Œdipe-Roi, de Sophocle

Œdipe-Roi, de Sophocle, texte français et mise en scène d’Antoine Caubet

 

DIPE_ROI_-_BD_-_photographe_Herve_Bellamy_-112Une adresse au public, en prologue, rappelle le contexte : une épidémie de peste qui ravage Athènes, en 430 avant J.C. Les spectateurs dans la salle éclairée,  écoutent, comme des citoyens de Thèbes, la description de la maladie, un signal fort d’entrée dans la tragédie.
Qui est coupable de cette malédiction ? La pièce, vieille histoire mythique, désigne Œdipe et confirme la prédiction du devin Tirésias (Éric Feldman), soupçonné de comploter avec Créon (Antoine Caubet). Le jeune roi mène l’enquête jusqu’à faire face à la réalité, qui lui livre le secret de ses origines et le désigne coupable de parricide et d’inceste, alors même qu’il ignorait n’être que le fils adoptif de Polybe roi de Corinthe, et de Mérope.

Nous sommes face aux gradins d’un théâtre grec éclaté, scénographie faite de gradins de bois déstructurés qui  servent aux acteurs, de praticables (Isabelle Rousseau, qui signe aussi les costumes) attentifs au cours de l’histoire et à l’énoncé du terrible destin.
Prédestination, dérèglement, châtiment et exil, forment les fils de cette tragédie cousue mains où Œdipe (Pierre Baux), l’étranger, porte à un moment la langue grecque, puis conte à son épouse, Jocaste (Clotilde Ramondou), son enfance et le meurtre d’un vieil homme au croisement de deux routes, après une banale altercation.
Un berger (Jean Opferman)  confirme avoir reçu un nourrisson des mains de Jocaste afin de le tuer, l’avoir remis à un serviteur, qui,  à son tour,  l’avait confié à Polybe et Mérope.
La boucle est ainsi bouclée, et Œdipe prend la mesure de son acte : L’homme du carrefour était bien Laïos, son père qu’il ne connaissait pas et Jocaste, est aussi sa mère. Face à la puissance du destin, Jocaste se pend dans le palais et Œdipe s’inflige son propre châtiment, se crevant les yeux pour ne plus voir la lumière, et implore Créon de le bannir.
Le chœur, ce personnage collectif de la tragédie classique, est chargé de réagir à l’action, et d’en faire, en tant que porte parole du peuple, le commentaire. Il est ici porté par deux comédiennes choryphées (Cécile Cholet et , Delphine Zucker), qui, de l’avant-scène-centre du plateau, parlent, psalmodient et interviennent musicalement, micros à la main, avec inventivité, dans la tradition lyrique des poètes grecs et apportent une belle énergie à la lecture d’Œdipe-Roi que fait le metteur en scène.
Antoine Caubet, artiste associé au Théâtre de l’Aquarium, livre une mise en scène sobre et dépouillée où, malgré quelques irrégularités dans le jeu des acteurs, on retrouve Sophocle, avec plaisir : « D’un côté, le chœur, personnage collectif et anonyme incarné par un collège officiel de citoyens et dont le rôle est d’exprimer dans ses craintes et dans ses espoirs, ses interrogations et ses jugements, les sentiments des spectateurs qui composent la communauté civique; de l’autre, joué par un acteur professionnel, le personnage individualisé dont l’action forme le centre du drame et qui a figure de héros d’un autre âge toujours plus ou moins étranger à la condition ordinaire du citoyen », selon Jean-Pierre Vernant, spécialiste de la Grèce antique, qui a éclairé les mythes grecs de sa réflexion partagée.

