The old Woman

 

 

 

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The old Woman, d’après l’œuvre de Daniil Kharms, mise en scène de Robert Wilson ( en anglais surtitré)

68527465_theoldwomanrehearsals03creditluciejansch-300x168The Old Woman est la première des œuvres de Bob Wilson mises au programme du cycle qui lui a consacré le Festival d’Automne.
C’est une création brillantissime-très visuelle-avec deux acteurs/danseurs : le chorégraphe bien connu Mikhail Baryshnikov (voir l’entretien avec lui de Nathalie Marcovics dans Le Théâtre du Blog) et le grand acteur américain de cinéma Willem Dafoe).
Sur scène, avant que le spectacle ne commence, une toile dans la tradition de la courtine, qui résumait au 19ème siècle, le spectacle avec des images de la pièce qui allait se jouer, et dont raffolait Jérôme Savary. Courtine en noir et blanc mais aux allures enfantines -avec la reproduction d’une gravure du 18ème siècle où l’on peut voir plusieurs attelages de chevaux- et avec, sur les côtés de la toile, des dessins d’alligator, gros poisson, et hippopotame.
Et on retrouvera plus tard sur la scène, un coq en deux dimensions jaune à la crête rouge. (Toujours la même fascination de Wilson pour la faune domestique ou sauvage depuis Le Regard du sourd !).
En arrière-plan, une chaîne de montagnes, et suspendus à des fils, au-dessus et à côté de cette courtine, en deux dimensions, un grand chien de paillettes rouges , et un homme en queue-de-pie bleu, gants et chapeau haut-de-forme rouges, pantalon jaune, qui tient une chambrière. En rapport avec les chevaux de la gravure?
En bord de plateau, et face public, dix tubes fluo assez agressifs, utilisés comme éblouisseurs pendant les changements d’éléments scéniques. (Un peu  pénible…) C’est une merveille de poésie que la première image très plastique où l’on voit les deux compères, sortes de Wladimir et Estragon (Wilson se souvient sans doute ici de Beckett dont il avait monté aussi Oh ! Les Beaux jours et La dernière Bande qu’il avait joué lui-même… Le visage blanc avec de larges cernes noires autour des yeux, les lèvres rouge très foncé, cheveux noirs avec une mèche ondulée et bien raide vers la gauche pour l’un, vers la droite pour l’autre. Clowns à la fabuleuse gestuelle, que ce soit chez le comédien ou le danseur !
Ils sont en costume et cravates noirs et chemise blanche, et assis tous les deux sur une longue escarpolette, dans un beau ciel bleu suggéré par cette toile de fond aux lumières colorées et changeantes, devenue depuis longtemps un des éléments incontournables du vocabulaire pictural de Bob Wilson, un peu comme sa signature.
C’est un drôle de couple, à la fois triste et burlesque à la fois,  avec  deux pantins mécaniques articulés mais aussi merveilleusement vivants qui vont prendre à leur compte, avec des micros HF-mais très bien  réglés comme toujours chez Wilson-les phrases absurdes de Daniil Harms, (graphie habituelle en français), avec une gestuelle aussi rigoureuse et précise que répétitive, correspondant au texte teinté d’absurde lui aussi,  et répétitif des textes assez courts du poète russe (né en 1906 et mort dans un service psychiatrique en 1942, grâce aux sbires staliniens).
Cela fait parfois penser au magique et  célèbre opéra Einstein on the beach de Wilson qu’avec beaucoup de chance,  vous parviendrez peut-être à voir en janvier au Théâtre du Châtelet… Si vous avez êtes parmi les heureux élus à avoir une place…
La répétition était assimilée par Freud à une pulsion de mort et, on le sait, c’est un des thèmes les plus constants chez Bob Wilson, et un des outils musicaux de Phil Glass, le compositeur d’Einstein on the beach. Wilson qui a échappé à un accident cardiaque il y a quelques années, semble pratiquer ici une fois de plus une sorte d’exorcisme de la mort en parfait accord avec le texte de Harms  et, à 70 ans, semble adopter le point de vue de notre Montaigne: « Otons-lui l’étrangeté, pratiquons-le, accoutumons-le, n’ayons rien souvent en la teste que la mort : à tous instants représentons-la à notre imagination en tous visages » .
Le texte de La vieille Femme (1939) a fait l’objet d’une adaptation par Darryl Pinckney qui l’a sans doute quelque peu «américanisé», et on ne retrouve pas tout à fait ici cet absurde russe qui s’attache aux objets comme à la conduite des personnes.
C’est une histoire à la Harms,  tout à fait loufoque,  aux allures de cauchemar permanent et où aucune réalité n’est tangible : une vieille dame puis une autre etc.. se penche par la fenêtre et tombe sur le trottoir, morte sur le coup.Les chiffres se bousculent aussi chez Harms, sans qu’on sache pourquoi et on lit l’heure sur de grosses pendules qui n’ont pas d’aiguilles. Où encore  on apprend  » une droite brisée en un point forme un angle, alors qu’une droite brisée en tous ses points forme une courbe ».
Wilson, quarante ans après Le Regard du sourd, sait comme personne, épaulée par une équipe de techniciens de grande valeur, construire un espace visuel et un temps  inimitables, en même temps qu’un environnement sonore et musical d’une qualité exceptionnelle. Et la musique d’Had Willner accompagne très bien l a gestuelle tout à fait au point de ces deux clowns .
Avec un  jeu de lumières assez bluffant, Bob Wilson arrive à colorer juste un visage ou un objet, ce qui suppose un long travail de conception et de réalisation mais le metteur en scène d’origine texane ne doute de rien et ne vit que pour le spectacle. A l’opposé aussi de tout naturalisme bien entendu-chose qu’il déteste, il y a nombre de sculptures signées aussi de lui, comme cette veste simplement pendue à un crochet, un petit avion coloré de lumière rouge, des chaises droites/sculptures, d’étroits lits de fer blancs cassés en deux et comme flottant en l’air, ou ce magnifique et drôle de banc au dossier de lattes de bois de plus de trois mètres avec une lumière fluo qui monte derrière (comment dire les choses de façon plus précise?).
Certes, les vieux Wilsoniens râleront sans doute : c’est parfois difficile de suivre à la fois les images et le t surtitrage, et il y a des choses que l’on déjà trop vues dans ses spectacles récents … et moins récents, comme ce fond de scène qui change souvent de couleur : Wilson sait faire mais c’est de la pure virtuosité et de l’auto-académisme assez agaçants qui tournent au procédé et qu’il aurait pu nous épargner. Et la toute dernière partie du spectacle, qui parait trop long (alors qu’il ne dure qu’une heure quarante),  mouline un peu… avec une fausse fin, chose étonnante chez lui, le maniaque de la précision.
Malgré ces réserves, reste un spectacle exceptionnel, de par sa force,  son unité gestuelle, sonore et visuelle et sa beauté incandescente, et  qu’il ne faut pas rater,  surtout si vous n’avez jamais vu de spectacle de lui.

Philippe du Vignal

Festival d’automne/Théâtre de la Ville. T: 01-42-74-22-77 ou 01-53-45-17-00. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 heures, et samedi 23 novembre à 15 heures. Programme du cycle Robert Wilson: festival-automne. com

 

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