L’Avare d’après Molière
L’Avare d’après Molière, mise en scène d’Ivo Van Hove.
Le metteur en scène belge Ivo Van Hove, directeur du Toneelgroep d’Amsterdam, revient à Créteil avec L’Avare, version corrigée et revue à la hausse, selon la vie agitée de ce début de siècle.
La grande scène de la MAC, que les comédiens traversent de cour à jardin, propose au regard un appartement ultra-moderne et chic, digne des plus grands palaces. Des murs et un sol, d’une blancheur sans âme. Vastes chambres avec dressing adapté, living majestueux aux fauteuils de cuir noir, et très nombreux salons.
Sur les tables basses, trône l’arme de nos temps incertains, plus d’une demi-douzaine d’ordinateurs qui donnent en continu le cours des places boursières de la planète. À côté des mobiles, un ou deux que chacun consulte sans discrétion, l’info financière est diffusée en boucle et constamment actualisée, à portée de clic, dans un univers de luxe standardisé dont l’ambiance d’hôtel froide et impersonnelle fait penser à tous les Hilton de la terre.
L’appartement d’Harpagon, situé dans les hauteurs d’un gratte-ciel, tourne autour d’un vide vertigineux dont les profondeurs font entendre les trépidations des moteurs de véhicules rageurs. Dans cette maison sans mère, des poubelles gorgées, papiers éparpillés, canettes de bière, emballages et détritus sur le sol, à côté de paires de chaussures paradoxalement rangées …
Et tenue vestimentaire rigoureuse et obligatoire pour tous quand on fréquente les marchés boursiers. Le maître de céans, lui, l’avare, le bien-nommé, songe à se remarier avec une jeunesse, d’autant que la jeune fille semble bien modeste et peu dépensière. Son fils, Cléante, ne l’entend pas de cette oreille, lui qui éprouve un penchant réciproque pour la même Marianne. Avoir son père pour rival !
Quant à la sœur, Élise, qui file le grand amour avec Valère, déguisé en intendant chez son père, elle est promise au seigneur Anselme, un veuf de la génération parentale. Rien ne va donc plus pour les jeunes gens de la maison, et La Flèche, le valet de Cléante, aimerait s’approprier la clé USB d’Harpagon. Pour l’agacer.
Frosine, l’entremetteuse, aux allures de responsable des ressources humaines dans une entreprise internationale. BCBG, veste et pantalon de prix, chemisier clair, bijoux ostensibles et brushing approximatif, elle est partagée entre deux ou trois interlocuteurs peu fiables au bout de ses nombreux mobiles. Comment gagner de l’argent? Seul l’avare qui porte encore beau, semble connaître la clé de l’enrichissement, mais reste fermé sur lui-même, obsessionnel et sûr de lui. Il n’écoute personne…
La mise en scène est efficace, malgré l’absence de surprise, et se rapproche de l’esprit d’une énième série télé. C’est tout le reproche qu’on peut lui faire car les comédiens sont pleins de conviction, comme Hans Kesting, l’Avare, vers lequel tous les regards convergent.
Véronique Hotte
MAC de Créteil. T : 01 45 13 19 19 du 14 au 16 novembre.