Danbé d’Aya Cissoko et Marie Desplechin

Danbé, texte d’Aya Cissoko et Marie Desplechin, concert narratif,  de et par Olivia Kryger, Pierre Barbaroux et Laurent Sellier.

 

danbe-1Le groupe (Mic)zzaj a mis en place un processus original de  » concert narratif sous casque « . Le public est convié à une sorte d’émission de radio en train de se faire : installez-vous sur des coussins ou sur des chaises, prenez votre casque, réglez-le comme il convient, regardez si vous voulez, et  le concert narratif commence.
Danbé est le récit d’une histoire vraie, tragique et exemplaire. Aya,  d’origine malienne , naît en France, y vit une joyeuse et douce enfance,  mais son père et sa petite sœur meurent dans l’incendie criminel de leur immeuble, au 22 rue de Tlemcen, à Paris.

La famille entre alors dans la douleur et le malheur : encore des morts, encore de la souffrance, mais pas de plainte. Le danbé, la dignité, le courage, laisse le visage impassible et les yeux secs. Encore du mépris. Contre cela, que faire ? Aya décide de faire de la boxe : non comme exutoire à une violence, mais tout simplement pour revendiquer sa liberté de fille. Elle travaille, elle encaisse. Elle devient championne de France, et pleure en entendant La Marseillaise, devient championne du monde…Et c’est encore le malheur. Mais toujours le danbé.
Le concert est organisé avec une parfaite rigueur, le récit sobrement animé de quelques gestes précis, comme on indique une direction. Et le travail du son, en accord avec celui de la voix, est d’une très grande beauté : musique en direct (guitares, claviers) et sons enregistrés permettent à la voix de faire vivre toutes les nuances,  et font aussi entrer le spectateur dans une communauté intime unique.

La vision naît par l’oreille, vaste et libre. Beauté sans pathos : le récit, terrible sur le déni de justice fait aux immigrés, et magnifique sur les actes de résistance et de générosité que cette injustice même provoque, est plein de respect et d’intelligence.
Aya dirait peut-être,  plein de danbé…

 

Christine Friedel

 Maison des Métallos, jusqu’au 22 novembre. T: 01 48 05 88 27

Danbé est publié aux éditions Calmann-Levy. On le trouve aussi dans la collection Points


Archive pour 19 novembre, 2013

sophonisbe et la mort de pompée

Sophonisbe, et Pompée de Pierre Corneille, mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman.

 

