Plexus
Plexus, une pièce d’Aurélien Bory pour Kaori Ito
C’est la deuxième fois qu’Aurélien Bory réalise avec ce solo d’une heure le portrait d’une danseuse. Après «Questcequetudeviens?» crée en 2008 avec une danseuse de flamenco, il choisit l’artiste japonaise Kaori Ito pour «Plexus» qui signifie entrelacement en latin. Une danseuse exceptionnelle par son parcours artistique, elle a quitté ses maîtres de danse classique du Japon pour découvrir la danse contemporaine à New York, puis revenue en Europe elle va travailler avec de nombreux chorégraphes et metteurs en scène dont, Angelin Preljocaj, Philippe Decouflé, Alain Platel ou James Thierrée. Nous découvrons ici une scénographie qui induit le jeu de la danseuse, la scène est occupée par un plateau de 6 mètre sur 6 mètre suspendu par 10000 fils, le plateau supérieur est accroché au cintres et l’inférieur ne touche pas le sol, le tout est sonorisé. Ce dispositif ingénieux vient contraindre les mouvements de la danseuse , puisqu’elle doit s’insinuer entre ce maillage de fils qui la maintient parfois comme en apesanteur. Avant d’entrer dans cette matrice de vie intérieure, Kaori Ito va nous révéler les bruits et vibrations de son corps au moyen d’un micro qu’elle pose sur son thorax, son cou ou son ventre. Une petite partie de l’espace intérieur réel de l’artiste est révélé ainsi, bruits du cœur et souffle laryngé, où bruit carotidien sont entendu. La danse ou plutôt les mouvements que la danseuse va initier à l’intérieur de cet espace vont donner à voir la partie cachée ou fantasmée de son monde intérieur. Aurélien Bory nous dit «par la danse j’ai accès à un portrait intérieur de l’artiste». Ce metteur en scène est inclassable il le souligne, «je fais du théâtre avec la danse comme vocabulaire», d’où le succès mérité de ses spectacle toujours conçue avec minutie et professionnalisme qui attirent les amateurs des deux univers. Mais ici c’est plutôt le mariage du théâtre et des arts plastiques qui est honoré, tant les images de Kaori Ito dans cet entrelacement de fils, aidé d’une très belle création lumière d’Arno Veyrat sont fortes. Les moments d’immobilité du corps apparaissent comme des sculptures dans l’espace, alors que les instants de mobilité rapide de la danseuse et du plateau suspendu surprennent par leurs intensités dramatiques. Ce solo nous fait voyager dans un monde étrange et captivant, d’autant que chaque spectateur suivant son placement dans la salle a une vision différente de ce qui se déroule sur scène. L’énergie de vie de Kaori Ito dont le corps est contraint par les matériaux de cet espace est impressionnante, de cette confrontation nait des images mémorables qu’il faut venir découvrir.
Jean Couturier
Au théâtre des Abbesses jusqu’au 17 janvier