Les damnés de la terre

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Les Damnés de la terre
d’après l’œuvre de Franz Fanon, mise en scène de Jacques Allaire

 

Préambule : un homme, une femme. «Je ne peux pas tirer sur les blancs », dit-elle, – Ils vont se gêner, eux », répond-il. « Je suis une damnée, rétorque-t-elle un peu plus loin, coupable sans passé ni avenir nègres.» Encore plus loin : «Toute cette blancheur me calcine !» Un prélude qui expose en quelques répliques toute la dialectique de Fanon.
«Européens, ouvrez ce livre, entrez-y. Après quelques pas dans la nuit vous verrez des étrangers réunis autour d’un feu. Approchez et écoutez : ils discutent du sort qu’ils réservent à vos comptoirs, aux mercenaires qui les défendent. Nous sommes en 1961, en pleine guerre d’Algérie, quand Jean-Paul Sartre préface Les  Damnés de la terre. «Fanon vous explique à ses frères et démonte pour eux les mécanismes de nos aliénations », ajoute le philosophe.
Adapter l’œuvre de Fanon au théâtre est une gageure. Publiée quelques jours avant sa mort alors qu’il avait rejoint le FLN, désertant l’hôpital de Blida où il était psychiatre, ce livre incandescent, brûlot écrit dans une langue magnifique, d’un lyrisme désespéré et inspiré, deviendra le porte parole des révoltes à venir.
Jacques Allaire a procédé comme à l’accoutumé. Avant chaque mise en scène, après une longue fréquentation de l’œuvre, il dessine des espaces, des ambiances, dispose des corps et des touches de couleur, au crayon ou à l’aquarelle. « J’essaye de perpétrer le théâtre comme je rêve », explique-t-il. « Je m’abandonne aux sensations/émotions/ réflexions qui me traversent.» Ces croquis dont certains sont reproduits dans le programme, composent autant de tableaux qui constitueront le spectacle. « Progressivement, je fais parler mes dessins avec le texte, coupé, collé fractionné, redécoupé, recollé. » Reste aux comédiens à entrer dans cet univers.
Ils sont six, émergeant de la nuit, hommes et femmes, noir charbon. Il y a de la terre dans laquelle ils se rouleront ; de l’eau, qui lavera leur teinture de scène, laissant apparaître des corps noirs et d’autres  blancs ; des arbres qui poussent au plafond.
Comme le texte, le décor est à géométrie variable. Il s’ouvre et s’éclaircit progressivement. Les grillages en fond de scène sont des lits d’hôpital dressés à l’horizontale ; ils prendront leur place au tableau 3 dans une salle d’hospice où défilent les traumatisés de la guerre d’Algérie (bourreaux comme victimes) et les horreurs qu’ils ont subies ou fait subir. L’espace est bientôt transformé en salle de classe : au tableau noir,  on inscrit des slogans et des maximes.
Cette approche de plasticien permet de dégager la poétique d’un texte injustement tombé dans l’oubli, d’en faire émerger des images fortes, rendant à cette écriture sa juste violence teintée d’humanisme sans qu’elle dérive jamais dans la langue de bois ou le didactisme. « Affirmer et revendiquer son humanité » ; « Etre homme et rien qu’homme » voilà ce à quoi «nous les bêtes au sabots de patience » aspirons, tout en restant  « en communion avec le cosmos » «dans la sérénité marine des constellations ».
Il est urgent d’entendre à nouveau cette parole, de partager cette pensée, restituées ici avec bonheur. Et de relire Fanon *

Mireille Davidovici

* Peau noire masques blancs (1952), Points Seuil.  L’an V de la révolution algérienne(1959), réédition La Découverte Les Damnés de la terre (1961, Maspéro), La Découverte. Œuvres ( réunissant ses quatre livres publiés), La Découverte

 Tarmac, 159 avenue Gambetta 75020. 0143 64 80 80 du 5  au 6 décembre.
www.letarmac.fr
et le  30 janvier:Théâtre Jacques-Coeur ,Lattes ; 11 février : L’Estive scène nationale de Foix ; 13 février :Théâtre des Trois Ponts, Castelnaudary ; 11-12 mars : Théâtre du Beauvaisis, Beauvais ; 18-21 mars :Théâtre Jean Vilar, Montpellier.


Archive pour 8 novembre, 2013

Le monstre des H.,western gothique

Le monstre des H.,western gothique, d’après Richard Brautigan, adaptation, mise en scène et conception visuelle de Monica Espina.

Le monstre des H.,western gothique le-monstre_26D’élégants cow-boys vous accueillent. Élégante simplicité, très évocatrice de leurs costumes, élégante malice de leur tics et mimiques, du côté de Paul Newman plus que de John Wayne. Ils nous présentent leur auteur, Richard Brautigan : poète de la “beat generation“, écrivain reconnu puis oublié, figure de Haight Ashbury dans le San Francisco de la fin des années soixante, venu respirer avec ses copains Jim Harrisson, Peter Fonda et autres solides buveurs le bon air du Montana…
Le Montana, justement : la compagnie, ayant trouvé une résidence en Seine et Marne au château de Blandy-les-tours, s’est avisée que l’est de l’île de France pouvait ressembler, de loin et avec beaucoup d’humour (quoique) au grand ouest : c’est ce qui s’appelle faire feu de tout bois. Mais ici, point de feu ; juste un écran où sont projetées in vivo et en double – ils sont bien là avec nous – les aventures de nos deux cow-boys et d’une charmante dame qui sait au besoin se démultiplier.

Voici l’histoire : tueurs réputés, et qui répugnent parfois à tuer, ils sont invités détruire le monstre tapi dans les cavernes de glace, sous la maison, et plus particulièrement sous le laboratoire, du savant Hawkline, lui-même étrangement disparu. Vont-ils triompher du monstre ? Vont-ils être dévorés?
On ne vous en dira pas plus : il faut absolument courir à l’Échangeur de Bagnolet découvrir la suite de l’histoire. Monica Espina et sa troupe – trois sur le plateau, elle en coulisse et une fée de la vidéo en régie- ont inventé un délicieux jouet théâtral. C’est à la fois d’une impeccable précision et d’une fantaisie réjouissante. La vidéo tient une grande place dans cette affaire : elle joue sur la narration comme Brautigan joue sur les codes du western et de la littérature “gothique“.
Bidouillée en direct, elle répond aux comédiens, les dédouble, les triple, les efface –mais ils ne se laissent pas faire. Si c’était elle, le monstre, ça se saurait : on est dans le théâtre le plus artisanal, le plus vivant qui soit. Tout est manipulé à vue, ou presque, dans une économie joyeuse et efficace. Le message ? Rien que du plaisir, et puis, oui : le “déclin de l’empire américain“, déjà pointé du doigt par cette “beat generation“ qu’on aurait tendance à oublier un peu. Et la désacralisation de la technique : ni plus ni moins qu’une boîte à outils, maniable et légère.
On vous aime, chers Etasuniens, on adore votre cinéma et votre silicon valley, mais vous nous les avez assez imposés pour qu’on puisse au moins en rire…

Christine Friedel

Théâtre de l’Echangeur, les 8, 9 12 et 13 novembre. 01 43 62 71 20

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