le cas de la famille Coleman
Le Cas de la famille Coleman de Claudio Tolcachir, traduction d’Anna Karina Lombardi, mise en scène de Johanna Boyé.
Comme l’avait déjà écrit notre amie Christine Friedel, à propos d’une mise en scène de la pièce par la compagnie argentine dirigée par l’auteur en 2011 (voir Le Théâtre du Blog) le texte ne manque pas d’intérêt, même si, au début tout au moins, on peine un peu à savoir qui est qui dans cette galerie de personnages assez foutraques. La pièce a été de nouveau mise en scène par Johanna Boyé et de façon assez remarquable
L’argument de la pièce? Une famille marginale, sorte de tribu pauvre, est mal logée bien sûr et surdendettée. il y a quatre enfants nés de deux pères différents (mais absents), dont un garçon qui dort avec sa mère et qui ne se lave jamais, des jumeaux dont une fille qui cherche à gagner un peu d’argent en faisant de la couture, une mère dépassée par les événements. Et une grand-mère qui servait un peu de pilier familial, dont le prochain décès à l’hôpital va encore fragiliser cette famille où chacun essaye égoïstement et tant bien que mal, et plutôt mal que bien, de survivre dans un appartement délabré, à la décadence programmée de cette famille qui vit au jour le jour ses frustrations ans grand espoir d’une avenir un peu plus souriant…
Cela a tout d’un regard ethnologique mais c’est plus fort que cela. Cela se situe dans une Argentine en proie à une grave crise économique mais pourrait l’être facilement dans une banlieue de grande ville française. Claudio Tolcachir a le sens de l’universel et sait construire un scénario, même si la pièce a du mal à démarrer et comporte quelques tunnels.
Grâce aussi à la scénographie efficace de Julie Benegmos et d’Anna Crosby, Johanna Boyé sait donner le rythme convenable à cette farce, à la fois drôle et sinistre, et elle dirige avec une grande maîtrise ses acteurs.Avec un sens étonnant du burlesque qui, au fur et à mesure de la pièce, va sombrer dans le drame. Chaque personnage, en proie à ses névroses personnelles, mis en scène par Johanna Boyé est tout à fait crédible, et va se retrouver embringué dans un délire général auquel le public, pour une fois assez jeune, assiste, évidemment impuissant mais ravi du malheur des autres…
C’est d’une rare cruauté et comme, dans toutes les pièces farcesques, c’est parfois énorme mais, comme Johanna Boyé possède un excellent sens de la mise en scène et des enchaînements, on se laisse vite prendre au jeu de cette farce. Le spectacle a eu le Prix du Jury et celui du public du Festival 13 et c’est justice. S’il passe près de chez vous, surtout n’hésitez pas…
Philippe du Vignal
Spectacle joué du 15 au 27 octobre au Théâtre 13