Exposition Rudolph Noureev
Exposition Rudolf Noureev au Centre National du Costume de Scène de Moulins.
«Je souhaite (…) voir mon nom perpétué sous la forme d’un musée ou d’une galerie d’exposition commémorant mon style de vie et ma carrière en tant qu’individu et danseur, carrière au cours de laquelle je me suis également investi dans les domaines de la chorégraphie et de la musique… ». Ces dispositions du testament de Rudolf Noureev, qui figurent à l’entrée, deviennent une réalité avec cette nouvelle exposition qui sera permanente au CNCS.
Vingt ans après la mort d’un des plus grands danseurs du XXème siècle, la fondation Noureev en collaboration avec le CNCS et sa directrice Delphine Pinasa, ont réalisé son souhait.
C’est son ami, le décorateur et costumier Ezio Frigerio, aidé de Giuliano Spinelli, qui a conçu la scénographie de ce lieu exceptionnel qui plonge directement le public dans un décor de théâtre.
Dans la première salle, au sol en parquet comme sur une scène et aux cloisons en bois découpées comme pour un décor en perspective, nous découvrons Rudolf Noureev danseur avec ses cinq pourpoints, en particulier ceux d’Ezio Frigerio ou de Nicholas Georgiadis, éclairés d’une faible lumière, afin de mieux les préserver.
De même, costumes, photos et autres documents originaux subiront une rotation tous les trois mois, pour mieux les conserver.
Le musée dispose d’une trentaine de costumes du danseur, entre son fond propre venant de l’Opéra de Paris et celui de la fondation Noureev. Le danseur avait un rapport étroit avec son costume, il ne portait qu’un collant surmonté d’un pourpoint qu’il avait modifié en lui enlevant les trousses.
On découvre aussi Noureev chorégraphe, qui, à 25 ans seulement, remonte les ballets de Marius Petipa, à travers les costumes des étoiles de l’Opéra qui ont dansé pour lui: entre autres, le tutu porté par Noëlla Pontois créé par Franca Squarciapino en 1984 pour Le Lac des Cygnes, qui a pour caractéristique d’être tombant car il n’aimait pas voir les fesses de ses danseuses…
Il remonte ou crée quinze ballets, en particulier quand il est directeur de la danse à l’Opéra de Paris entre 83 et 89, et dont beaucoup sont encore aujourd’hui au répertoire. Dans ce même espace, sont aussi exposées trois reproductions des maquettes de décor et sont aussi projetés des extraits de Noureev danseur.
La deuxième salle retrace quelques éléments biographiques, dont les années russes de cet homme né en 1938 en Bachkirie, en ex-Union Soviétique. Lors d’une tournée du Kirov, il décida en 61 de choisir l’exil et la liberté en demandant l’asile politique à la France. De belles photos de sa formation à la célèbre école de danse Vaganova de Leningrad (Saint-Petersbourg aujourd’hui), ou de ses débuts dans le ballet du Kirov.
La troisième salle-passionnante-nous fait entrer dans la vie intime de ce personnage hyperactif, multiple et mégalomane selon certains. Artiste mondain, star internationale et collectionneur, il danse partout dans le monde et devient très riche, accumule les demeures, (sept en tout!) et les œuvres d’art. Le séjour de son appartement quai Voltaire est reproduit ici en partie avec ses meubles, ses peintures et ses objets d’art. Cet endroit traduit bien son goût du baroque et de l’opulence, que l’on retrouve encore aujourd’hui chez certains de ses compatriotes.
A retenir particulièrement: son châle Kenzo de 75 que l’on voit sur de nombreuses photos, qui le protégeait du froid et qui traduit son goût des beaux tissus que l’on retrouvera plus tard sur sa tombe avec un kilim en mosaïque conçue par Ezio Frigerio et inaugurée en 96, dont on voit ici une maquette,.
Rudolf Noureev avait souhaité être enterré à Saint-Geneviève-des-Bois mais le plus loin possible de Serge Lifar… Lifar qui lui avait offert en 61 à l’Opéra de Paris le prix Nijinsky. Dernier objet très émouvant: sa mallette de tournée qui comporte l’étiquette UK tour 1991, deux ans avant son décès du sida en 93, et qui témoigne du côté nomade d’ un homme qui passait d’un appartement à un autre, d’un pays à un autre et de scène en scène dans une perpétuelle turbulence .
Boulimique de la vie, Noureev a vécu sans entraves, au maximum de ses possibilités psychiques et physiques, à une époque où la notion de risque était accessoire. Pour paraphraser le titre d’une célèbre pièce d’Alexandre Galine mise en scène par Lev Dodine,un an après la mort du danseur, il a vécu comme «une étoile dans le ciel matinal».
Jean Couturier
CNCS de Moulins