L’artiste et son monde

L’artiste et son monde, une journée avec Jean-Claude  Gallotta;

photoCette journée avec un chorégraphe comme celle organisée pour  cet artiste le 23 novembre, correspond bien à sa personnalité.  Jean-Claude Gallotta le dit « Le monde de l’artiste est forcement mâtinée de rencontres, de frottements de chocs, de désirs. …  En danse, le partage n’est pas une option, il en est l’un des éléments constitutifs». Il ouvre cette première  journée de rencontres, d’autres suivront avec Angelin Preljocaj en janvier et José Montalvo en mai.
Le public est de plus en plus motivé par ce type de découverte, qui lui fait mieux comprendre les mécanismes de la création artistique. La rencontre tourne autour de la dernière pièce présentée ici par le chorégraphe, Yvan Vaffan. Il s’agit d’une re-création d’une chorégraphie de 1984, une façon pour lui, d’interroger le passé et de travailler avec sa compagne Mathilde Altaraz sur la mémoire d’une œuvre, comme il l’a déjà effectué avec Daphnis et Chloé présentée en 2011 au théâtre des Abbesses. Les costumes n’ont presque pas changé, mixant des vestes sombres surmontant des étranges plastrons et des culottes à lanière  que l’on pourrait rapprocher des tenues tribales africaines.
Ce ne sont plus  Henri Torgue et  Serge Houppin qui font la musique,  mais Stiggal. Les mouvements de groupes et les très beaux solos ou trios,  pleins de sensualité , reprennent vie avec de nouveaux danseurs qui n’étaient pas encore nés à la création. Il est intéressant pour le spectateur curieux, d’aller voir la captation de ce spectacle faite en 1984 sur le site de Numéridanse TV, après avoir vu le spectacle dans la salle jean Vilar.
Le spectacle, qui n’a pas vieilli, est léger et joyeux; il peut être considéré par certains,  comme anecdotique et sans fil conducteur, mais il a reçu un très bon accueil de la part du public.
Cette journée a mobilisé une grande partie du personnel du théâtre National de Chaillot, et toute la troupe  du chorégraphe qui a envahi les différents espaces. Du grand foyer où a chanté, accompagnée d’un pianiste,  la danseuse  Georgia Ives au moment du déjeuner, à la salle Jean Vilar qui a vu se dérouler une rencontre un peu longue, avec Jean-Claude Gallotta, la chanteuse Olivia Ruiz, ( qui a fait une création avec lui sur la musique de L’Amour sorcier de Manuel de Falla, et Didier Deschamps., le directeur de Chaillot?
Puis une très intéressante lecture démonstration d’Yvan Vaffan  s’est déroulée avec le chorégraphe, qui a expliqué certaines de ces scènes. Cela lui a permis de souligner le coté novateur et provocateur de cette chorégraphie pour l’époque. Cette lecture à mise à contribution  tous les danseurs et danseuses, qui, pour certains,  avaient déjà participé aux cinq ateliers pratiques de la matinée.
Quatre cents spectateurs ont suivi cette journée avec une vraie ferveur.

Jean Couturier

 Spectacle joué du 19 au 23 novembre au Théâtre National de Chaillot


Archive pour 27 novembre, 2013

Toboggan

Toboggan, texte et mise en scène de Gildas Milin

 

