Ring de Léonore Confino

Ring de Léonore Confino, mise en scène de Catherine Schaub.

Ring de Léonore Confino 64312_5C’est en quelque 75 minutes, dix-sept courtes scènes qui mettent  en jeu un homme et une femme  qui se débattent et qui bricolent avec leurs envies sexuelles, leurs sentiments et leurs frustrations. Malgré les efforts de chacun pour vivre  avec l’autre, bref,  ce qu’ on voit tous les jours.
Sur le plateau, juste un grand lit comme unique décor, qui va servir de ring au rude combat d’abord érotique puis plus conjugal et qui  vire  à l’anéantissement du couple.
  Audrey Dana et Sami Bouajila-l’acteur bien connu du film Indigènes et qui a joué aussi au théâtre-ont du métier (parfois un peu trop: on est souvent  à la limite du sur-jeu) et la direction d’acteurs est, comme on dit, honnête. Et  ce marivaudage à la sauce contemporaine  au dialogue ciselé,  écrit par une jeune auteure de trente et un ans qui a dû vivre quelque chose d’assez proche de ce qu’elle nous raconte, possède une belle sincérité et une certaine fraîcheur du moins au début. Mais Léonore Confino est une sacrée bavarde et le spectacle fait ensuite du sur-place.
« Je voudrais, dit Léonore Confino,  que les spectateurs sortent de Ring, aussi épuisés qu’après avoir assisté à un combat de boxe, le désir au ventre de retourner à la vraie vie pour aimer et panser les blessures ». Malheureusement non, on ne ressort pas épuisé du tout mais  on reste même un peu sur sa faim.
Alors à voir? A vous de décider… Malgré les qualités du spectacle,  cela ne fait tout de même pas une soirée de théâtre.

Philippe du Vignal

Théâtre du Petit Saint martin 17 rue rené Boulanger 75010 Paris T: 01-42-08-00-32


Archive pour 25 octobre, 2013

Queue de Poissonne

 

Queue de Poissonne, mise en scène d’Ilka Shönbein, musique d’Alexandra Lupidi.

 

On retrouve avec  un plaisir mêlé d’angoisse, l’univers torturé d’Ilka Schönbein dans cette peinture terrifiante de La petite sirène d’après Hans-Christian Andersen.
Laurie Cannac émerge d’une barque en osier, se tord, se torture pour prendre une forme humaine, et perdre sa queue de poisson dans le but de  séduire son beau prince.
Il y a la beauté de son visage, celle du prince, les remous de la mer, et l’angoisse terrible de la perte d’un amour qui submerge le spectacle.
La voix d’Alexandra Lupidi grimée en pirate emprunte toutes les voies, du chant lyrique aux chansons de matelot. Cette Queue de de poisson nous ramène aux souvenirs d’Andersen’s Dream de l’Odin Teatret, vu au Théâtre du Soleil voilà quelques années.


Edith Rappoport

Le Grand Parquet jusqu’au 3 novembre, Jardins d’Éole 35 rue d’Aubervilliers, 75018, T:  01 40 05 01 50

 

trente ans du théâtre de l’Europe

Les trente ans du Théâtre de l’Europe le 12 novembre.

trente ans du théâtre de l'Europe strehlerEn 1983, Giorgio Strehler (photo) et Jack Lang, alors ministre de la Culture, fondent  l’Odéon-Théâtre de l’Europe qui n’aura cessé d’œuvrer à la prise d’une conscience européenne... Trente ans après, c’est quelque deux cents auteurs européens et spectacles en langue étrangère qui y auront été présentés.
Cette riche journée de commémoration commencera le matin avec le regard  de programmateurs de festivals et de théâtres nationaux français ou étrangers, comme Eric Bart, Véronique Cayla ou Jean-Pierre Thibaudat.
Ensuite, les directeurs de medias les plus concernés par l’Europe. Entre autres: Nicolas Demorand (Libération), Guisepe de Martino (Dayly motion), etc… qui  parleront  des circuits d’échanges où s’élaborent de nouvelles façons de penser et de dialoguer par-delà les frontières.
L’après-midi  sera projeté Giorgio Strehler, la tentation faustienne, un film réalisé en 1989 par Marco Motta, Frédéric Chapuis et Myriam Tenant. Ensuite ceux qui,
après Strehler, ont dirigé l’Odéon: Lluis Pasqual, Georges Lavaudant , Olivier Py-et maintenant Luc Bondy-parleront des ambitions qui ont inspiré la création de cette scène européenne et de son futur.
Et, à l’invitation d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, de grandes figures politiques de l’Europe de la culture viendront affirmer leurs engagements.
Enfin, à 20 h 30,  ne ratez surtout pas la projection en version sous-titrée, de  Winterreise im Olympiastadion,( 70 minutes), d’après Hypérion ou l’ermite de Grèce d’Hölderlin, un spectacle de la Schaubühne de  Berlin, réalisé en 1970 par le très grand Klaus Michaël Grüber.
Inédit en France, le film, tourné dans le vieux stade olympique de la ville, fait résonner la parole de Hölderlin là où la propagande nazie  se fit entendre aux  Jeux olympiques de 36…

