Elle brûle !

Elle brûle ! écriture de la compagnie Les Hommes approximatifstextes de Mariette Navarro, mise en scène de Caroline Guiela Nguyen

Après avoir traversé un petit musée d’objets du quotidien: porte-clefs, bouchons de champagne, colifichets, armoire à pharmacie, robe de princesse dans une penderie…tels qu’on en trouve chez tout un chacun, le public va s’asseoir face à un appartement petit-bourgeois en coupe : papiers peint, cuisine américaine, plantes vertes, ambiance familiale. Il pourrait y faire bon vivre, mais les longs silences embarrassés des personnages rassemblés ici laissent entendre qu’un drame a eu lieu.

©Elisabeth Caruccio

©Elisabeth Caruccio

Nous restons dans l’expectative, quand, soudain  la porte de la chambre parentale s’ouvre sur Emma, une jeune femme gisant morte. Nous comprenons vite que nous ne sommes pas convoqués à une veillée funèbre mais, par une série de flash-back, à la reconstitution des faits qui ont conduit Emma au suicide. Cela semble aller bien chez les Bauchain et elle a tout pour être heureuse… Charles, médecin est un gentil mari et Camille, une gamine effrontée et un peu tyrannique. Mais Emma qui aspire à travailler, ne réussit pas à quitter le foyer et, insidieusement, le quotidien dérape  elle perd la notion du temps et adopte des conduites inexplicables qui l’entraînent dans une vie parallèle.

 Elle trompe Charles avec un obscur professeur de musique, fait croire qu’elle travaille et à la site de nombreux menus achat, elle s’endette jusqu’à saisie par huissier. Les prénoms des personnages évoquent ceux de Madame Bovary mais Emma ne rêve pas d’un amour romantique, ne brûle pas de passion pour son amant et  ne flambe pas vraiment l’argent mais se consume à petit feu. Un naufrage inéluctable, au ralenti. Jusqu’à un violent passage à l’acte. En anthropologue, la compagnie des Hommes approximatifs explore la dérive qui s’installe  dans la vie ordinaire d’une famille ordinaire.
«Aux premiers jours des répétitions, nous avions entre les mains la formidable machine à jouer de la scénographie d’Alice Duchange mais aussi tout un hors-champ : biographies des personnages, chronologies, détails, anecdotes, images… A partir de toute cette matière, les comédiens ont improvisé,  se sont inventé une mémoire commune et sont devenus les habitants de cette histoire » dit Mariette Navarro, autrice du livret. Pas une seule ligne n’a été écrite en amont, le texte s’est fabriqué à mesure, à partir des mots, du corps des comédiens, de leurs rythmes, de leurs silences… »
Pour cette broderie collective, l’équipe de réalisation s’est inspirée de plusieurs faits-divers : le suicide d’une femme de cinquante et un ans en Carinthie, le parcours de Jean-Claude Romand qui a menti pendant quinze ans à sa famille, en lui faisant croire qu’il était médecin à l’O.M.S.  alors qu’il passait ses journées sur un parking…
Une forme et des dialogues proches d’un théâtre du quotidien, ou d’une série télévisée, d’un docu-fiction, avec détails comme la marque des céréales au petit déjeuner, une discussion de l’adolescente avec son père sur l’argent de poche. Mais ce quotidien est hanté par une inquiétante étrangeté, incarnée par un gros poupon blanc fantomatique, mauvais génie d’Emma guettant dans la pénombre. L’imaginaire et l’imagerie se référent aussi à des drames intimes  comme dans Festen ou  Intimité de Patrice Chéreau.
Le spectacle, piloté avec délicatesse et fantaisie par Caroline Guiela Nguyen, repousse les limites de la théâtralité, par ses emprunts au cinéma, au romanesque et au documentaire. Elle  invente ici une dramaturgie originale; avec un travail collectif et un jeu harmonieux, les comédiens s’investissent dans les  personnages qu’ils ont composés, plongent dans cette histoire mais gardent toujours une juste distance. Car l’humour est au rendez-vous dans les dialogues et les clins d’œil aux sitcom et séries télévisées… Malgré quelques longueurs et des moments où l’action fléchit, ce travail qui ne laisse rien à l’approximation, ouvre de nouvelles pistes au théâtre d’aujourd’hui.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 14 décembre, Théâtre de la Colline, 17 rue Malte-brun, Paris ( XX ème).  T: 01 44 62 52 52 

Du18 au 20 décembre au Théâtre Dijon-Bourgogne (Côte-d’Or).

Et du  7
au 10 janvier,
Comédie de Saint-Etienne (Loire).


