux ombres, deux assistants-manipulateurs en cagoule. Le manipulateur principal à tête découverte semble incarner son destin, un destin par moment à la limite d’être agi par le personnage qu’il est censé contrôler.
Les poupées en suspension sur un sol imaginaire jouent à la frontière d’une gestuelle réaliste et de mouvements calligraphiques d’une précision et d’une grâce étonnante ».
Plusieurs entorses à la tradition ici: si les poupées d’un mètre de haut, sont encore manipulées à vue par trois artistes en noir recouvert tous d’une cagoule, la première marionnette qui introduit le récit, et d’autres ensuite sont manipulées par un seul homme, et il y a des projections vidéo.
Manipulateurs et musiciens, joueurs de luth à trois cordes, (shamisen) et récitants, nous emportent dans un rêve sombre qui nous paraît très long: 2h 25 avec un entracte! Même si la majorité du public semble ravi à la fin du spectacle.
Là encore Philippe Genty le souligne: « Une symbiose s’établit entre le joueur de shamisen, le récitant et les manipulateurs dont l’économie de mouvements contribue à mettre en valeur ceux des poupées». C’est cette harmonie qui est impressionnante et belle à voir ici. Mais le récit projeté en surtitrage est très difficile à suivre et à comprendre, de même que certaines manipulations de marionnettes.
La jauge habituelle pour le bunraku au Japon est d’environ 400 personnes, alors que le théâtre de la Ville en contient plus du double. L’émotion attendue ne vient pas et nous sommes sortis un peu déçus.
Jean Couturier
Théâtre de la Ville jusqu’au 19 octobre.