  Fille du général carthaginois Asdrubal, Sophonibe est pour les rois un objet d’échange. Son père la fiance d’abord au roi nu66074_pompee-cosimo-mirco-maglioccamide Massinisse, pour se garantir un allié avant leur départ à la guerre, puis au vieux roi Syphax, quand les alliances se renversent.
Sophonisbe aimait le premier époux qu’on lui destinait,  et ne le cache pas au second. La fortune des armes retourne la situation : et la voilà, épouse de Massinisse vainqueur, et sans pitié pour son vieil époux prisonnier. Ici, l’on entend l’avocat Corneille: Sophonisbe argumente, mais avec passion.
Elle est reine et donc ne peut être qu’à un roi. Or, n’est plus roi celui qui est vaincu et soumis par Rome, ni celui-le jeune et beau Massinisse- qui se soumet à Rome. Donc… Que faire, en effet, quand on n’est pas maîtresse de sa destinée ? Le devenir, se donner une colonne vertébrale. Ce sera, pour la princesse cathaginoise, sa gloire, et sa patrie. Les passions, l’amour, la jalousie–car Massinisse était, est et sera, promis à Eryxe, reine de Gétulie (c’est clair ? Non! Allez donc voir la pièce, vous comprendrez tout)- viendront mettre ici feux et flammes.
Ce Corneille-là, un quart de siècle plus tard, est toujours le bouillant auteur du Cid. Il a gardé intacte la force de sa jeunesse. C’est aussi l’auteur des fameuses stances à Marquise, qui ont permis à Georges Brassens de se moquer un peu de lui:  « Marquise si mon visage a quelque trait un peu vieux… » : on le reconnaît dans les plaintes du roi Syphax, grison trop amoureux, balayé par sa jeune épouse…
Pompée, comme Sophonisbe,  est marquée par l’admiration de  Corneille pour ses héroïnes, Cléopâtre et Cornélie, et pour  la force qu’il leur donne. L’Égyptienne veut bien, avec César, être reine du monde, mais non captive, si aimée, si “favorite“ soit-elle ; la veuve de Pompée fait assaut de générosité avec le même César, mais c’est pour mieux se venger de lui. Avec un sort plus heureux, Laodice dans Nicomède montrait la même fermeté, préservant sa gloire intacte. L’Eurydice de Suréna, vaincue pourtant à la fin par le destin et par le pessimisme tardif de l’auteur, fait partie de ces insoumises.
À côté de Cléopâtre, son frère Ptolémée fait pâle figure : incertain, influençable, il représente vraiment, pour Corneille, le sexe faible. César a évidemment plus d’allure, mais le personnage est miné, moins par sa passion pour Cléopâtre,  que par sa maladresse à aimer. Il fait rire : l’interprétation tire peut-être un peu sur la ficelle, mais il y a là, inscrite dans le texte, une belle ficelle à tirer.
Grâce à Brigitte Jaques-Wajeman, Corneille n’est plus un barbon. Elle a pris son temps  et est revenue avec persévérance sur les pièces qui lui tiennent à cœur, dont Sophonisbe et Pompée, jusqu’à les rendre entièrement à la vie. Ce travail-là fait vraiment œuvre. Aucun vide, rien n’est perdu. Les moindres « Ah ! » ou « quoi » offrent aux comédiens un tremplin de jeu efficace.
  L’analyse des comportements en politique: cynisme, opportunisme, louvoiements et trahisons diverses, est claire et forte, comme l’humour avec lequel l’auteur entraîne tout cela. Et c’est du vrai rire : ni dérision, ni second degré ni laide facilité d’ humoristes qui disent des bassesses en corrigeant par un lâche:  « Non, je rigole ». Ici, c’est le rire qui pointe les moments de vérité.
Et les grands enjeux politiques ne sont pas absents : qu’en est-il de la question du Nord et du Sud, dans ces deux grandes pièces qui appartiennent comme Nicomède et Suréna à la série des pièces dites coloniales? Elle retrouve aujourd’hui un écho surprenant, passionnant, avec l’instabilité des printemps arabes.
On ne va pas pinailler sur la scène d’exposition de Sophonisbe, assez  compliquée, dont les alexandrins sont trop martelés. Comme toujours (depuis La Place Royale, avec laquelle elle a  conquis le public), les jeunes comédiens choisis par Brigitte Jaques-Wajeman s’approprient Corneille avec une générosité, une liberté rare, et un culot de la même eau (forte !), autour de la très longue table de cabinets ministériels et royaux qui constituent le décor unique de l’affaire. Et n’oublions pas l’intelligence.
Cela va loin, vite, pour notre plus grand plaisir, et pour le plaisir particulier de découvrir une évidence : Corneille est difficile à lire mais est limpide sur un plateau. Voilà la découverte qu’il fallait faire :  il n’est pas un ennuyeux classique  mais un grand auteur de théâtre.

 

Christine Friedel

 

Théâtre de La Ville- Les Abbesses, en alternance jusqu’au 1er décembre. 01 42 74 22 77

 

le cas de la famille Coleman

Le Cas de la famille Coleman de Claudio Tolcachir, traduction d’Anna Karina Lombardi, mise  en scène de Johanna Boyé.

 

  Comme l’avait déjà écrit notre amie Christine Friedel, à propos d’une mise en scène de la pièce par la compagnie argentine dirigée par l’auteur en 2011 (voir Le Théâtre du Blog) le texte ne manque pas d’intérêt, même si, au début tout au moins, on peine un peu à savoir qui est qui dans cette galerie de personnages assez foutraques. La pièce  a été de nouveau mise en scène par Johanna Boyé et de façon assez remarquable
L’argument de la pièce? Une famille marginale, sorte de tribu pauvre, est mal logée bien sûr et surdendettée.  il y a quatre enfants nés de deux
image pères différents (mais absents), dont un garçon  qui dort avec sa mère et qui ne se lave jamais, des jumeaux  dont une fille qui cherche à gagner un peu d’argent en faisant  de la  couture, une mère dépassée par les événements. Et une grand-mère qui servait un peu de pilier familial,  dont le prochain décès à l’hôpital va encore fragiliser cette famille  où chacun essaye égoïstement et  tant bien que mal, et plutôt mal que bien, de survivre dans un appartement délabré,  à la décadence programmée  de cette famille qui vit au jour le jour ses frustrations ans grand espoir d’une avenir un peu plus souriant…
Cela a tout d’un regard ethnologique mais c’est plus  fort que cela. Cela se situe dans une Argentine en proie à une grave crise économique mais pourrait l’être facilement dans une banlieue de grande ville française. Claudio Tolcachir  a le sens de l’universel et sait construire un scénario, même si la pièce a du mal à démarrer et comporte quelques tunnels.
Grâce aussi à la scénographie efficace de Julie Benegmos et d’Anna Crosby, Johanna Boyé sait donner le rythme convenable à cette farce, à la fois drôle et  sinistre, et elle dirige avec une grande maîtrise ses acteurs.Avec un sens étonnant  du burlesque qui, au fur et à mesure de la pièce, va  sombrer dans le drame. Chaque personnage, en proie à  ses névroses personnelles, mis en scène par Johanna Boyé est tout à fait crédible,  et  va se retrouver embringué dans un délire général auquel  le public, pour une fois assez jeune, assiste, évidemment impuissant mais ravi du malheur des autres…
C’est d’une rare cruauté et comme,  dans toutes les pièces farcesques, c’est parfois énorme mais, comme Johanna Boyé  possède un excellent sens de la mise en scène et des enchaînements, on se laisse vite prendre au jeu de cette farce. Le spectacle a eu le Prix du Jury et celui du public du Festival 13 et c’est justice. S’il passe près de chez vous, surtout n’hésitez pas…