Archive pour 18 novembre, 2013

Elle brûle !

Elle brûle ! écriture de la compagnie Les Hommes approximatifstextes de Mariette Navarro, mise en scène de Caroline Guiela Nguyen

Après avoir traversé un petit musée d’objets du quotidien: porte-clefs, bouchons de champagne, colifichets, armoire à pharmacie, robe de princesse dans une penderie…tels qu’on en trouve chez tout un chacun, le public va s’asseoir face à un appartement petit-bourgeois en coupe : papiers peint, cuisine américaine, plantes vertes, ambiance familiale. Il pourrait y faire bon vivre, mais les longs silences embarrassés des personnages rassemblés ici laissent entendre qu’un drame a eu lieu.

©Elisabeth Caruccio

©Elisabeth Caruccio

Nous restons dans l’expectative, quand, soudain  la porte de la chambre parentale s’ouvre sur Emma, une jeune femme gisant morte. Nous comprenons vite que nous ne sommes pas convoqués à une veillée funèbre mais, par une série de flash-back, à la reconstitution des faits qui ont conduit Emma au suicide. Cela semble aller bien chez les Bauchain et elle a tout pour être heureuse… Charles, médecin est un gentil mari et Camille, une gamine effrontée et un peu tyrannique. Mais Emma qui aspire à travailler, ne réussit pas à quitter le foyer et, insidieusement, le quotidien dérape  elle perd la notion du temps et adopte des conduites inexplicables qui l’entraînent dans une vie parallèle.

 Elle trompe Charles avec un obscur professeur de musique, fait croire qu’elle travaille et à la site de nombreux menus achat, elle s’endette jusqu’à saisie par huissier. Les prénoms des personnages évoquent ceux de Madame Bovary mais Emma ne rêve pas d’un amour romantique, ne brûle pas de passion pour son amant et  ne flambe pas vraiment l’argent mais se consume à petit feu. Un naufrage inéluctable, au ralenti. Jusqu’à un violent passage à l’acte. En anthropologue, la compagnie des Hommes approximatifs explore la dérive qui s’installe  dans la vie ordinaire d’une famille ordinaire.
«Aux premiers jours des répétitions, nous avions entre les mains la formidable machine à jouer de la scénographie d’Alice Duchange mais aussi tout un hors-champ : biographies des personnages, chronologies, détails, anecdotes, images… A partir de toute cette matière, les comédiens ont improvisé,  se sont inventé une mémoire commune et sont devenus les habitants de cette histoire » dit Mariette Navarro, autrice du livret. Pas une seule ligne n’a été écrite en amont, le texte s’est fabriqué à mesure, à partir des mots, du corps des comédiens, de leurs rythmes, de leurs silences… »
Pour cette broderie collective, l’équipe de réalisation s’est inspirée de plusieurs faits-divers : le suicide d’une femme de cinquante et un ans en Carinthie, le parcours de Jean-Claude Romand qui a menti pendant quinze ans à sa famille, en lui faisant croire qu’il était médecin à l’O.M.S.  alors qu’il passait ses journées sur un parking…
Une forme et des dialogues proches d’un théâtre du quotidien, ou d’une série télévisée, d’un docu-fiction, avec détails comme la marque des céréales au petit déjeuner, une discussion de l’adolescente avec son père sur l’argent de poche. Mais ce quotidien est hanté par une inquiétante étrangeté, incarnée par un gros poupon blanc fantomatique, mauvais génie d’Emma guettant dans la pénombre. L’imaginaire et l’imagerie se référent aussi à des drames intimes  comme dans Festen ou  Intimité de Patrice Chéreau.
Le spectacle, piloté avec délicatesse et fantaisie par Caroline Guiela Nguyen, repousse les limites de la théâtralité, par ses emprunts au cinéma, au romanesque et au documentaire. Elle  invente ici une dramaturgie originale; avec un travail collectif et un jeu harmonieux, les comédiens s’investissent dans les  personnages qu’ils ont composés, plongent dans cette histoire mais gardent toujours une juste distance. Car l’humour est au rendez-vous dans les dialogues et les clins d’œil aux sitcom et séries télévisées… Malgré quelques longueurs et des moments où l’action fléchit, ce travail qui ne laisse rien à l’approximation, ouvre de nouvelles pistes au théâtre d’aujourd’hui.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 14 décembre, Théâtre de la Colline, 17 rue Malte-brun, Paris ( XX ème).  T: 01 44 62 52 52 

Du18 au 20 décembre au Théâtre Dijon-Bourgogne (Côte-d’Or).

Et du  7
au 10 janvier,
Comédie de Saint-Etienne (Loire).

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