Symphonie M

Symphonie M chorégraphie d’Akaji Maro,  avec la compagnie Dairakudakan.

 

photo« La fiction est une notion « infirme » dans la vie, car, vide, elle est proche de la mort et de ses sphères. C’est pourquoi, peut-être, non sans raison, j’ interprétais le drame-fiction comme le monde mort des morts ».  Tadeusz Kantor définissait ainsi son Théâtre de la mort  qui a bénéficié de  nombreuses analyses.
Nous sommes encore tous orphelins de cette forme de représentation et notre sensibilité est donc  vite réactivée, quand, au détour d’un spectacle comme celui d’Akaji Maro, nous perçevons des aspects communs à ces deux créateurs. Ici, nous devons parler plutôt d’une danse de mort fascinante par sa dureté et sa beauté.
Le chorégraphe s’est inspiré du Livre des morts tibétains qui, selon lui, « décrit les états de conscience et les perceptions qui se succédent pendant la période qui s’étend de la mort à la renaissance ». Akaji Maro,  qui ne fait pas du tout ses soixante-dix ans, a ici un visage maquillé de vieillard de plus de quatre-vingts ans. Il navigue entre théâtre et danse, donnant vie à des fantômes de personnages, de la petite fille mutine avec son gros nœud rose dans les cheveux, à la vieille comédienne ou cantatrice que, seule, la magie de la scène peut faire sortir du néant.
Son corps a des mouvements d’une incroyable précision qui, très minimalistes au début, vont progressivement connaître des secousses, assez proches de la transe. Son visage, lui aussi être traversé d’émotions,  de la joie à la terreur, va renaître de ses cendres, à mesure que les tableaux se succèdent.
Il est entouré  de quatorze artistes, dont quatre danseurs en smoking incarnent des sortes de croque-morts et  quatre danseuses toutes habillées de blanc, vierges inaccessibles sorties des ténèbres, et enfin,  six autres danseurs plus classiques de butô.
Cette création est rythmée par la magnifique Cinquième Symphonie de Mahler qu’il coupe par moments pour que le public perçoive mieux sa gestuelle: « Je conserve de la place pour le silence, dit-il, pour éviter que les spectateurs se raccrochent uniquement à cette œuvre de Mahler ».
Nous ne sommes pas prêts d’oublier cette danse de mort qui ne peut laisser personne indifférent et qui rapproche encore Akaji Maro, de Tadeusz Kantor. Pour ce moment unique de théâtre et de danse, on pense à ce  beau titre d’Ibsen: Quand nous nous réveillerons d’entre les morts.

 

Jean Couturier

Maison de la Culture du Japon jusqu’au 30 novembre.

 

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