Road-movie alzheimer
Road-Movie Alzheimer, écrit et mis en scène par Jalie Barcillon.
Egypte, 1956. La nationalisation du canal de Suez sert de détonateur : «Citoyens, nous avons lutté pour nous débarrasser des traces du passé, de l’impérialisme et du despotisme, des traces de l’occupation étrangère et du despotisme intérieur…L’impérialisme a essayé par tous les moyens possibles de porter atteinte à notre nationalisme arabe. Il a essayé de nous disperser et de nous séparer et, pour cela, il a créé Israël, œuvre de l’impérialisme»…Le discours de Gamal Abdel Nasser, prononcé le 26 juillet, est violent et sans appel. Trente mille juifs, implantés en Egypte depuis plusieurs générations, voient leurs biens confisqués et sont contraints de s’exiler pour un voyage sans retour.
L’histoire qui nous est racontée ici emprunte les chemins de la biographie; la famille de Jalie Barcillon fut de cet exil-là et s’installa en France. Quarante ans plus tard, la petite fille qu’elle était, part à la recherche de son histoire et à la découverte des lieux. Ses grands-parents vécurent au Caire avec leurs sept enfants et un grand oncle fut même l’heureux propriétaire d’une synagogue à Alexandrie. L’histoire est donc enrobée de religion et commence par la préparation de la Bar Mitsvah de la jeune fille, et par la recomposition de la cellule familiale, via les figures féminines.
Le voyage Paris-Le Caire qu’entreprennent ces trois générations de femmes: mère, fille et grand-mère (Marie-Pierre Meinzel, Kelly Rivière et Susanne Schmid-est un retour aux sources pour l’une, une découverte pour les deux autres et un retricotage du tissu familial pour toutes les trois-est troublé par la perte de mémoire de la grand-mère: elle ne s’y retrouve plus guère ni ne retrouve, entre autres, l’argent laissé en garde à Saïd, un homme de confiance. Ce parcours nous entraîne du passage de la douane à l’aéroport du Caire aux bruits amplifiés de la ville, sur les traces d’un passé confus et incomplet. Quelques images projetées sur écran nous placent au cœur du sujet. En arrière-plan, le contexte politique : les accords de Camp-David en 78, et, plus tard, l’assassinat d’Yitzhak Rabin, en 95.
Une bourse, dans le cadre du dispositif Partir en Ecriture de la Scène conventionnée aux Ecritures contemporaines de Saran (Loiret), a permis à l’auteur d’aller enquêter sur place, pour écrire le texte ensuite. Jalie Barcillon, qui assure aussi la mise en scène, restitue son histoire sur un mode léger et anecdotique, accompagnée de Julien Ribeill, à la guitare, dont la présence sur scène est un bel atout.
Entreprise sans doute louable mais l’auteure a du mal à raccorder mémoire sociale et mémoire collective, et à faire se rejoindre la petite et la grande Histoire.
Brigitte Rémer
Spectacle vu le 9 novembre au Théâtre Le Colombier, de Bagnolet. www.lecolombier-langaja.com