Sicilia
Sicilia, texte et conception de Clyde Chabot, regard extérieur de Stéphane Olry.
Sicilia de Clyde Chabot veut être le carnet de bord d’un périple réel vers la terre de ses racines avec, à l’esprit, les raisons de la migration : « À l’heure où l’on polémique et légifère autour de la question de l’identité nationale, il s’agit ici d’interroger l’identité à travers le prisme de l’intime, d’une histoire personnelle et familiale qui rejoint la constitution d’une société, d’un pays. Ceci pour donner une dimension sensible à la question. »
Mais cette prise de conscience semble bien naïve ! En 2014, le sujet est pour le moins rebattu, et on a vu ces dernières décennies la question traitée lumineusement– sur les plans économique, sociologique, cinématographique et littéraire, sans parler des expositions à la fois plastiques et numériques en vogue sur les populations migratoires contemporaines.
Le thème pouvait tenir à cœur la conceptrice dans sa volonté d’en découdre avec sa famille dispersée. Clyde Chabot, seule en scène, trône à une table festive où elle convie le public de spectateurs à prendre place auprès d’elle.
Même si elle revendique cette étrangeté qu’elle interroge, l’hôtesse de grande solitude, semble paradoxalement étrangère chez elle, malgré la belle nappe blanche de la collation préparée, les verres à boire, le vin de Sicile, le fromage et le pain de campagne biblique. Des photos de l’île – bâtiments administratifs historiques, vieilles maisons, immeubles modernes délabrés, vues maritimes – jonchent la surface immaculée de la table comme des feuilles mortes sagement ordonnancées.
La griffe de Stéphane Olry ne saurait échapper au spectateur accoutumé aux facétieuses cartes postales, récapitulatives d’une vie, de ce concepteur insolite et amusé. Avec Clyde Chabot, le public est prisonnier, embarrassé d’une émotion plus sombre, certes universelle, puisque le mystère des antécédents touche chacun d’entre nous, mais ce cheminement personnel – tendu et pesant – n’embarque guère les convives dans l’aventure, vu la naïveté et les réflexions basiques du propos, entre truismes et banalités. La famille de la narratrice avait, pour des raisons de survie, déserté la terre natale dès la fin du XIXème siècle, vers la Tunisie, la France et Chicago.Reste la sonorité poétique et la magie nostalgique des noms propres de ville et de famille, Agrigente, Syracuse, Palerme, Curcuru …« Écrire ces noms pour cesser de les oublier. Michel Guccione. Nom de mon grand-père, de mon arrière-grand-père, de mon arrière-arrière- grand- père, du temps où l’émigration a eu lieu. »
Pour étayer le propos sur l’obligation des ancêtres à émigrer et sur la perte consécutive de tout lien avec la terre natale, la comédienne répète à l’envie la volonté de sa grand-mère à la voir épouser en blanc un homme bien …
Et, en guise d’objets ostensibles de femme soumise, des vestiges ménagers d’une époque révolue révélés au public: un aspirateur, un mixer, un drap de lin brodé… Dans ce spectacle un peu court, Clyde Chabot reste trop engoncée dans une parole maladroite et tautologique qui ne lui ouvre pas les portes de l’émancipation. Même si l’intention reste délicate, et si la comédienne joue au moins le jeu de l’authenticité…
Véronique Hotte
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