Philippe  du Vignal

Théâtre de l’Odéon. Entrée libre sur réservation. T:  01 44 85 40 40 ou sur le site de la billetterie du Théâtre de l’Odéon pour les séances au choix, du  matin, de l’après-midi ou de la soirée, ou les trois)

For MG the movie-Homemade-Newark

For MG the movie-Homemade-Newark, chorégraphie de Trisha Brown par la Trisha Brown dance company

For MG the movie-Homemade-Newark photoTrisha Brown a pris sa retraite en 2012, et est aujourd’hui enfermée dans  la maladie d’Alzheimer.  Seules restent  ses créations, que sa compagnie perpétue,  aidée par Diane Madden et Carolyn Lucas, directrices artistiques associées, et  anciennes danseuses de la compagnie,
C’est l’occasion pour le public de  voir  trois pièces emblématiques d’une grande figure de la post modern dance, et beaucoup de spectateurs de cette première retrouvent ici le bonheur de leur première découverte de  Trisha Brown
La nostalgie est d’autant plus présente que la maladie qui emprisonne la parole de  la chorégraphe, désorganise gravement la mémoire mais  rend encore parfois perceptibles des souvenirs enfouis.
Les trois séquences présentées sont donc une sorte de  voyage dans le temps, comme dans l’esprit créatif d’antan de l’artiste. For MG the movie créée en 1991 est un hommage au créateur du Festival d’Automne, Michel Guy décédé la même année, qui avait  fait découvrir au public français entre autres Merce Cuningham et Trisha Brown.
Sur une musique mixant une partition de piano et des sons urbains, quatre danseuses et trois danseurs semblent répondre
durant trente minutes à des mouvements aléatoires, parfois à reculons, associé à des moments d’immobilité. Le tout  dansé devant un mur de fumée en fond de scène.
Homemade nous plonge dans la créativité de la Judson Memorial Church de New York en 1966; c’est  un court solo  interprété  par Vicky Shick, qui  reproduit celui de Trisha Brown à l’époque, une danse-musée surprenante et iconoclaste.
Quant à la dernière pièce,  Newark crée en 1987, elle est aussi remarquable  grâce à la scénographie
d’une grande   qualité plastique de Donald Judd. Cinq châssis de fonds colorés descendent des cintres et découpent l’espace de jeu dans une sorte de ballet qui s’ajoute aux mouvements des danseurs,  s’ajoute le ballet de ces panneaux mobiles. La danse devient ici une peinture abstraite vivante, réalisée avec une extrême précision.
Le spectateur qui découvre ces trois programmes d’une durée totale de 90 minutes, y assiste avec l’émotion d’une dernière fois  mais voit aussi  une œuvre qui pourrait s’inscrire dans  la programmation de la FIAC qui va  s’ouvrir…

Jean Couturier

Théâtre de la Ville jusqu’au 26 octobre;  un deuxième programme est présenté ensuite jusqu’au 1er novembre dans le cadre du Festival d’Automne.

Les Visages et les corps

Les Visages et les corps par Philippe Calvario.