toboggan3On n’est pas vieux de la même façon : d’un côté, il y a les seniors, les vieux aisés ou plus des pays riches, de l’autre,  il y a les vieux, autrefois et parfois encore, dans certaines civilisations, respectés et honorées, aujourd’hui abandonnés, avec la restriction des services sociaux prônée par « le marché ». En attendant la mort, et en traînant ses handicaps, il faut bien vivre : on dit que la criminalité des vieux s’est multipliée par deux au Japon dans les dernières années (avant le tsunami). Quand on a demandé à ces « nouveaux délinquants » pourquoi ils avaient fait cela, ils ont répondu le plus souvent » je voulais qu’on s’occupe de moi ».
Dans un futur proche qui pourrait être tout simplement un « à côté » du monde tel qu’il est, Gildas Milin a imaginé une bande de vieux, tous plus ou moins malades ou handicapés, qui décident d’assassiner un jeune agent de sécurité, ensemble, à mains nues, pour avoir la chance d’être arrêtés et conduits dans un centre spécialisé où ils auraient trois repas par jour et quelqu’un à qui parler.
Une jeune fille vient faire le chien dans ce jeu de quilles, tout en nouant un lien possible , malgré tout, entre les générations. Comme pour chacun de ses spectacles, l’auteur a étudié sérieusement les données économiques, géopolitiques, anthropologiques, biologiques, psychologiques de la question.
Il a tiré de ce travail une pièce dont l’intrigue est très simple, le jeu forcément répétitif, entre la violence infligée à leur proie par la bande des vieux et leurs propres maux et plaintes. Et cela donne un spectacle très fort. D’abord, parce qu’il est beau à voir, avec une scénographie (de l’auteur et de Françoise Lebeau) à plusieurs plans : rideaux en lames de plastique, comme dans les hôpitaux, qui jouent de belles transparences et opacités, et d’un bruit glaçant ; derrière, un haut dérouleur de papier ou apparaissent de belles images hors du temps, répondant à l’instant joué. Ajoutons un piano baladeur et un « inspecteur-contrôleur » qui interrompt l’action pour donner la distance nécessaire, contrôlant surtout la réaction du public…
Ce qui donne corps à l’affaire, c’est la bande de comédiens, le collectif des « vieux » réuni sur le plateau : Catherine Ferran, Michèle Goddet (ou Clémence Azincourt, qui l’a remplacée un soir où elle était blessée), Gaël Baron, Jacques Pieiller et Gildas Milin lui-même (en meneur, comme il se doit) se sont entraînés ensemble comme on pratique des arts martiaux.
Ils se sont formés en meute, à laquelle « la victime » (le très acrobate Guillaume Rannou) est en proie et que vient perturber la jeune fille ( Anna Lien).
Voilà, c’est violent, c’est toujours pareil, on ne peut plus les voir, et pourtant on ne les lâche jamais, ces vieux « affreux sales et méchants ».
C’est qu’ils ne sont pas si méchants, se forcent au crime, solidaires et loyaux entre eux. Tout est tellement “trop“,  qu’on rit pour se défendre, on rit contre la fatalité, que l’on soit jeune ou vieux. Gildas Milin en fait son propos : attention aux liens entre générations, rompus, faussés, cachés, pervertis. Le théâtre permet de regarder le désastre, sans peur.


Christine Friedel

 

TGP de Saint-Denis. À voir à l’Echangeur de Bagnolet du 30 novembre au 6 décembre – 01 43 62 71 20

Le texte est publié aux éditions Actes Sud-Papiers

Le Moche, Voir clair, Perplexe

Le Moche, Voir clair, Perplexe, de Marius Von Mayenburg, mise en scène Maïa Sandoz

 

trilogieCinq acteurs dont un musicien pour pas loin d’une vingtaine de personnages des trois brèves pièces de Marius Von Mayenburg (dont on avait pu voir Visage de feu au Théâtre National de la Colline) : cinq athlètes accomplis, Serge Biavan, Adèle Haenel, Paul Moulin, Aurélie Vérillon, Christophe Danvin. Cette économie-là, c’est la moindre des politesses –et des performances- pour un auteur qui se veut aussi incisif, désossant les rapports banals, au travail, dans le couple, jusqu’à l’absurde. Le Moche est une fable sur le règne du marketing. Lette est fier à juste titre de son invention d’un connecteur électrique à haute technicité. Oui mais, c’est son assistant qui ira présenter la trouvaille au congrès international. Pourquoi ? Parce que lette est moche, et que ça ne fait pas vendre. Ça ne l’empêche pas de travailler, d’être heureusement marié, mais ça ne fait pas vendre. Il passe, non sans risque, par la case-chirurgie esthétique, et tout se retourne, il devient le meilleur vendeur du monde. Mais…Pour la suite, il faut évidemment imaginer le pire, et même une cascade de pire en pire, dans la destruction de l’identité par la logique du marché. Voir clair joue sur un secret de famille et sur le glissement constant des personnages d’un sentiment, d’une émotion, d’une intention à une autre. Couple ou pas couple, entre la femme de ménage et son bizarre patron ? Complicité ou pas entre le voleur de bijoux et celle qu’il a introduite dans le mystérieux appartement, sous prétexte de ménage ? Et pourquoi ces rideaux éternellement fermés ? Le suspense est tendu par la contradiction entre l’inconsistance des sentiments et l’obstination des volontés. Donc, on ne répondra pas : le mieux est d’aller vite voir le spectacle.

