Le Système Ribadier
Le Système Ribadier de Georges Feydeau, mise en scène de Zabou Breitman
«Il s’agit là d’une exagération morbide du phénomène normal de la suggestion, qui consiste dans la réceptivité plus ou moins grande qu’ont les individus à obéir aux ordres qu’on leur donne, cette suggestion s’exerçant d’autant plus facilement qu’il s’agit de personnes pouvant avoir une autorité hiérarchique ou morale sur les individus»: la définition de l’hypnose selon Le Petit Larousse Médical illustré (1924).
La mise sous hypnose est ce sommeil artificiel obtenu par différents procédés que le professeur Charcot étudia à la Salpêtrière dès 1882. Il permet ici à Ribadier, mari volage, de s’échapper du domicile conjugal en toute impunité.
Une comédie en trois actes écrite et mise en scène par Georges Feydeau en 1892 au théâtre du Palais-Royal pour 78 représentations. Le dramaturge était passionné par les progrès de la science et utilise ici l’hypnose comme moteur d’une action dramatique.
Le décor du regretté Jean-Marc Stehlé, les costumes fin XIX ème siècle, la mise en scène soignée de Zabou Breitman et le jeu des acteurs: tout est ici fait pour emporter le public dans une autre forme d’hypnose collective: l’adhésion aux mécanismes mis en place par l’auteur…
Beaucoup de metteurs en scène ont monté les comédies de Feydeau avec des réussites variables. Mais les plus anciens des spectateurs se souviennent, bien sûr, du délirant Fil à la patte à la Comédie-Française avec Robert Hirsch, dans la mise en scène de Jacques Charon. Zabou Breitman a réussi à relever le défi. Au premier tableau, on voit la façade en perspective du théâtre du Vieux-Colombier. Au moment où Gusman, le cocher (Christian Blanc) pose son échelle pour atteindre la chambre de Sophie, la bonne des Ribadier (Martine Chevallier), le décor tournant change et révèle l’intérieur de leur appartement.
Angèle Ribadier -jouée avec une certaine hystérie, rôle oblige -est très jalouse, d’autant plus que Robineau, son ancien mari (dont un portrait imposant est accroché au mur du salon) l’a beaucoup trompée.
Ribadier (Laurent Lafitte) dont le jeu rappelle celui de Jean-Paul Belmondo jeune, utilise donc l’hypnose pour endormir sa femme, avant d’aller rejoindre une de ses maîtresses. Mais le système va connaître une faille, quand Thommereux, un ancien amoureux d’Angèle, joué avec une exubérance efficace par Laurent Stocker, revient de Batavia.
Nicolas Lormeau, lui, incarne un négociant en vins plein de truculences. La folie de ce type de théâtre nait de répliques courtes et directes, qui servent le mouvement des personnages dont les interprètes de faire de véritables numéros d’acteur. Ce que le public de la Comédie-Française attend sans doute et trouve ici ! Un spectacle qui tient de la bonne soirée théâtrale d’antan et qu’il n’est pas si facile de trouver actuellement.
Ce Système Ribadier aura, c’est sûr, un grand succès en cette fin d’année…
Jean Couturier
Jusqu’au 5 janvier, Théâtre du Vieux-Colombier, rue du Vieux-Colombier, Paris (VIème).