Philippe du Vignal

Spectacle joué du 15 au 27 octobre au Théâtre 13

Avignon à vie

christophe Raynaud de Lage

christophe Raynaud de Lage

Avignon à vie, texte et mis en espace de Pascal Rambert.

Pascal Rambert auteur et metteur en scène, est directeur depuis 2007 du T2G à Gennevilliers, exclusivement consacré aux artistes vivants. Il est venu plusieurs fois au Festival d’Avignon et, à la suite de Clôture de lʼamour, qu’il y a créée en 2011, il a écrit ce texte, un peu partout en voyage, où il décrit les paysages, images et souvenirs du festival, et parle des spectacles qui y ont été joués.
C’est Denis Podalydès qui reprend pour deux jours seulement à Gennevilliers ce spectacle créé en juillet dernier à Avignon dans la Cour dʼHonneur du Palais des papes. Classé sur la première liste des monuments historiques en 1840 et depuis 1995, le Palais des Papes fait partie, avec le centre historique d’Avignon, du patrimoine mondial de l’Unesco.
Le lieu de naissance du Festival en 47 est magique: il possède une ouverture exceptionnelle d’une trentaine de mètres, on le sait, et fait désormais partie de la mythologie théâtrale contemporaine. Y règne encore la présence de Vilar, Dario Fô, Vitez, et entre autres et plus récemment, Eric Lacascade, Pina Bausch ou Warliskoski… Et tous les créateurs et tous les acteurs rêvent d’y créer un spectacle. S’y est greffé depuis 66 le festival off, à l’initiative d’André Benedetto devenu vite emblématique de la jeune création -pour le meilleur et pour le pire- depuis 68 quand un génial préfet du Gard entreprit d’interdire un petit spectacle de Gérard Gélas La Paillasse aux seins nus!
Avignon à vie, est, comme l’écrit Valérie Mréjen: « Une déclaration dʼamour éternel a une ville et son festival est composée pendant le trajet en train. Les souvenirs et projections émergent du passe au fur et à mesure tandis que le paysage file a travers la fenêtre. (…) Le texte est un chant dʼamour au présent qui fait revivre une forme dʼanxiété et de fébrilité, et parle de lʼadmiration pour les metteurs en scène et les acteurs dont la présence a marqué tous ces lieux et s’est inscrite quelque part dans les murs et au fond des mémoires ». Et c’est vrai que pour tous les gens de théâtre, critiques compris, c’est sans doute une des villes de France où ils auront le plus séjourné et le plus travaillé…
Philippe du Vignal
Théâtre de Gennevilliers 41 avenue des Grésillons 92230 Gennevilliers T: 01 41 32 26 10 les 22 et 23 novembre. www.theatre2gennevilliers.com

 

Mademoiselle julie/ ostermeier

 

Mademoiselle Julie d’August Strindberg, adaptation de Mikhail Durnenkov, mise en scène de Thomas Ostermeier (en russe sur-titré)


