La Princesse au petit pois
La Princesse au petit pois, d’après Hans-Christian Andersen, adaptation d’Antoine Guémy, Édouard Signolet et Elsa Tauveron, mise en scène d’Edouard Signolet.
C’est sur Cheek to Cheek que s’ouvre La Princesse au petit pois, avec les voix rayonnantes et rauques d’Ella Fitzgerald et Louis Amstrong, une façon de donner du peps et de la lumière à cette mise en scène joueuse et rusée d’Edouard Signolet.
Sur un praticable, des cubes d’enfant, colorés et peints, en guise de décor abstrait, que l’on monte ou démonte, selon les besoins et la vision scénographique de Dominique Schmitt.
Quelques coursives montantes et descendantes cernent le plateau de scène élevé: ce sont les douves du château.
Et voici, déguisés en grands de ce monde, extravertis et criards, Roi (Elliot Jenicot) et Reine (Elsa Lepoivre), flanqués de Prince (Jérémy Lopez), rejeton pâlot et neutre, qui conversent, échangeant des bribes bien frappées d’une conversation profondément égoïste. Au programme du jour, le bonheur, l’harmonie, la satisfaction de soi et la douceur de vivre.
« Heureux, voilà ce que nous sommes, loin des problèmes du monde… », disent Roi et Reine. Mais « Pourquoi Prince est-il à l’envers d’heureux ? » C’est que le garçon d’antan a grandi, il aimerait bien avoir quelqu’un à lui, pour être comme Roi et Reine, pour être Roi à son tour et se marier avec une princesse qui, du même coup, deviendrait Reine. Or, l’enjeu est de trouver une vraie princesse : comment la reconnaître ? Le monde est plein de bandits et de barbares qui mentent, ne serait-ce que pour s’approprier le titre royal et tous ses avantages...
Une princesse n’est que vraie, sinon elle n’existe pas ! Dans sa quête féminine, Prince rencontre quelques princesses : l’une n’a d’autre but que de le dépecer, une autre veut le séquestrer. Enfin, le jeune homme trouve sa vraie dulcinée (Georgia Scalliet), une princesse de sang qui s’ignore. Cependant, le symptôme de la passion sentimentale ne trompe pas : les tourtereaux ne peuvent plus respirer et ne parviennent pas à se détacher du regard l’un de l’autre
Or, la belle ne se sent guère princesse ; elle n’a ni envie de n’avoir rien à faire ,ni celle d’être belle toute la journée. Mélancolique, Prince rentre au château, il a parcouru la cruauté du monde. Heureusement, grâce à une jeune roturière complètement trempée par la pluie et qui s’est égarée autour du château-elle ressemble à la « vraie » déjà rencontrée -Reine accomplit le dénouement heureux de ce conte initiatique.
Tous les acteurs alternativement, en solo et sous les lumières d’Éric Dumas, prennent en charge un épisode de l’intrigue, jouant savoureusement de ces mots vides qu’ils prononcent et qui ne veulent plus rien dire. Le rire aux yeux et le sourire aux lèvres. Peut-être ces concepts philosophiques et pratiques parlent-ils à l’imaginaire enfantin, comme vrai, heureux, bonheur, ensemble … Seul, le mot amour inconnu ou déprécié, n’est guère évoqué .Un sentiment, pourtant, qui « fait éclater le cœur qui bat trop vite Tout est dit. ».
Et les personnages s’amusent et illuminent la scène de leur bonne humeur, joutes verbales, et beaux atours, entre fourrures, plumes et parures princières à faire rêver. Un beau spectacle pour tous les enfants.
Véronique Hotte
Studio de la Comédie-Française. T : 01 44 58 98 58 j usqu’au 5 janvier .