 

Une table Les Visages et les corps redim_proportionnel_photoet sa lampe de bureau, quelques chaises éparpillées, un micro sur pied,  accessoires  habituels  d’un  plateau de théâtre en répétition. C’est l’espace même de cette lecture du Journal de Patrice Chéreau, écrit pour son grand projet au Louvre en 2011.
Au début du spectacle, la voix de Chéreau, chaude et feutrée, s’impose dans la salle tendue par l’émotion. Février 2009 : le grand metteur en scène récemment d
isparu a toujours été intéressé par l’image, dit-il,  et par la photo quand elle se fait poésie, démultipliant sa dimension érotique, sans mimer la peinture.  Pour obtenir la simple et belle présence de la danse et des corps.
L’obsession du cinéma accapare Chéreau, depuis qu’il fréquente la cinémathèque de Normale Sup, rue d’Ulm. Mais le théâtre jette pareillement son emprise sur l’adolescent, élève du Lycée Louis-Le-Grand et plus loin encore, élève du collège  Montaigne.
Régulièrement, dans l’obst
ination du septième art et des films à inventer, le réalisateur éprouve l’envie soudaine de « revenir chez lui » : monter sur un plateau, refaire du théâtre écrit et joué, avec une présence qui apparaît à travers les mots. Et rien n’est plus enivrant pour lui, en mars 2009 , que de s’imaginer monter les marches d’un escalier du Louvre recouvert d’un tapis rouge qui mène à la Victoire de Samothrace, une sculpture de l’époque hellénistique représentant Niké, personnification de la victoire, posée sur l’avant d’un navire.
En cet endroit mythique, mettre en scène en général – ou la pièce de Jon Fosse Rêve d’automne, en particulier - revient à faire modifier de l’intérieur les visages. Chéreau se soumet malgré lui, à ce sentiment de solitude qui ne l’a jamais quitté.  Alors que les images sont uniquement source d’inspiration, son théâtre porte un intérêt majeur à la narration, à l’organisation de l’espace, au tissu des relations entre les êtres, à l’érotisme de l’attention portée aux visages et aux corps. Le théâtre se définit aussi par la pesanteur d’un corps de comédien. La modification intérieure de l’être et la saisie du désir passent par la durée sur un plateau, le temps des répétitions et de la représentation qui parvient au « mentir vrai ».

Entre réflexions sur la dialectique et le bon usage du théâtre, Chéreau livre ses confidences intimes d’amant avec une réelle pudeur poétique : « Nous restons l’un et l’autre comme des étrangers donc proches. Il est plus joueur que moi, il séduit et ne veut pas souffrir. À côté, je ne suis qu’une bête romantique. » Quel est ce jeu où l’on fait exprès de faire souffrir l’autre ?
Retour à l’art du théâtre. Pour Chéreau, mettre en scène consiste à maîtriser cette façon particulière de faire bouger les corps des comédiens. Cette manière vient de l’usage des malheurs et de celui qu’il fait du sien. Avril 2009. Cinéma, théâtre et opéra, il faut s’arrêter et réfléchir. Lars Von Trier, Fosse, Handke, Koltés, Jean de La Croix, Jean Genet, Hervé Guibert, Charlotte Rampling, Marianne  Faithfull …. Écrire bien s’apparente à une sorte de prière, une prière criminelle. Et mettre en scène signifie pour lui entretenir cette énergie de raconter socialement et personnellement les histoires des gens, connus et inconnus, fous, cinglés… L’artiste pense aussi à ces femmes qui lui sourient en silence quand il les croise dans la rue.
Toujours se battre et autrement. Les projets naissent de peu de chose, de la curiosité et de la capacité d’accueil des idées, entre vol à l’étalage et pillage des autres créateurs. Le plaisir et la tristesse sont les fruits du travail de mise en scène.
Chéreau, installé dans un café et écrivant, au carrefour de la rue des Archives et de la rue Rambuteau. aime s’isoler et regarder en même temps les êtres qui se débattent avec la vie,  Un désir, une peur : mourir de ne pas mourir. Des souvenirs. Le scénographe Richard Peduzzi vient à Sartrouville en 1967, pour la première fois. À eux deux, ils réussissent à créer au théâtre cette magnifique tension entre les espaces grandioses et la fragilité des êtres. Une réalité d’importance pour celui qui est toujours resté l’enfant qui a peur qu’on l’abandonne. Tout lui manque, avoue-t-il encore, et il en fait des récits et des spectacles. Apprendre à regarder un tableau, c’est voir les êtres chers disparus.
1er mars 2010. Comment toucher un imaginaire qui résiste, celui d’un comédien qui se refuse à comprendre ? L’âme du metteur en scène a renoncé mais il apprend à l’acteur rétif à imiter cette profondeur à laquelle il n’aura jamais accès. Une pensée pour Susan Sontag : Renaître. Il faut représenter ce qui n’est pas représentable et qui fait peur, consentir enfin au monde et en profiter. Et pour ne plus songer à la solitude de l’adolescent, « mol et sans race », conscient de ne pas habiter son corps, la revanche est de faire du théâtre.
Le film Intimacy pose la question du corps comme centrale : il faudrait pouvoir être léger et ne pas peser. L’ouvrage dessine le cortège des fantômes magnifiques de Chéreau, ces êtres aimés qui le hantent et qu’il convoque tous les jours. Pour mémoire, la folie des créations des années 80/88 à Nanterre, suivie dans les années 89/90, des disparitions de Koltès, Guibert, Delannoy et  Romans…
À côté du deuil, restent le désir et l’avidité du présent, le bonheur et la tristesse. Le silence n’est pas l’absence, l’absence n’est pas la mort. Calvario fait entendre sans artifice l’âme de Chéreau au plus près du cœur qui bat.