C’était  la première en
image France et pour une seule représentation, à l’occasion de l’ouverture du Festival d’Automne en Normandie au Cadran/Scène Nationale d’Evreux qui a accueilli cette pièce, l’une des plus jouées du théâtre moderne, dans la mise en scène d’Ostermeier. Mikhail Durnenkov a respecté tout à fait la pièce du grand auteur suédois mais lui donne une couleur plus politique et y dénonce le pouvoir de l’argent dans la Russie actuelle.
  Sur la g
rande et belle scène du Cadran (mais la récente architecture de la salle et du bâtiment est d’une laideur insoupçonnable!), l’habituel plateau construit tournant cher à Thomas Ostermeier, construit par son scénographe Jan Pappelbaum  et programmé à la seconde près. Il y a seulement  très réaliste, un vaste piano de grande cuisine tout en inox, avec plaque de cuisson, évier, plan de travail et, de l’autre côté du plateau tournant, une sorte d’arrière-cuisine/resserre avec grand réfrigérateur.
 Tout se passe une nuit d’été dans ce huis-clos, entre trois personnages, Julie, Jean et Christina,  dans une unité complète de temps et de lieu, et sans aucune action secondaire, mais, avec la forte présence du père de Julie que l’on ressent fortement, même si on  ne le voit jamais. Au-dessus, un grand écran vidéo qui relaie en gros plan de façon obscène au sens étymologique du mot, la préparation d’un poulet par Christina, la cuisinière de la riche maison dont elle est l’employée. Comme pour  souligner le travail  épuisant et quotidien auquel elle est soumise en gagnant probablement le smic.
C’est aussi la fiancée de Jean, le chauffeur et serviteur du maître des lieux. Dont la fille, l’orgueilleuse mademoiselle Julie, dans la pièce de Strindberg, est la fille d’un ancien général devenu homme d’affaires et méprise les employés de maison qui le lui rendent bien.

Mais, comme rien n’est jamais simple dans les relations humaines, elle semble aussi fascinée par la personnalité de Jean et  se met à affronter le serviteur et l’homme à la fois. Et Jean va vite céder à la tentation,  mais il  maîtrise parfaitement ce jeu de séduction/domination, en se servant parfois des mots les plus crus: « T’es qu’une grosse vache complexée que personne ne veut se faire »,  même s’il sait qu’à ce jeu, il risque très gros… Et le duel est  sans pitié: « 

Ce qui sera assez, ce sera quelques années de prison pour viol » lui dit ensuite Julie.
Les relations humaines entre classes sociales différentes existent mais, comme disait Brecht, « l
’huile et l’eau ne se mélangent pas ». Et c’est pour refuser, quand il s’agit de relations amoureuses, de se soumettre à ces codes sociaux,  que Jean et Julie iront à leur perte…
  La situations sociales imaginées par Strindberg-la fille d’un aristocrate qui se permet de séduire le serviteur de  son père, lequel va se venger cruellement en la poussant au suicide,  avaient  quelque chose  de très subversif à la fin du  19 ème siècle, et la pièce-on l’a oublie souvent fut  d’abord interdite en Suède!
 Mikhail Durnenkov,  Roman Dolzhansky, le dramaturge et Thomas Ostermeier  ont eu raison  de mettre plutôt l’accent sur la différence de classe entre Jean, Cristina d’un côté,  et Julie et son père de l’autre.  Avec un dialogue très solide fondé sur une  stichomythie singulièrement efficace  que Sophocle comme  Euripide puis Shakespeare et Corneille  ont souvent  pratiquée  et qui fait les beaux jours du cinéma actuel.
Et ils ont très bien su garder le processus d’identification entre les personnages et le public, savamment mis au point par August Strindberg, si bien qu’aussitôt, entrés sur le plateau, les trois acteurs ont tous les trois tout à fait crédibles, et nous assistons médusés à l’ascension sociale du pauvre serviteur qui va le payer très cher. Croit-il vraiment à cette fuite à l’étranger avec Julie?
Elle, en tout cas, enfermée dans sa violence intérieure, est plus fragile qu’il n’y paraît. Elle ne sait sans doute pas très bien non plus, dans sa solitude désespérée ce qu’elle veut au fond d’elle-même, et finira, incapable de vivre dans le réel, par se suicider. Christina, elle, paye aussi le prix fort de la trahison de Jean et restera seule dans sa cuisine.
Thomas Ostermeier a aussi mis l’accent sur la passion érotique  qui unit Jean et Julie et qui va les emporter dans une spirale infernale. Il est, on le sait depuis longtemps, un remarquable directeur d’acteurs et a bien choisi ses trois interprètes : Chulpan Khamatova, Evgeny Mironov, grandes vedettes du cinéma russe, et Elena Gorina, sont tous les trois d’une présence et d’une sensibilité absolument exceptionnelles, que ce soit dans le dialogue ou dans la gestuelle. Vraiment de la grande interprétation avec toutes les les nuances nécessaires, et sans aucune faille durant une heure et demi. Elena Gorina a même, nous a-t-on dit,  l’accent d’une femme de la campagne.
Et rien dans cette mise en scène- lumières,  costumes, accessoires, musique,  images vidéo n’est laissé au hasard; tout y est aussi juste que précis, notamment dans cette violence des corps, que les personnages se battent ou fassent l’amour. Le public très à l’écoute, a bien accepté le surtitrage-  sur des écrans latéraux et un peu petits, ce  ce qui   suppose une attention soutenue-et a longuement ovationné les trois comédiens russes.
Mystère des productions théâtrales : quelques centaines de spectateurs français seulement -ceux de Normandie et  ceux du Nord-auront pu voir ce formidable spectacle…Et c’est vraiment dommage ! Reste à espérer qu’il vienne un jour à Paris et/ou au festival d’Avignon…

