Le Ciel dans la peau
Le Ciel dans la peau
d’Edgar Chias
traduction Boris Schoenmann- Editions du Miroir qui fume
mise en scène Anaïs Cintas – compagnie Les Montures du Temps
« Il faut parler, tout raconter, tu ne peux pas…Poum.Poum.Poum. Le pouls. Lent et éteint…
Tu respires et crac dans la poitrine. Douleur. Tu exhales et fff… »
En cette langue syncopée, l’actrice exprime l’agonie d’une jeune femme qui lutte contre la mort après avoir été massacrée par un violeur. Elle doit impérativement raconter son histoire, pour témoigner, pour rester vivante. En contrepoint de ce monologue, l’auteur déroule un conte ancestrale : l’histoire d’une jeune lettrée dans le harem d’un roi oriental. Ces deux fables s’entremêlent pour dénoncer la violence faite au femmes de tous temps et plus particulièrement aujourd’hui au Mexique, où des centaines de femmes sont chaque année violées et assassinées, au vu et au su d’une police corrompue.
Évitant tout pathos, la pièce offre une partition musicale à Odille Lauria dont le léger accent mexicain renvoie à la réalité de son pays natal. Elle passe d’un personnage à l’autre, sans rupture entre la poésie du conte et l’atrocité du crime perpétré contre la mourante car c’est dans la tête de cette dernière que tout se joue » où se découpent brillants et nets les objets qu’inventent le délire de ta mémoire cassée. » Le texte adressé à la deuxième personne au public ramène le sort de la jeune femme à un destin multiple et l’atrocité de son viol, décrit par le menu, perd de sa crudité réaliste pour s’inscrire dans la longue série des féminicides.
Une mise en scène fluide permet à l’actrice de prendre ses personnages à bras le corps et de se déployer dans un décor hybride parsemé de quelques accessoires dont une cabane de bidonville et un poste de télévision qui passe en boucle un télénovelas insipide.
Cette sobriété donne toute son importance à un texte d’une facture complexe qui est ici habilement décrypté.
La compagnie implantée à Villeurbanne n’a pas dix ans et a déjà à son actif six spectacles. On peut aussi la retrouver sur Radio Canut le vendredi pour découvrir des artistes et des textes présentés dans une émission en direct : le Théâtre de la Gamelle.
Mireille Davidovici
vu au théâtre des Ateliers à Lyon le 22 novembre 2013
prochaines représentations : 6-7 février 2014 – Chok Théâtre, Saint-Etienne
24 Rue Bernard Palissy ; 04 77 25 39 32