 Véronique Hotte

 Théâtre du Rond-Point. T :01 44 95 98 21 jusqu’au 10 novembre à 19h.

Amor Fati

 

Amor Fati – Il faut bien que quelqu’un y soit pour quelque chose, mise en scène et scénographie de Maxime Franzetti. 

  «Avec Nietzsche, dit le metteur en scène, scénographe et comédien, Maxime Franzetti, nos convictions les plus intimes-sociales, politiques, familiales ou religieuses-sont ébranlées. La quête de vérité questionne la vie, la morale, la volonté, le Bien et le Mal, la guerre.. » L’Amor Fati -l’acceptation de son destin-fait de la souffrance de l’homme une épreuve qui aboutit à la maîtrise de soi et à la création. A l’inverse, « des concepts tels que dieu, l’âme, la vertu, le péché et la vie éternelle sont des imaginations, inventées par les mauvais instincts de natures malades. »
Réévaluons nos valeurs faillibles, à travers des formules cinglantes, des invectives lapidaires, des visions puissantes et une liberté de pensée enfin retrouvée. La troupe du Théâtre du Balèti de Franzetti, une dizaine d’interprètes, accompagnée d’une formation instrumentale tout aussi nombreuse de cuivres, répond présente à cette volonté nietzschéenne d’être maître et sculpteur de soi.
D’abord, descendons le Christ de sa croix – le rapprochement physique avec Le Christ à la Colonne de Caravage est souligné.Et ici, le Christ se relève donc, traîne sa croix à l’envers et l’abandonne pour se lancer, tel un satyre dionysiaque  recouvert de boue pour la circonstance, dans des transes sur un sol de terre meuble.
La croix est ensuite remisée pour revenir régulièrement sur la scène, nue ou bien ré-habitée par son locataire de prédilection qu’une horde de femmes s’applique à couvrir de baisers.
Amor Fati amor2Les images se succèdent : un carnaval d’anges nus-des hommes et des femmes avec  des ailes-fait sa ronde chorégraphiée. Ils sont  assis, debout, les corps se renversent et font des galipettes arrière au ralenti. Ils reviendront plus tard-vêtue de façon urbaine et chic-costume sombre et chemise blanche pour les hommes, jolie robe fluide pour les femmes dans un rappel des images mythiques de Pina Bausch-. Alignés face public, avancées, reculs, gestes collectifs et rassemblements. Avec aussi des déclamations en solo ou en duo:  une fille vindicative face à un père indifférent, une femme qui aspire à la liberté à côté de son mari revenu du front.
Avec, en accompagnement, d es musiques qui vont  du Stabat Mater de Pergolèse à Porque te vas de Jose Luis Perales dans Cria Cuervos de Carlos Saura. De temps à autre, un acteur murmure devant un micro sur pied  quelques réflexions d’un cœur en révolte. La troupe de jeunes comédiens est physiquement rodée à mort, pleine d’énergie et de vitalité, très engagée dans le projet artistique qui l’habite et ne réfrénant en rien ses ardeurs.
Toutefois, les visions proposées sur la scène, si travaillées et soignées soient-elles, sont souvent longues, comme si l’auteur/metteur en scène voulait à tout prix prouver l’évidence:  une rage d’être et de signer un pacte de rébellion en quête d’amour et de liberté.
Mais trop descriptif, trop insuffisamment ressenti, l’ensemble reste comme  affiché et perd sa capacité subversive, proclamée haut et fort : « Nous allons droit au mur… Déjà nous sommes une génération morte sur pied… ».
Pas tout à fait! Mais la troupe recèle des promesses de théâtre qui ne demandent qu’à être tenues.

 Véronique Hotte

Spectacle joué au Théâtre de Vanves les 23 et 24 octobre. 

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