 

Philippe du Vignal

Spectacle vu au Cadran/Scène nationale d’Evreux,  le 12 novembre, et joué aussi les 15 et les 16 novembre à La Rose des Vents de Villeneuve-d’Asq.

Le Système Ribadier

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Le Système  Ribadier de Georges Feydeau, mise en scène de  Zabou Breitman

  «Il s’agit là d’une exagération morbide du phénomène normal de la suggestion, qui consiste dans la réceptivité plus ou moins grande qu’ont les individus à obéir aux ordres qu’on leur donne, cette suggestion s’exerçant d’autant plus facilement qu’il s’agit de personnes pouvant avoir une autorité hiérarchique ou morale sur les individus»: la définition de l’hypnose selon Le Petit Larousse Médical illustré (1924).
La mise sous hypnose est ce sommeil artificiel obtenu par différents procédés que le professeur Charcot étudia à la Salpêtrière dès 1882.  Il permet  ici à Ribadier,  mari volage, de s’échapper du domicile conjugal en toute impunité.
Une comédie en trois actes écrite et mise en scène par Georges Feydeau en 1892 au théâtre du Palais-Royal pour  78 représentations.  Le dramaturge  était passionné par les progrès de la science et utilise ici l’hypnose comme moteur d’une action dramatique.
Le décor du regretté Jean-Marc Stehlé, les costumes fin XIX ème siècle, la mise en scène soignée de Zabou Breitman et le jeu des acteurs: tout  est ici fait pour emporter le public dans une autre forme d’hypnose collective: l’adhésion aux mécanismes mis en place par l’auteur…
Beaucoup de metteurs en scène  ont monté les comédies de Feydeau avec des réussites variables.  Mais les plus anciens des spectateurs se souviennent, bien sûr, du délirant Fil à la patte à la Comédie-Française avec Robert Hirsch, dans la mise en scène de Jacques Charon. Zabou Breitman a réussi à relever le défi. Au premier tableau, on voit la façade en perspective du théâtre du Vieux-Colombier. Au moment où Gusman, le cocher (
Christian Blanc) pose son échelle pour atteindre la chambre de Sophie, la bonne des Ribadier (Martine Chevallier),  le décor tournant change et révèle l’intérieur de leur appartement.
Angèle Ribadier -jouée avec une certaine hystérie, rôle oblige -est très jalouse, d’autant plus que
Robineau, son ancien mari (dont un portrait imposant est accroché au mur du salon) l’a beaucoup trompée.
Ribadier (Laurent Lafitte) dont le jeu rappelle celui de Jean-Paul Belmondo jeune, utilise donc l’hypnose pour endormir sa femme, avant d’aller  rejoindre une de ses maîtresses. Mais le système va connaître une faille, quand
Thommereux, un ancien amoureux d’Angèle, joué avec une exubérance efficace par Laurent Stocker, revient de Batavia.
Nicolas Lormeau, lui,  incarne un négociant en vins plein de truculences. La folie de ce type de théâtre nait de répliques courtes et directes, qui servent le mouvement des personnages dont les interprètes de faire de véritables numéros d’acteur. Ce que le public de la Comédie-Française attend sans doute et  trouve ici ! Un spectacle qui tient de la bonne soirée théâtrale d’antan et qu’il n’est pas si facile de trouver actuellement.
Ce Système Ribadier aura, c’est sûr,  un grand succès en cette fin d’année…

Jean Couturier

Jusqu’au 5 janvier,  Théâtre du Vieux-Colombier, rue du Vieux-Colombier, Paris (VIème).    

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