Terreur-Olympe de Gouges
Terreur-Olympe de Gouges, texte d’ Elsa Solal, mise en scène de Sylvie Pascaud.
Olympe de Gouges, femme de lettres française, politique et polémiste, est morte pour ses idées. Pionnières du féminisme, elle fut guillotinée à Paris en 1793. Les droits civiques et politiques des femmes, comme l’abolition de l’esclavage des Noirs, avaient largement envahi le champ des investigations rageuses de cette intellectuelle.
Femme de théâtre, elle écrit L’Esclavage des Noirs ou l’heureux naufrage, une pièce sur l’abolition de l’esclavage, qui la rend célèbre et fait scandale à la Comédie-Française. Elle rejoint les Girondins, devient républicaine et s’oppose à la mort de Louis XVI. Elle écrit une lettre à Marie-Antoinette afin de défendre cette figure symbolique féminine non seulement de la Terreur, mais des hommes aussi.
Olympe de Gouges écrit aussi une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne où elle affirme les droits civils et politiques des deux sexes, et lutte pour la restitution des droits naturels des femmes contre les préjugés : « Les femmes ont le droit de monter à l’échafaud. Elles doivent avoir également celui de monter à la tribune. »
Elsa Solal privilégie, le temps d’une nuit, une réflexion rétrospective et intime de l’héroïne qui attend son procès, et éclaire la teneur solide de ses convictions face aux deux hommes qui l’entourent – l’un est l’ami, l’écrivain et journaliste Mercier qui tente de l’arrêter dans sa frénésie épistolaire d’opposition aux malfrats de la Terreur, l’autre est l’ennemi, l’accusateur public Fouquier-Tinville qui l’enverra à la guillotine à la fin du procès. Comment la Révolution a-t-elle pu basculer dans la Terreur ?
La metteuse en scène Sylvie Pascaud installe ce trio infernal dans un espace cerné qui laisse voir subtilement les piques sur lesquelles reposent les perruques, avant que les têtes coupées ne les remplacent bientôt. En alternance, l’ami et le tyran sont interprétés avec intensité et conviction par Alain Granier, Martial Jacques et Gilles Nicolas. Résistants et déterminés face à cet ouragan humain qu’est Anne-Sophie Robin, forte comme un rocher escarpé sur la mer profonde, tempétueuse et tournoyante.
L’œil clair et le sourire aux lèvres, elle mêle tous les registres du jeu : amoureuse et joueuse, moqueuse et perfide, donneuse de leçons mais sûre de son fait. Le bruit sec du couperet de la guillotine qui tombe brutalement n’y fait rien : l’actrice transcende l’horreur évoquée en marchant vivement vers l’avenir, imperturbable, loquace, parlant avec ses interlocuteurs comme avec elle-même, pour se rendre à la force évidente d’un bon raisonnement et d’idées justes.
Olympe de Gouges, en véritable prophète, fait de sa causerie la nôtre, ici et aujourd’hui en 2014 où les femmes se battent encore, plus ou moins implicitement, pour obtenir une pleine reconnaissance de leurs droits.
Un temps d’humanisme existentiel qui fait un bien immense en ce début d’année.
Véronique Hotte
Jusqu’au 4 janvier 2014 à 18h30 au Théâtre du Lucernaire. 75006. Tél : 01 45 44 57 34
Le 8 mars 2014 à Étampes.