La troisième pièce est née d’improvisations entre les comédiens de la Schaubühne de Berlin. Dans une sorte de ronde, Eva, Judith, Robert, Sebastian (sans parler de Nietzche qui vient se mêler de cette mêlée), vont tester toutes les combinaisons possibles, y compris grâce à une soirée bal masqué. Ça commence presque comme une comédie bourgeoise : un couple, rentrant de vacances, se trouve accueilli par le couple censé garder leurs plantes vertes comme des invités un peu encombrants. Ça évolue très vite vers l’absurde, mais on n’est pas chez les Smith et les Martin de La Cantatrice chauve : il s’agit d’autre chose, des (parfois) minuscules coups de pouce ou coups d’épingle qui font chavirer les identités et les rapports entre les êtres.

La mise en scène, au sens concret du terme (les acteurs déplacent le matériel à vue), l’occupation de l’espace, le travail de son : tout cela est impeccable. Le jeu des comédiens est un pur régal : eux aussi savent, d’un coup de pouce, d’un coup d’épingle, changer de personnage, d’humeur, glisser de l’un à l’autre au service de la clarté du propos. Avec ce petit quelque chose de plus, ce trait à peine souligné, qui fait rire. On nous dit que ce spectacle dure trois heures (avec un entracte et de très bons cakes à la carotte) ? Incroyable, il dure juste le temps de le savourer, tant l’économie en est juste et précise.

 

Christine Friedel

 

À voir à La Générale, 14 avenue Parmentier Pairs 11e, à 20h, jusqu’au 2 décembre.

Capilotractées

Capilotractées de Sanja Kosonen et Elice Abonce Muhonen, avec le regard complice de Tsirihaka Harrivel et Vinala Pons.

 20-capilotract_es_web_g3 Dans le cadre du festival des Boréales, Capilotractées est un spectacle créé par les deux jeunes finlandaises Sanja Kosonen, trapéziste et Elice Abonce  Muhonen, danseuse de fil, à partir d’une technique ancienne de cirque, les acrobaties d’un corps, voire de plusieurs à partir de la suspension par les cheveux. Cela peut paraître un peu fou et on pourrait suspecter une quelconque tricherie mais non bien entendu,  surtout quand, disent-elles, dix cheveux peuvent supporter une charge maximum d’un kilo; soit pour un moyen d’une cinquantaine de kilos, il faudra environ 500 cheveux, pas plus… Soit quand même une belle tresse qu’elles attachent avec un lacet puis, si on a bien compris,  avec une simple cordelette reliée à un anneau, lui-même attaché aux agrès, et qu’elles dénoueront à la fin…
  Sur le plateau, juste une petite structure pouvant supporter un trapèze, et quelques accessoires… En un peu plus d’une heure, les deux jeunes femmes, avec une confiance totale l’une envers l’autre, vont errer dans les airs, de façon magique, et c’est tout à fait impressionnant de les voir sur leur petit trapèze, effectuant des figures qui, pour être tout à fait classiques dans le monde du cirque, sont ici renouvelées de remarquable façon, grâce aussi à l’appui d’un accompagnement musical aussi discret qu’efficace.
 Elles possèdent toutes les deux,  sans être vraiment des danseuses, « une capacité comme disait Trisha Brown, de se mouvoir (au sol ou en l’air) avec fluidité et avec une très grande précision, ainsi que tout ce qui est de l’ordre d’une force équilibrée, liée à la justesse de la posture et de l’alignement ».
Rien n’est laissé au hasard dans cette série d’images de leur corps en mouvement ou, pendant quelques secondes quand elles sont suspendues à leur trapèze ou posées comme par enchantement sur une corde molle. ce qui suppose évidemment un long travail préparatoire. Suspendues par les cheveux ou par les mains, elle risquent aussi gros, et cela exige un grand professionnalisme de tous les instants.

  Le spectacle aurait quand même gagné à être abrégé de quelque dix minutes, et tout se passe en effet comme si elles avaient un peu de peine à trouver une fin. mais bon, le public, pour une fois très jeune,  du théâtre d’Hérouville, était conquis et a longuement applaudi cette belle performance.

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué du 18 au 21 novembre; on peut encore voir dans le cadre des Boréales à la Comédie de Caen, Théâtre d’Hérouville:  Miranda réalisé par Osakaras Korsunovas jusqu’au 27 novembre et Les Bas-Fonds de Maxime Gorki le jeudi 28 novembre à 19h 30 et 20h 30 à la Halle aux Granges 1 rue du Carel, à Caen
 

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