 

Brigitte Rémer

 

Théâtre de l ‘Aquarium – La Cartoucherie de Vincennes. Jusqu’au 15 décembre. Tél :01-43-74-99-61.www.theatredelaquarium.com


Archive pour 30 novembre, 2013

Un métier idéal

Un Métier idéal  un projet de Nicolas Bouchaud, d’après le livre de  John Berger et Jean Mohr, adaptation de Nicolas Bouchaud, Eric Didry et Véronique Timsit, mise en scène d’Eric Didry.

p153564_5Auteur, romancier, scénariste, critique, poète et peintre, John Berger à 87 ans; il vit en Haute-Savoie.  Après La Loi du marcheur (2010 et 2011 au Rond-Point), d’après les derniers entretiens filmés de Serge Daney, Nicolas Bouchaud et le metteur en scène Éric Didry  mettent à nouveau en  scène une parole qui ne lui était pas destinée à un plateau de théâtre.
Cela se passe en Angleterre, dans les années soixante. John Berger et un photographe, Jean Mohr,  accompagnent pendant deux mois John Sassall, médecin de campagne. Après avoir servi dans la Navy comme chirurgien pendant la seconde seconde guerre mondiale, il avait choisi d’exercer dans une région reculée d’Angleterre au cœur de la forêt. Deux salles d’attente, un cabinet de médecin et une pharmacie.  Ici, au sein d’une communauté rurale couramment qualifiée de fruste, se font entendre des voix, proches ou lointaines, et des histoires simples ou extravagantes. « Je pense, dit Nicolas Bouchaud, à cette phrase d’Antigone : « Nous n’avons que peu de temps pour plaire aux vivants et toute l’éternité pour plaire aux morts ». Je pense à notre précédent spectacle sur Serge Daney, à sa parole prononcée quelques mois avant sa mort. Je pense à la transmission. Je pense à la disparition. Je pense au théâtre comme le lieu vivant d’un deuil sans cesse recommencé. Je pense à la mélancolie du docteur Sassall, à celle du cinéphile et à la mélancolie de l’acteur. »
Nicolas Bouchaud seul en scène parle effectivement de médecine, de l’instant exceptionnel où le patient se trouve dans une relation privilégiée, forcément complexe et parfois difficile avec celui qui va tenter de le soigner, et plus particulièrement de médecine rurale, comme  celle que pratiquait une mienne amie dans le Lot et  qui a vu arriver un jour une de ses patientes,  handicapée mentale légère qui lui dit: « Je viens te voir parce que j’ai une aiguille dans le ventre ». Une fois la patiente allongée, la docteure a alors vu une aiguille dépasser du ventre, a désinfecté et, avec une pince, a retiré l’aiguille… Autant garder son sang-froid quand on court la campagne, comme le faisait John Sassal…
Mais Nicolas Bouchaud parle aussi de théâtre et du comédien, de la notion du temps présent mais fugace, commune à ces deux métiers. Et devant un patient -un spectateur qu’il ausculte avec son stéthoscope,- il  lui explique une scène du Roi Lear, doucement en montrant avec intelligence toutes les nuances du texte. Bref, on a droit en quelques minutes à une leçon magistrale de dramaturgie,  omme on aimerait en entendre plus souvent dans les écoles de théâtre.

Un spectacle comme celui-ci, parle effectivement d’un métier idéal comme lieu de tous les questionnements, surtout et y compris métaphysique, et de la solitude d’un homme qui, jour après jour, se rend au chevet de ses malades, même souvent quand il sait qu’il n’y a plus rien à faire. La mise en scène d’Eric Didry est aussi sobre qu’efficace et  il dirige remarquablement Nicolas Bouchaud.
On ne voit pas le temps passer. Le comédien a une telle présence sur le plateau et crée un telle empathie avec son personnage et les réflexions de John Berger que l’on ressort de là, comme apaisé, absolument heureux quand au théâtre, on a l’impression pas si fréquente!- d’être devant un spectacle exceptionnel. Novembre 2013 aura vu deux solos d’une rare qualité, celui de Gros-Câlin avec Jean-Quentin Châtelain ( voir Le Théâtre du Blog)  et celui de Nicolas Bouchaud. Ne ratez ni l’un ni l’autre, si vous le pouvez…

Philippe du Vignal

Théâtre du Rond-Point, Festival d’automne à Paris jusqu’au 7 janvier.

Le livre de John Berger et Jean Mohr est publié aux éditions de l’Olivier.

 

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